samedi 20 avril 2024

Richard Wagner et la France. Des Symbolistes à la Revue Wagnerienne: Paris, capitale wagnérienne

A lire aussi

Richard Wagner et la France

Paris, 1860

Les premiers partisans d’une wagnérite aiguë, en particulier parisienne, font leur apparition dès les années 1850. Mais c’est surtout en 1860, période qui voit le compositeur diriger à Paris, où il s’est fixé depuis 1859, des pages orchestrales de ses oeuvres, que les adeptes se multiplient. Le compositeur est même surpris par le niveau et la culture musicale des parisiens, mélomanes avisés, très au fait des créations et des grandes évolutions de la pensée musicale. C’est du moins ce qu’il écrit à Mathilde Wesendonck… En dépit de la barrière de la langue, les spectateurs sa passionnent pour les oeuvres de leur contemporain. Au début de 1860, Wagner dirige une série de concerts au Théâtre Italien. Evénement capital pour l’émergence d’une sensibilité wagnérienne à la française: le compositeur joue plusieurs extraits symphoniques de ses trois opéras alors publiés, Le Vaisseau Fantôme, Tannhäuser et Lohengrin, auxquel il ajoute le Prélude de Tristan, qu’il vient d’achever. Quand Berlioz, assez contradictoire vis à vis de Wagner, et par là même emblématique de la position des français, regrette les langueurs alanguies qui n’en finissent pas de s’y répandre pour devenir inintelligibles, le public applaudit jusqu’au triomphe. N’en déplaise à l’auteur de La Damnation de Faust, qui rêvait à la place de Tannhäuser, voir produites les scènes de ses Troyens, la série des concerts parisiens est pour Wagner, un très grand succès.

Admiration, réitération

Comme si la musique du compositeur ne pouvait parfaitement se comprendre que dans l’impression flottante et imperceptible mais tenace qu’elle suscitait, ses plus grands « défenseurs » l’ont commentée « après coup », dans la réitération filtrée et subjective, du souvenir. Ainsi, Baudelaire écrit-il un an après les avoir écoutées en concert à Paris, et sur la scène de l’Opéra, ses impressions dans « Richard Wagner et Tannhäuser à Paris« : le poète y reconnaît la musique de l’avenir et l’étonnante modernité qui parle aux sens, éloquente, suggestive, énergique et passionnée. Fantin-Latour fera de même: ses nombreuses toiles et gravures « d’après le Ring » dont il n’a la connaissance que par l’écoute de transcriptions au piano, ou après avoir vu l‘Anneau à Bayreuth, sont bien des recréations personnelles d’après Wagner, en rien les illustrations descriptives des oeuvres vues et applaudies. Chez l’un comme chez l’autre, le pouvoir de la musique agit comme un baume, et déjà, un enchantement. Poison à la vénéneuse extase, la magie wagnérienne captive ses admirateurs jusqu’au sentiment d’une demi-conscience. Jusqu’à rendre jaloux, le génie poétique d’un Valéry, trop conscient du pouvoir supérieur de la musique sur ses propres mots… Le pouvoir de la musique seule, plus impressionnante et d’une activité plus tenace que le chant et les paroles (du moins dans le cas de Baudelaire), a de la même façon, impressionné positivement Mallarmé qui découvre avec Edouard Dujardin, en 1885, toujours en concerts à Paris, le Prélude de Parsifal

Le Ring à Paris

Ainsi dès son vivant Wagner suscite une folie parisienne. Et la chute de Tannhäuser en 1861, sur la scène de l’Opéra de Paris, à la suite d’une caballe artificielle et abusive, n’y fera rien: mieux, l’abandon de l’oeuvre pourtant réadaptée pour le public français, inscrit définitivement Wagner dans l’imaginaire français. Même repli furtif et simplement de façade, après la guerre de 1870… Wagner comme tout les autres champions de la culture germanique est un nom tabou… jusqu’en 1880 où ses oeuvres sont à nouveau à l’affiche des concerts. Contradictions, convulsions (de jalousie ou de haine germanophobe), la création de Lohengrin en 1891 suscite encore, un beau scandale…mais l’oeuvre se maitient. D’ailleurs, les années 1890 marquent la grande entrée de Wagner au sein de l’Institution parisienne: La Walkyrie y est crée en 1893; Tannhäuser, repris et réhabilité en 1895, Les Maîtres Chanteurs en 1897.

Les Symbolistes et La Revue wagnérienne (1885-1888)

Depuis 1876 et l’ouverture du temple wagnérien par excellence, Bayreuth, (en cette année fondatrice, est programme le premier Ring intégral), la diffusion des oeuvres wagnériennes se poursuit sans discontinuité. En témoigne la très sérieuse autant qu’engagée Revue wagnérienne, fondée par Edouard Dujardin. Entre 1885 à 1888, les critiques et écrivains y diffusent et explique nt les enjeux et la modernité du théâtre et de l’esthétisme wagnériens. L’ami de Mallarmé y développe articles et dossiers sur l’actualité de l’oeuvre de Wagner, sur Bayreuth, sur la scénographie et la dramaturgie des opéras. La Revue a très vite un large retentissement, mais elle regroupe alors les tenants d’un autre esthétisme, capital en France, les symbolistes. Au contact de Wagner et de son théâtre fusionnel, fondé lui-même sur le concept de l’art total qui rassemble et unie tous les arts, pour sublimer l’acte de la représentation, les poètes et les peintres symbolistes apprennent l’intériorité et l’allusif, l’invention d’une nouvelle scène et d’un nouveau monde représentatif qui exprime l’intimité et les sentiments sans les représenter. Le cercle des symbolistes comptent Verlaine et Mallarmé, Huysmans, Villiers-de l’Île-Adam et Catulle Mendès (futur librettiste de Massenet), les peintres Odilon Redon, Fantin-Latour, Jacques-Emile Blanche… La diversité des disciplines ainsi regroupées et passionnées montre combien la pensée totalisante de Wagner avait alors séduit les créateurs de l’époque en France, grâce à sa puissante force évocatoire, son art des climats flottants et irrésolus, ses enchantements…

Au demeurant, les parisiens forment très vite, jusqu’en 1896, et audelà, la première présence non allemande à Bayreuth. Albert Lavignac qui écrit en 1897, « Le Voyage artistique à Bayreuth » devient une bible pour tout wagnérien, surtout pour tout bayreuthien, heureux d’y trouver des informations pratiques sur ce qui est devenu un pèlerinage incontournable pour nombre d’intellectuels et de penseurs, d’admirateurs convaincus.

- Sponsorisé -
- Sponsorisé -
Derniers articles

CRITIQUE, concert. LILLE, Nouveau Siècle, le 18 avril 2024. SIBELIUS : symphonie n°7 [1924] – BEETHOVEN : « GRAND CONCERTO » pour piano n°5 « L’Empereur » [1809]....

SUITE & FIN DU CYCLE SIBELIUS... La 7ème est un aboutissement pour Sibelius pour lequel l'acte de composition est...
- Espace publicitaire -spot_img

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img