3 apprentis chanteurs de la Scala
Une soprano, un ténor et un baryton, le trio archétypal formant la base de tout le répertoire lyrique de l’Italie romantique, accompagnés par le brillant pianiste Vincenzo Scala, déjà partenaire de l’inestimableténor péruvien Juan-Diego Florez à la Salle Pleyel voilà plusieurs mois.
Les trois voix sont belles et intéressantes, plutôt grandes et généreuses, mais, ainsi que le remarquait June Anderson avec ses étudiants durant sa masterclasse de la veille, au Palais de la culture de Puteaux, tous ont la fâcheuse tendance à chercher une couleur trop épaisse et trop sombre; et de cette façon à grossir la voix et à maintenir une place vocale trop basse, esthétique périlleuse et fatigante à longue pour l’instrument, qui risque de sonner prématurément vieilli. Alors qu’en alourdissant moins et en cherchant davantage la pointe de la voix et la finesse de la résonance, ils pourraient tous gagner en liberté, en facilité… en longévité vocale.
La soprano géorgienne Marika Gulordava fait admirer un timbre somptueux, une voix large et puissante, ainsi qu’un tempérament de feu, associé à l’instinct d’une belle tragédienne. Sa scène du Pirate de Bellini impressionne par son impact et son urgence dramatique, mais le vibrato se révèle instable et légèrement élargi dans l’aigu, la silhouette longue et frêle de la chanteuse semblant ne pas lui permettre de soutenir un instrument de cette largeur.
Le ténor coréen Jaeheui Kwon fait surtout étalage de son volume vocal, peu nuancé, et souvent en force, alors que ses airs appellent davantage le raffinement et la douceur, notamment « Ô Paradis » de l’Africaine de Meyerbeer, qu’il chante à gorge déployée et dans un français plutôt… approximatif.
Son partenaire, le baryton italien Filippo Polinelli, démontre une belle musicalité et un beau sens du phrasé, ainsi que de belles nuances, mais, à son tour, semble pousser sur sa voix lorsqu’il doit donner de la puissance et surtout pour monter dans l’aigu. L’air de Riccardo « Ah per sempre io ti perdei », extrait des Puritani de Bellini, d’écriture purement belcantiste, legato à l’archet, lui permet d’affiner davantage son émission, alors que la chanson d’Hamlet « Ô vin, dissipe la tristesse » lui offre l’occasion de faire admirer son éclat et son français digne d’éloge.
Malheureusement, de concert avec son partenaire ténor, ils se lancent dans un duo des Pêcheurs de Perles de Bizet mené fortissimo, sans nuances, chacun semblant avant tout soucieux de sonner le plus fort possible.
En revanche, en duo avec la soprano dans La Traviata, il incarne un beau et sensible Germont, soucieux d’élégance musicale. A ses côtés, Marika Gulordava peint une superbe Violetta, plein de retenue et d’émotion, le rôle convenant parfaitement à sa nature vocale. Tous deux semblent à l’écoute l’un de l’autre, unis par une complicité artistique sensible.
En bis, les trois chanteurs se retrouvent dans un trio extrait de l’Attila de Verdi, beau moment de communion musicale, qui met un joli point final à cette soirée où l’on découvrait en première française, le travail de l’école de chant de l’Accademia milanaise.
Puteaux. Palais de la Culture, 15 décembre 2010. Concert de l’Académie de la Scala de Milan. Bellini, Meyerbeer, Thomas, Bizet, Verdi. Marika Gulordava, soprano ; Jaeheui Kwon, ténor ; Filippo Polinelli, baryton. Vincenzo Scalera, piano