samedi 7 décembre 2024

Strauss : Arabella (1928), un amour salvateur

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Arabella (1928) : un amour salvateur. Par un quiproquo astucieusement élaboré par Strauss qui en souffle l’idée à son librettiste Hofmannsthal, une jeune fille ici bien née est l’objet d’un quiproquo qui pourrait bien détruire le projet de son beau mariage avec un jeune provincial fortuné. Ainsi Arabella promise à Mandryka pense avoir perdu son fiancé car celui-ci entend une conversation où la jeune sœur d’Arabella, Zdenka maquillée en garçon (pour éviter aux parents de doter une seconde fois leur progéniture) remet à Matteo la clé de sa chambre. Dans un milieu (Vienne, vers 1866) où le respect des convenances vaut contrat, ce quiproquo signifie trahison et jusqu’à la dernière scène, le sort des anciens promis semble bel et bien fatalement scellé. Arabella était à deux doigts d’être une partition cynique sur les faux semblants et les blessures amères de l’amour bourgeois…
On l’a vu souvent dans le cas d’Hofmannshtal il s’agit de réformer allusivement la forme même de l’opéra, dépasser l’héroïsme des scènes trop pompeuses pour favoriser l’émergence d’une comédie théâtrale plus psychologique, en cela proche du théâtre parlé. Contre la convention, l’élégance et la vitalité de la conversation (un projet plus affiné encore dans Capriccio). Mais l’opus n’est seulement une question de forme.
Ce qui fait la modernité du livret c’est encore une fois la personnalité d’Arabella, fiancée promise et même vendue par ses parents soucieux de préserver leur rang et leur train de vie… Résignée avant l’âge et même passive au projet de ses tuteurs, Arabella se conforme au choix de son père : elle épousera ce jeune hobereau nanti originaire des forêts croates, sauveur de l’honneur d’une famille viennoise ruinée. Pour Hofmannsthal, il s’agit par la veine comique et légère (surtout après la défaite de 1918) de réparer les plaies, assurer la continuité d’un ordre social qui s’il n’était pas préserver sombrerait dans le chaos. Donc à l’issue du drame, pas de trouble ni d’ambiguité (comme à la fin du Chevalier à la rose : qui va à qui réellement et durablement ?), comme aussi dans le finale des Nozze mozartiennes où l’on sent bien que l’équilibre de cette nuit conclusive vascillera dès le lendemain ; ici, dans Arabella, en tendant le verre d’une eau pure, la jeune fille pardonne à son fiancé abusivement soupçonneux, et lui démontrant que sa relation avec Matteo n’était qu’un malheureux quiproquo, accepte de l’épouser : son exigence morale veut la vérité, et leur union sera fondée sur ce pacte. L’acte II s’achève enfin sur leur étreinte apaisée, pleine d’espoir pour l’avenir. Retour à l’harmonie après les mensonges et la parodie de la vie. Arabella est bien la figure la plus emblématique des comédies hautement morales conçues par Strauss et Hofmannsthal.
Comme définitivement du monde d’hier, Hofmannsthal s’écroule sans vie en juillet 1929, le jour de l’enterrement de son fils aîné qui s’était suicidé quelques jours auparavant.

 

 

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Illustration : Winterhalter, portrait de femme, vers 1864 (DR)

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