COMPTE RENDU, critique, opĂ©ra. PARIS, TCE, le 27 nov 2019. MOZART : Les Noces de Figaro. J RHORER / J GRAY. On lâattendait comme le loup blanc, mieux : comme le nouveau messie venu (enfin) renouveler le genre lyrique passablement Ă©reintĂ© par de faux metteurs en scĂšne. Quâallions nous alors (re)dĂ©couvrir dans ces Nozze miraculeuses oĂč brĂ»le le dĂ©sir et se consume lâamour en une transe collective, Ă la fois nostalgique et facĂ©tieuse ? Quâapporte rĂ©ellement Ă lâopĂ©ra, le cinĂ©aste James Gray, lui qui Ă 50 ans, trĂšs marquĂ© par le style intello esthĂšte de lâActor studio, a marquĂ© le cinĂ©ma amĂ©ricain depuis une dĂ©cennie, grĂące Ă des cadrages et une photographie qui citent souvent ⊠la modernitĂ© inusable dâun Degas ? En rĂ©alité⊠une (trop) sage mise en mouvement dâun incomparable chef dâĆuvre. Et si la musique trop divine de Wolfgang rendait le dĂ©fi de la reprĂ©sentation, dĂ©finitivement stĂ©rile ? La proposition de James Gray nous paraĂźt objectivement moins pertinente quâau cinĂ©ma. Mais cela aurait pu ĂȘtre pire et tourner au dĂ©tournement spatial de la part du rĂ©cent rĂ©alisateur dâAd Astra. Pourtant ayant encore vu rĂ©cemment The city of Z, dont lâaction inscrite de la forĂȘt amazonienne (bolivienne) fait paraĂźtre comme dâun songe, une reprĂ©sentation de Cosi fan tutte, nous espĂ©rions ĂȘtre surpris, tout au moins touchĂ©s par le spectacle annoncĂ© comme majeur par le TCEâŠ
GRAY UN PEU GRIS…
SAINE MAIS SAGE FIDELITĂ AUX TEXTES⊠Architecture mĂ©ridionale vaguement sĂ©villane au I ; costumes outrageusement espagnols (Lacroix) ; situations dramatiques respectueuses du livret assez sage de da Ponte, du moins plus bourgeoises que rĂ©volutionnaires de la source Beaumarchais. On est parfois mĂȘme dans un pastiche kitch dâun XVIIIĂš exacerbĂ©, un rien pĂ©taradant. La vogue Marie-Antoinette, vomissant ses mouches, ses rubans et ses macaronsâŠ, sĂ©vit toujours. La lecture politique du conflit entre le Comte Almaviva qui fait valoir son droit de cuissage / jambage, et son valet Figaro, fiancĂ© dĂ©fenseur de sa future Ă©pouse Suzanne, reste une affaire strictement domestique. Observateur de la rĂ©alitĂ©, voire analyste sans lâavouer, Gray prolonge du cinĂ©ma Ă lâopĂ©ra, son perfectionnisme visuel presque maladif. Il agrĂ©mente la vĂ©ritĂ© des sĂ©quences grĂące Ă quelques objets / accessoires qui disent tout, clairement, synthĂ©tiquement: miroir, guitare⊠qui passant de mains en mains dĂ©terminent lâidĂ©e des rĂ©seaux et des conspirations (fĂ©minines) contre le despote Almaviva. MĂȘme dans les replis de cette action fermĂ©e, entre maĂźtres et serviteurs, lâamĂ©ricain apporte une lecture pointilliste et plutĂŽt classique qui sâintĂ©resse de prĂšs Ă chaque mouvement des corps, chaque geste, toujours trĂšs signifiants. Un travail dâacteurs⊠de cinĂ©ma.
PLATEAU UN PEU TIEDE⊠Gorge serrĂ©e et naturel en berne, le Comte Almaviva de StĂ©phane Degout a lâintelligence dâenrichir son personnage en Ă©vitant la caricature. Le despote est moins brutal et grossier quâailleurs. Ouf. Profonde voix suave, la Comtesse de la soprano Vannina Santoni apporte la touche de fĂ©minitĂ© complĂ©mentaire, habitĂ©e quoique parfois trop languissante, que transforme enfin, une tenue vocale trĂšs claire et lumineuse. La voix exprime le sentiment et câest tant mieux : en lâoccurrence, lâennui et la nostalgie dâune Ă©pouse dĂ©laissĂ©e (et trompĂ©e) quoiquâencore jeune.
Le Figaro de Robert Gleadow occupe tous les espaces et potentialitĂ©s du personnage : comĂ©dien autant que chanteur, la technique a quand mĂȘme du mal Ă canaliser un trop plein de puissance et de vibrato. Bref un acteur dĂ©voilĂ©, mais un chanteur trĂšs peu mozartien. MĂȘme le jeune talent attendu ici, la soprano ElĂ©onore Pancrazi fait un Cherubin peu fluide, qui se cherche encoreâŠ
BientĂŽt PlatĂ©e chez Rameau, le tĂ©nor percutant comme une trompette mais nuancĂ© comme le diseur baroque quâil est, et magnifiquement, Ă©blouit par contre en Basilio : sorte de lĂąche insolent, canaille frustrĂ©e mais persiflante Ă souhait. Le chanteur français, lui, manifeste un plaisir Ă©vident dans le jeu théùtral, dâautant quâici moyens et intentions sont idĂ©alement justes.
Chef aux mouvements carrĂ©s mais vifs, et orchestre (sur instruments dâĂ©poque) rĂ©alisent un Mozart nuancĂ© mais comme fonctionnarisĂ© ; qui manque de respiration comme de souffle ; sans guĂšre de surprise. A croire quâune certaine ĂąpretĂ© ciselĂ©e par Harnoncourt nâa jamais existĂ© ? Classique, mĂ©ticuleusement respectueuse des didascalies et indications de da Ponte, cette production cinĂ©matographique de James Gray fonctionne de toute Ă©vidence. Elle ne marque pas non plus les esprits. Câest un peu tiĂšde et trop sage.
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COMPTE RENDU, critique, opĂ©ra. PARIS, TCE, le 27 nov 2019. MOZART : Les Noces de Figaro. Opera biffa en quatre actes K. 492. Livret de Lorenzo Da Ponte, dâaprĂšs La Folle journĂ©e ou Le Mariage de Figaro de Beaumarchais.
Direction musicale : Jérémie Rhorer.
Mise en scĂšne : James Gray.
Scénographie : Santo Loquasto. Costumes : Christian Lacroix. LumiÚre : Bertrand Couderc.
Avec Anna Aglatova (Suzanne),
Robert Gleadow (Figaro),
Stéphane Degout (le comte Almaviva),
Vannina Santoni (la comtesse Almaviva),
ĂlĂ©onore Pancrazi (ChĂ©rubin).
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Photos / illustrations © Vincent Pontet / TCE service de presse