Bayreuth 2023 nous inflige une Tétralogie confuse, surornementée selon les fantasmes et les désirs du metteur en scène Valentin Schwarz, qui visiblement aime à complexifier la trame élaborée par Wagner. La cohérence vocale de cette Walkyrie, n’efface pas les errements agaçants de l’action scénique ainsi réalisée, et dans des costumes aussi divers que la vision est éparpillée comme étrangère à toute clarté.
Ici, sans explications préalables, Sieglinde, épouse malheureuse de Hunding, s’abandonne à son frère Siegmund, mais étrangement rejette l’enfant né de leur union ; là les Walkyries, toutes boursouflées et le visage bandé, en victimes postopératoires, attendent dans une centre de chirurgie esthétique.
Un trio vocal solide sauve une Walkyrie
gâchée par la mise en scène et la direction musicale
Même la fameuse scène entre Wotan et sa femme Fricka, où l’épouse trahie somme le Dieu de respecter les lois qu’il a édictées, y compris à l’égard de sa fille Walkyrie en un tableau qui tient à la fois de la tragédie conjugale et de la vindicte matriarcale. Rien de très claire pourtant sur la scène : la réalisation est trop confuse pour mesurer l’enjeu véritable de la séquence.
Heureusement les chanteurs nous régalent autrement : au lumineux et tendre voire bouleversant Siegmund de Klaus Florian Vogt – totalement convaincant, répond la fabuleuse et enivrée Elisabeth Teige (qui succède ici même à l’autre norvégienne remarquée Lise Davidsen). Le Hunding de Georg Zeppenfeld apporte une profondeur humaine, plus raffinée qu’ordinaire, quand les chanteurs restent souvent brutaux voire tendus dans un rôle certes assez terrifiant (Hunding l’époux accueillant mais trahi, finit par tuer Siegmund). Ce trio exemplaire et réellement captivant, fera vite oubliée les Walkyries hurleuses de la fameuse chevauchée (Simone Schruder, Kelly God, Daniela Kuhler…). Voilà qui souligne davantage l’éclairage chambriste et psychologique de La Walkyrie que d’aucun, à cause justement des Walkyries, cantonne à un opéra à décibels… Plus instable, le Wotan peu nuancé et vocalement inabouti de Tomasz Konieczny ; comme la Fricka de Christa Mayer qui cependant se bonifie en cours de soirée.
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Dans le rôle titre, la Walkyrie (bientôt Brünnhilde) de Catherine Foster a l’ampleur vocale, le tempérament dramatique, l’assiduité surtout d’un rôle écrasant et bouleversant ; autant dire que familière du personnage pour l’avoir assumé déjà dans la précédente Tétralogie (de Hans Castorf), la soprano wagnérienne déploie une maîtrise indiscutable et une réelle compréhension du rôle, surtout dans le dernier acte, dans ses adieux déchirants avec Wotan…
Las, la direction de Pietari Inkinen se fera vite oubliée, préférant la surenchère sonore à la finesse d’une orchestration pourtant somptueuse et détaillée. Son Wagner sonne comme dans la chevauchée précitée, ampoulé, rien que monolithique. Quel dommage. Bayreuth décline d’année en année dans des productions bancales où règne la confusion décomplexée des soit disant « metteurs en scène ».
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CRITIQUE, opéra. BAYREUTH, le 27 juil 2023. WAGNER : La Walkyrie. Klaus Florian Vogt, Elisabeth Teige, Catherine Foster, Georg Zeppenfeld… V. Swhwarz / P. Inkinen
Plus d’infos sur le site du Festival de Bayreuth 2023 / Bayreuth Festspiele : https://www.bayreuther-festspiele.de/programm/auffuehrungen/die-walkuere/