Radio.Scherzos de Chopin. France Musique, dimanche 4 octobre 2015, 14h. La tribune des critiques de disques. Composées entre 1831 et 1842, les Quatre Scherzos de Frédéric Chopin expriment par leurs volutes enfiévrées la quête toujours insatisfaite d’une âme possédée, révélant sous le masque doucereux et rêveur du Chopin crépusculaire, ses aspirations et son tempérament plus éruptifs. Comme il le fait de la matière traditionnelle des Nocturnes, Polonaises ou Etudes, Chopin sublime la forme classique du Scherzo vers une fantaisie débridée d’un caractère souvent exacerbé, non dénué d’extrêmes nuances. L’élan de la danse, atteint une transe personnelle habile en audaces harmoniques et passages vertigineux : le Scherzo chopinien dévoile les brûlures et les facettes fantastiques / diaboliques, inquiétantes et étranges du créateur démiurge (premier épisode du Scherzo n°1, composé selon la légende pendant une nuit d’angoisse dans la cathédrale Saint-Etienne de Vienne, dès 1830). Le Scherzo n°2 dédié à la Comtesse Adèle de Furstenstein, est composé à Paris en 1837.Chopin y excelle dans la balancement fascinant, exigeant de l’interprète des prouesses de technicité habitée, foudroyantes et jamais creuses : les triolets du début devant être joués pianissimi : véritable énoncé du mystère auquel répondent par quatre fois, de majestueux accords. Jamais Chopin ne s’est montré plus proche de Liszt que dans ses Scherzos qui ont l’intimité d’une pensée recueillie et pudique, l’emportement fulgurante d’un génie du piano orchestral. Composé entre Paris et Majorque (1838-1839), pendant le périple du couple éphémère Sand/Chopin, le Scherzo n°3 en do dièse mineur opus 39 est notre préféré : il y distille une pensée musicale entre éclairs et syncope, traversé par ce ruissellement central qui réconcilie comme Schumann, vitesse, mouvement et nostalgie.
Le Scherzo n°4 en mi majeur opus 54, composé à Nohant et Paris entre 1841 et 1842, est dédié aux soeurs Caraman, deux élèves de Chopin. Plus proche du songe maîtrisé et enfin rasséréné, le dernier Scherzo est d’une forme libre qui confine à l’improvisation, expression pudique et directe d’une âme attendrie, et finalement baignée par une douce mélancolie.
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