LIEGE, le 20 septembre 2017, Bruno Procopio joue Rameau. Avec la violoniste Stéphanie-Marie Degand et la gambiste Romina Lischka, le claveciniste (et chef d’orchestre) spécialiste de Jean-Philppe Rameau, Bruno Procopio, propose l’intégrale des Pièces de clavecin en concerts (1741), l’unique recueil de musique de chambre composé par l’auteur des Indes galantes et d’Hippolyte et Aricie (son premier opéra créé en 1733, sujet d’un beau scandale). Pièces de la maturité, d’une théâtralité suggestive, certaines séquences de cette prodigieuse chambre des merveilles, trouveront une nouvelle vie dans les opéras (tragédies lyriques) Zoroastre ou Dardanus. Bruno Procopio qui s’engage aujourd’hui comme chef dans le défrichement scrupuleux mais si palpitant des compositeurs des Lumières et des premiers Romantiques français (dont Méhu ou Gossec), exprime depuis le clavecin, pièce maîtresse et acteur central des Pièces, l’invention, la liberté, l’audace harmonique aussi dont fut capable Rameau. Jouer l’intégrale des Pièces est une expérience unique car l’auditeur s’immerge dans ce qui demeure le sommet de la conversation musicale. Bruno Procopio connaît d’autant mieux le répertoire baroque français et spécifiquement Rameau, qu’il a enregistré l’intégrale des Pièces en concerts en cd (édité par le label PARATY qu’il a fondé en 2007, disque événement critiqué sur classiquenews). Rameau, c’est l’inventivité, l’élégance, la grâce et le pouvoir éloquent de la musique. Bruno Procopio l’a démontré encore dans un autre enregistrement important : « Rameau in Caracas », cycle d’extraits d’ouvertures et de danses des opéras raméliens, joué avec l’Orchestre Simon Bolivar, c’est à dire sur instruments modernes mais selon l’articulation et le style d’époque : un défi instrumental et esthétique que le chef franco-brésilien a relevé avec une classe irrésistible (LIRE aussi notre critique du cd Rameau in Caracas, édité par le label Paraty). Dans les Pièces pour clavecin, si le clavier demeure obligatoire, les autres instruments sont à l’appréciation des musiciens, en particulier la partie aigue, jouée différemment selon les versions et les possibilités, à la flûte, au violon (comme c’est le cas ce 20 septembre 2017 à Liège). Bruno Procopio retrouve la violoniste Stéphanie-Marie Degand, complice familière, qui a joué avec lui lors de la Semaine Baroque à Rio en octobre 2016 (VOIR notre reportage vidéo du cycle de musique française où Stéphanie-Marie et Bruno jouent de concert)… A liège comme à Rio, les deux complices réalisent en ambassadeurs convaincants, la diffusion la plus enivrante de l’écriture dr Rameau. L’entente et la complicité devraient donc s’inviter dans ce concert exceptionnel.
A l’époque de la parution du cd RAMEAU : Pièces pour clavecin en concerts par Bruno Procopio chez PARATY, notre rédacteur, Camille de Joyeuse, auteur de la critique, écrivait en avril 2013 : … « Mais au cœur de ce programme des plus réjouissants, d’autant plus opportun pour la prochaine année Rameau 2014, s’affirme le clavecin de Bruno Procopio: l’ex élève des Rousset et Hantaï y confirme son immense talent, son intelligence interprétative, une finesse flamboyante qui éclaire le génie d’un Rameau touché par la grâce. Belle idée de souligner la place centrale dans l’œuvre du Dijonais en ajoutant 5 des 7 pièces composant la Suite en la du IIIè Livre de clavecin de 1728: ici se succèdent Allemande, Courante, Sarabande… d’une exaltante euphorie intimiste, où les doigts experts savent relever les défis techniques et poétiques du jeu des ” Trois mains ” et de la Triomphante finale, habilement et légitimement retenue en conclusion superlative…. » Un must absolu.
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RAMEAU : Pièces de clavecin en concerts
LIEGE, Salle académique de l’Université
Mercredi 20 septembre 2017, 20h
Concert à l’initiative des Nuits de Septembre à Liège, dans le cadre des Festivals de Wallonie 2017
RESERVEZ
https://www.lesnuitsdeseptembre.com/degandlischkaprocopio
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A l’occasion de la parution du cd RAMEAU : Pièces pour clavecin en concerts par Bruno Procopio chez Paraty, le chef claveciniste avait eu l’opportunité de présenter lui-même toutes les qualités des partitions, parmi les plus fondamentales de la musique baroque française au XVIIIè : Entretien avec Bruno Procopio à propos des Pièces pour clavecin en concerts de Jean-Philippe Rameau
Bruno Procopio, vous avez enregistré les Pièces de clavecin en concerts de Rameau. Pouvez-vous nous dire quelle place occupent ces œuvres dans la carrière de Rameau ?
Ces pièces ont été publiées par les soins de Rameau lui-même à Paris en 1741, sous le titre exact de Pièces de clavecin en concerts, avec un violon ou une flûte, et une viole ou un deuxième violon. Il s’agit donc d’œuvres de sa maturité. Déjà âgé de cinquante-huit ans, Rameau était devenu le grand maître de l’opéra français depuis la création de son premier opéra Hippolyte et Aricie en 1733.
Rameau a publié trois livres de pièces de clavecin entre 1706 et 1728, puis sont venues les Pièces de clavecin en concerts…
Il s’agit de son unique œuvre de musique de chambre. Ces « concerts » sont parus accompagnés d’un « Avis aux concertants », sorte d’avant-propos programme dans lequel Rameau précise que c’est « le succès des sonates qui ont paru depuis peu, en pièces de clavecin avec un violon », qui l’a encouragé à suivre le même plan. Il songe là vraisemblablement aux Pièces de clavecin en sonates avec accompagnement de violon de Mondonville, publiées vers 1734. Dans cet « Avis aux concertants », Rameau se montre très précis quant à l’organisation des Pièces de clavecin en concerts : « Le quatuor y règne le plus souvent, écrit-il. Il faut non seulement que les trois instruments se confondent entre eux, mais encore que les concertants s’entendent les uns les autres, et que surtout le violon et la viole se prêtent au clavecin, en distinguant ce qui n’est qu’accompagnement, de ce qui fait partie du sujet. C’est en saisissant bien l’esprit de chaque pièce, que le tout s’observe à propos. » On ne peut être plus clair.
Le clavecin a donc un rôle essentiel dans ces œuvres ?
Tout à fait. Le clavecin a souvent un rôle concertant, mais il peut être à l’unisson avec les dessus ou leur servir d’accompagnateur coloré. Il n’est jamais relégué au second plan. Rameau a d’ailleurs ajouté que ces Pièces de clavecin en concerts jouées au clavecin seul « ne laissent rien à désirer ; on n‘y soupçonne pas même qu’elles soient susceptibles d’aucun autre agrément ». Cinq de ces pièces ont d’ailleurs été adaptées par lui-même pour clavecin seul. Lors de notre enregistrement, nous nous sommes donc interrogé sur la position du clavecin à côté des deux dessus. Comment respecter son rôle concertant ? Nous avons donc choisi de le mettre au centre de l’enregistrement, car la difficulté a été pour nous de situer les instruments les uns par rapport aux autres.
Selon vous, comment Rameau a-t-il conçu ces pièces ?
Les Pièces de clavecin en concerts constituent une sorte de maillon entre les sonates en trio italiennes ou les trios polyphoniques de Bach, comme la sonate en trio qui clôt L’Offrande musicale, et les sonates pour clavier – clavecin ou piano-forte – avec accompagnement de violon obligé ou ad libitum qui se développèrent considérablement à la fin du XVIIIe siècle, en France notamment. Dans ce genre de compositions où le clavier se taillait la part du lion, l’instrument à cordes se bornait à doubler la mélodie ou à ponctuer les basses. Animé par son expérience de musicien de théâtre, Rameau s’émancipe du cadre forgé par les Italiens et par ses prédécesseurs français et raffine sur les détails. Il compose de véritables trios, car chaque « Concert » est un trio presque symphonique où le clavecin, affranchi de toute fonction polyphonique, devient un instrument soliste à part entière à côté de ses deux partenaires qui lui apportent un lumineux complément de richesse sonore.
Il apparaît que Rameau a largement puisé dans ses propres œuvres.
Oui, et la coutume était très fréquente en cette époque moins frileuse que la nôtre dans ce domaine. Bach et tant d’autres ne se sont pas privés de puiser dans leur propre répertoire pour adapter un air de cantate en pièce d’orgue, un air d’opéra en sonate ou en pièce de clavecin. Rameau à l’inverse réutilisera certaines de ses Pièces de clavecin en concerts dans ses opéras. L’un des deux Tambourins du Troisième Concert, déjà orchestré dans Castor et Pollux en 1737, sera repris en 1744 dans Dardanus. L’Agaçante et La Livri réapparaîtront en 1749 dans Zoroastre.
Propos recueillis par Adelaïde de Place, © Paraty 2013 – cd Rameau : Pièces pour clavecin en concerts par Bruno Procopio, enregistré en 2012 – publié en avril 2013 – Lire la critique complète du cd Rameau par Bruno Procopio :
https://www.classiquenews.com/rameau-pieces-de-clavecin-en-concert-label-paraty/
LIRE aussi : RAMEAU SYMPHONIQUE… en décembre 2014, à la Salle Philharmonique de Liège, écrin idéal pour ce genre de répertoire, Bruno Procopio dirigeait un cycle d’ouvertures et de ballets des opéras de Rameau avec l’Orchestre philharmonique royal de Liège, peu habitué aux oeuvres du Baroque Français des Lumières
VOIR aussi notre reportage BRUNO PROCOPIO, MAESTRO TRANSTLANTIQUE… entre Paris et Rio, Bruno Procopio joue Rameau, Méhul, Gossec ou Sacchini, en musicien passionné par l’articulation et l »éloquence de la musique française, qu’elle soit Baroque, classique, ou romantique… Portrait vidéo par le studio CLASSIQUENEWS.TV 2016
BRUNO PROCOPIO : un chef claveciniste au service de l’éloquence musical, ambassadeur inspiré par la musique française baroque, classique et romantique… (illustration © classiquenews.com 2017)