samedi 26 avril 2025

Seiji Ozawa : the complete Warner recordings (25 cd)

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SEIJI-OZAWA-the-complete-warner-recordings-coffret-cd-review-comte-rendu-critique-CLASSIQUENEWS-juillet-2015-CLIC-de-l-ete-2015 Seiji-Ozawa-The-Complete-Warner-Recordings1_actu-imageCD, coffret événement, compte rendu critique. Seiji Ozawa : The complete Warner recordings, 25 cd). Mère chrétienne, père bouddhiste, Seiji Ozawa est la synthèse Orient Occident, né le 1er septembre 1935 en Chine (province du Mandchoukuo, la Mandchourie alors occupée par les japonais), c’est l’enfant de métissages et de cultures subtilement associées dont la force et l’acuité, la sensibilité et l’énergie ont façonné une trajectoire singulière, l’une des plus passionnantes à l’écoute de son héritage musicale parmi les chefs d’orchestre du XXème siècle. Il partage avec le regretté Frans Bruggen, la même tension féline au pupitre, soucieuse de précision et de souplesse. une leçon de communication et de maintien, pour tous les nouveaux princes de la baguette, rien qu’à les regarder.
D’abord pianiste, Seiji se destine à la baguette et à la direction d’orchestre sous la houlette du professeur Hideo Saito, figure majeure de l’essor de la musique classique au Japon. Sa carrière est lancée avec l’obtention du premier prix à Besançon en 1959 : l’élève à Paris de Eugène Bigot a ébloui par sa finesse et son charisme. Il a 24 ans. Le prodige est l’invité de CHarles Munch à Boston, de Karajan à Berlin. C’est aussi un élève assidu de Tanglewood dès 1960 : à la discipline maîtrisée, le jeune chef approfondit son intuition, sa liberté et ses prises de risques aux côtés de Munch, Bernstein, Copland… Assistant de Karajan, Seiji devient aussi celui de Bernstein.
CLIC D'OR macaron 200Dès lors, le nouveau tempérament de la direction circonscrit son propre répertoire, idéalement équilibré : la musique française, les piliers germaniques, classiques et romantiques, Tchaikovsky et Gustav Mahler (une passion transmise par Bernstein que délaissa Karajan). Mais ici pas de Mahler hélas mais des Tchaikovski à couper le souffle dont la 4ème avec l’Orchestre de Paris en 1970, qui depuis a perdu cet état de grâce entre mordant vif argent et dramatisme universel, qui donne justement à Piotr Illiytch des accents mahlériens. Le sens du fatum, la claire consciente d’une unicité à la fois maudite et capable d’espoir, rétablit comme peu, l’héroisme tchaikovskien, sans omettre sur le plan de l’articulation et de la transparence un travail qui renoue avec Munch et Karajan. Rien de moins (cd5).

 

 

 

Faune pointilliste, direction féline

 

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L’ascension du jeune oriental très américanisé ne tarde pas : directeur du festival de Ravinia (1964-1968), Seiji Ozawa devient directeur musical du Toronto Symphony orchestra ((1965-1969), du San Francisco Symphony (1970-1976), du Boston Symphony (depuis 1972 et jusqu’en 2002), de l’Opéra de Vienne (2002-2010). Ozawa a fondé le New Japan Phiharmonic (1972), l’Orchestre Saito Kinen (littéralement en hommage à Saito, 1984) , le festival de Matsumoto (1992) enfin en 2003, une nouvelle compagnie lyrique, the Tokyo Opera Nomori. Diminué à cause d’un cancer à l’oesophage, Ozawa a réduit ses engagements depuis 2010, revenant peu à peu à la vie musicale et honorant ses nombreuses responsabilité dans son pays, le Japon, et déclarant non sans humour, « Je vais essayer au maximum de m’empêcher de mourir ».
Erato réédite l’ensemble de son héritage enregistré depuis 1969 (Rimski, Bartok, Kodály, Janacek, Lutoslawski à Chicago), jusqu’à Shadows of time de Dutilleux dont il a piloté la création à Boston en 1997…

 

Le Boston Symphony est particulièrement à l’honneur dans ce corpus (30 ans de collaboration quand même) mais aussi d’autres phalanges qui révèlent l’adaptabilité et l’aisance du chef Ozawa à relever les défis de la direction d’orchestres aux profils différents : Chicago Symphony orchestra, Orchestre de Paris, Orchestre National de France, Berliner Philharmoniker, London Philharmonic Orchestra, Philharmonia, London Symphony orchestra, Japan Philarmonic orchestra… Ozawa étend son répertoire aux oeuvres rares (Concerto pour violon de Sibelius et de Bruch (avec la soliste Masuko Ushioda), et surtout japonaises (évidemment Takemitsu est ses climats supendus filigranés, certaines oeuvres nécessitant des instruments traditionnels (dans So-Gu II de Ishii). Mais même lorsqu’il dirige son compatriote Takemitsu, Ozawa renoue avec la couleur et le sens du timbre, idéal français (car Takemitsu doit beaucoup à Ravel et Debussy).
A la tête de chaque phalange, malgré sa singularité voire l’ampleur de ses effectifs, le geste d’Ozawa préserve la transparence, la clarté des couleurs, une précision aussi d’horloger qui pourtant sait tempérer sa métrique trop rigide pour favoriser le souffle, la respiration intérieure, une certaine vision à la fois organique et pointilliste des partitions. En faune inspiré, Ozawa a toujours su instiller et transmettre une pulsation dynamique étonnamment alerte et vive voire agile et nerveuse : sa direction de félin le caractérise principalement.

 

 

ozawa seiji chef orchestre maestro coffret review classiquenews 2015A Tanglewood, approchant Copland, Ozawa reçoit le goût de la musique américaine du XXème siècle : plusieurs gravures de ce coffret Warner en témoignent clairement : Concertos pour violon de Barber (avec Itzhak Perlman), de Earl Kim et Robert Starer, Sérénade de Bernstein (hommage à son maître)… Chez les français, Ozawa allie sa maîtrise rythmique, son sens des couleurs, à une intelligence de l’architecture totalement inédite, ses correspondances intérieures ; une telle affinité explique qu’il s’est particulièrement engagé pour la création des oeuvres de Dutilleux et Messiaen : de ce dernier, création dès 1966 des Sept Haikai, spécilisation à peine voilée dans l’interprétation de la Turangalîla Symphonie, avant l’accomplissement lyrique spectaculaire, la création à l’Opéra Bastille de Saint-François d’Assise en 1983. Il restait un nouveau volet à se polyptique impressionnant : Le Temps l’horloge de Dutilleux créé au TCE avenue Montaigne, lieu emblématique de la modernité depuis Le Sacre, en 2009 (René Fleming et le National de France).

 

Parmi les partenaires, outre la violoniste déjà citée, Masuko Ushioda (Sibelius, 1971), citons les grands partenaires du maestro : Alexis Weissenberg (Concerto de Ravel, 1970, avec l’Orchestre de Paris ; Rhapsodie in blue de Gershwin, 1983 avec le Berliner Philharmoniker), Michel Béroff (Stravinsky, 1971), Itzhak Perlman (Wieniawski, 1971 ; Kim et Starer, Boston, 1983 ; Barber, 1994 ; Gagneux et Shchedrin, 1994), Vladimir Spivokov (Tchaikovsky, 1981),  Anne-Sophie Mutter (Symphonie espagnole de Lalo, National de France, 1984), surtout Mitslav Rostropovitch (Concertos de Dvorak, 1985 ; de Prokofiev et Shostakovitch, 1987 ), …

 

 

OZAWA maestro felin CLASSIQUENEWS portrait juillet août 2015 Le-chef-d-orchestre-Seiji-Ozawa-de-retour_article_landscape_pm_v8Comparaison édifiante, l’écoute comparative des deux versions de L’Oiseau de feu (ballet intégral) : à 9 années d’intervalle ; d’abord avec l’Orchestre de Paris en avril 1972, puis avec le Boston Symphony orchestra en avril 1983. Ciselée, et pourtant prenante, comme inscrite dans un matériau souterrain, la direction émerveille par le sens du climat, de la transparence, détaillant chaque accent instrumental en une mosaïque de couleurs étonnamment lisible : du grand art, pointilliste et dramatique. La Supplication de l’Oiseau (CD10, plage 6) allie la définition des timbres (bois et cordes), les nuances et le sens de l’écoulement en une danse envoûtante portée à incandescence… A Boston, 9 ans plus tard, autre orchestre autre équilibre : la sonorité s’est arrondie, disposant d’un orchestre moins nerveux, les détails qu’y distille maître Ozawa sont plus flous mais non moins précisément énoncés, avec toujours ce sens scintillant des atmosphères, canalisant la tension en une formidable machinerie narrative : un faune ensorceleur qui de l’une à l’autre gravure, maintient ici et là une étonnante capacité à exprimer dans la clarté et aussi l’absolu mystère : éloge de l’action et de l’ombre. Saisissant : Ozawa sait faire sonner chaque qualité de l’Orchestre, de Paris à Boston. Aucun doute là dessus, l’Ozawa des années 1970 est d’un acier étincelant, qui souffle une fièvre détaillée vif argent, architecturée, « pointilliste » comme le chatoiement d’un Seurat et aussi l’éclat scintillant organique d’un Titien : ce coffret qui regroupe la majorité des enregistrements de cette décade miraculeuse forme un corpus incontournable.

 

 

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