En 2014, au Festival de Saintes, La Cappella Mediterranea avait triomphĂ© avec le très bel oratorio de Michelangelo Falvetti (1642-1692) «Il diluvio universale», concert dont nous avions d’ailleurs rendu compte. Deux ans plus tard, Leonardo Garcia Alarcon et Cappella Mediterranea reviennent Ă Saintes avec un programme très diffĂ©rent et tout aussi passionnant. Comme nombre d’orchestres fondĂ©s depuis le dĂ©but des annĂ©es 2000, Cappella Mediterranea s’est spĂ©cialisĂ© dans le rĂ©pertoire baroque; mais c’est la musique italienne qui a les faveurs de son directeur musical et artistique : l’argentin Leonardo Garcia Alarcon. A l’occasion de son retour Ă l’Abbaye aux Dames, le chef propose Ă son public un programme entièrement consacrĂ© au vĂ©nitien Francesco Cavalli (1602-1676).
Italianisme lumineux de Cappella Mediterranea Ă Saintes
En ce lundi soir, Leonardo Garcia Alarcon dirige solistes et orchestre depuis le clavecin. La mise en espace rĂ©alisĂ©e par le chef argentin met bien en valeur les trois chanteuses qu’il a invitĂ©es pour le concert dont le programme est d’ailleurs tirĂ© du double CD sorti rĂ©cemment « HĂ©roĂŻnes de l’OpĂ©ra vĂ©nitien / Heroines of the venetian Baroque / Ricercar, Ă©lu CLIC de CLASSIQUENEWS - octobre 2015 ». Dès le dĂ©but de la soirĂ©e, Mariana Florès donne le ton en interprĂ©tant Le nozze di Teti e Peleo avec une belle conviction; la gestuelle est parfois excessive, mais la voix est saine, rafraĂ®chissante ; elle est parfaitement adaptĂ©e au rĂ©pertoire baroque. En effet, Mariana Florès avait dĂ©jĂ obtenu un certain succès dans l’oratorio de Falvetti prĂ©sentĂ© deux ans plus tĂ´t dans cette mĂŞme Ă©glise abbatiale. A ses cĂ´tĂ©s, les deux mezzos : Giuseppina Bridelli et Anna Reinhold n’ont rien Ă envier Ă leur partenaire et chacune de leurs interventions, que se soit seule, en duo ou dans les rares trios du programme, comme par exemple «Questo troian Signore» extrait de La Didone, sĂ©duisent immĂ©diatement. Rien n’est laissĂ© au hasard et dans la mise en espace et dans le choix des extraits. Quant Ă l’orchestre, il accompagne avec une justesse remarquable les trois jeunes femmes, sans jamais chercher Ă les couvrir; Leonardo Garcia Alarcon, installĂ© au clavecin, veille au grain. Et il dirige avec Ă©nergie, les deux ouvertures du programme, L’Orione et Scipione affricano, qui permettent Ă ses musiciens de se mettre en valeur sans fioritures ni excès.
C’est un concert d’autant plus risquĂ© qu’il ne contient que des extraits d’opĂ©ras d’un mĂŞme compositeur. NĂ©anmoins il est cohĂ©rent, puisqu’il passe en revue toute le vie opĂ©ratique de Cavalli, soit de 1639 Ă 1668 ; dans le mĂŞme temps, il raconte une histoire d’amour parfois joyeuse et parfois triste, jamais monocorde. Les trois artistes expriment les sentiments contradictoires ; elles donnent le meilleur d’elles pendant toute la soirĂ©e. Et le public, nombreux, rĂ©serve Ă tous un accueil chaleureux; ce n’est certes pas le triomphe de 2014 mais le succès est incontestable et largement mĂ©ritĂ©. Les amateurs et connaisseurs de la lyre vĂ©nitienne baroque se reporteront avec dĂ©lices et bĂ©nĂ©fices au coffret prĂ©cĂ©demment citĂ© auquel renvoie le prĂ©sent programme de Saintes. L’ensemble et son chef investiront en septembre et octobre 2016, la fosse et le plateau de l’OpĂ©ra Garnier Ă Paris pour la rĂ©surrection – très attendue- de l’opĂ©ra jamais jouĂ© du vivant de Cavalli, Eliogaballo.
Saintes. Abbaye aux dames, le 11 juillet 2016. Francesco Cavalli (1602-1676) : Le nozze di Teti e di Peleo (Mira questi due Lumi, Or con Pania e con esca), Gli amori di Appolo e di Dafne (Lamento «Vogli deh vogli il piede»), La Didone (Questo troian Signore), La virtu de strali d’Amore (Occhi per piangere nati), L’Egisto (Amanti se credete), La doriclea (Udite, amanti), Il Giasone («Lassa, che far degg’io», «Dell’antro magico stridenti Cardini»), L’Orimonte (Caro Ernesto), L’Oristeo (Dimmi Amore, che faro), La Calisto (Dolcissimi baci), L’Orione (prologue instrumental), L’Eritrea (Oh bella Facella), La Rosinda (Non col ramo di cuma), Il Delio –La Veremonda, l’amazzone di Aragona– (Aura che sibila), Xerse (Ed è pur vero, o core), Ipermestra (Qu’est’è un gran caso), La Statira -Statira, principessa di Persia- (Menfi, mia patria), Il rapimento d’Helena -Mia speranza, mio contento), L’Erismena (Uscitemi del core lacrime amare), L’ercole –Ercole amante- («E vuol dunque Ciprigna», «Una stila di speme»), Scipione affricano (sinfonia), Mutio scevla (NĂ© fastosa allor che ride), Eliogabalo (Pur ti stringo), Mariana Florès, soprano, Giuseppina Bridelli, mezzo soprano, Anna Reinhold, mezzo soprano. Ensemble La Cappella Mediterranea, Leonardo Garcia Alarcon, orgue, clavecin et direction.