samedi 20 avril 2024

Puteaux. Théâtre des Hauts-de-Seine, le 13 décembre 2010. Concert June Anderson. Jeff Cohen, piano

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Leçon de bel canto

Pour ouvrir leur troisième édition, les Rencontres Musicales de Puteaux, dédiées à Vincenzo Bellini, qui vécut au sein de la ville et y composa une grande partie de son opéra I Puritani, et au bel canto, ont fait appel – après une occasion manquée l’année précédente – à la légendaire soprano américaine June Anderson, grande prêtresse du répertoire belcantiste. Avouons-le sans détour, la grande cantatrice n’a pas failli à sa réputation.
Toujours altière, noble et fière, elle occupe la scène dès son entrée. Chacun de ses gestes est pesé, chorégraphié aimerait-on écrire, avec l’art d’une tragédienne, toujours d’une parfaite élégance, de celle des grandes divas.
Elle débute sagement son récital avec des mélodies de chambre de Bellini, parfaites pour chauffer en douceur son instrument.
Avec la mélodie de Carlo Pepoli, on retrouve avec stupéfaction la cantilène qui sera celle de la scène de la folie d’Elvira dans les Puritani de Bellini. Les ressemblances sont frappantes, et June Anderson sait parfaitement les mettre en valeur.
Mais c’est avec l’air extrait d’Adelson et Salvini, une œuvre de jeunesse de Bellini, que la chanteuse déploie l’éventail de sa maîtrise technique et musicale. Cet air, qui deviendra plus tard le célèbre « O quante volte » des Capuleti e i Montecchi, demande un souffle inépuisable, une parfaite conduite de la ligne et du son, un legato à l’archet, sans parler d’un véritable sens des nuances et des couleurs, tout un art qui n’a pas de secrets pour la soprano. Clair-obscur et sfumato, voilà les mots qui semblent caractériser le mieux la voix de la chanteuse et ses teintes, une palette artistique dont elle joue en orfèvre pour donner vie à cette musique en apparence simple, mais à la réalisation si complexe, révélant les vrais artistes et les authentiques musiciens.
Avec Norma, June Anderson retrouve l’un de ses chevaux de bataille, ce « Casta Diva » qu’elle chante aujourd’hui comme personne, laissant flotter la voix, sans dureté aucune, ciselant les ornements avec un abandon violonistique et une attention au texte de grande école.
L’entracte passé, c’est Duparc qui se voit servi. Choix pour le moins étonnant au sein d’un programme italien, mais qui se justifie pleinement quand il est le prétexte à une interprétation aussi sensible et d’un tel raffinement. La vie antérieure, notamment, permet à la chanteuse de faire admirer une diction française parfaite et une profusion de couleurs, et démontre, s’il en était besoin, à quel point la technique exigée par le bel canto permet de servir tous les répertoires, jusqu’à la mélodie française.
Avec la Desdémone de Rossini, June Anderson fait à nouveau chatoyer les teintes de sa voix, toujours avec le même legato imperturbable et le même art de la musicienne.
Pour clore ce programme, retour à Bellini, avec la Sonnambula, un autre des rôles fétiches de la chanteuse. « Ah non credea » est une leçon de beau chant, achevé jusque dans ses moindres détails, d’une mélancolie terriblement émouvante, une nouvelle leçon. La cabalette est, certes, abordée plus prudemment que par le passé, mais elle continue à en remontrer à toutes.
En bis, un très beau « O mio babbino caro » et une chanson de jazz dans laquelle elle semble s’amuser follement, retrouvant sa langue maternelle et ses origines américaines.
Au piano, Jeff Cohen montre un beau sens du rubato et couve la cantatrice, tissant sous elle un tapis rassurant, un accompagnateur et un partenaire de haut rang.
Au-delà de la performance, tant technique que musicale et émotionnelle, de la chanteuse, il faut noter l’enthousiasme croissant du public durant cette soirée, commencée au milieu d’applaudissements polis et terminée dans l’enthousiasme général, une grande fête. Preuve supplémentaire de la valeur de June Anderson, qui nous a donné ce soir une grande leçon de bel canto.

Puteaux. Théâtre des Hauts-de-Seine, le 13 décembre 2010. Concert June Anderson. Bellini, Pepoli, Rossini, Duparc. Jeff Cohen, piano

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