vendredi 19 avril 2024

Poitiers. Auditorium, le 4 décembre 2012. Mozart: Symphonie N°38 « Prague »; Messe en ut mineur…Orchestre des Champs Élysées; Philippe Herreweghe, direction

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Après un concert de haute volée consacré à Johannes Brahms le 14 octobre dernier, l’Orchestre des Champs Élysées revient au Théâtre Auditorium de Poitiers en compagnie du Collegium Vocale Gent, ensemble historique de Philippe Herreweghe. En cette période d’avent, le chef belge a programmé deux oeuvres de Wolgang Amadeus Mozart (1756-1791), compositeur prolifique qu’il affectionne particulièrement. La symphonie N° 38 dite « prague », qui date de 1787, fait partie des oeuvres de la maturité du jeune homme. La messe en ut mineur que Mozart composa en 1782, soit cinq ans avant la symphonie « Prague », pose nombre de questions à commencer par les raisons, restées mystérieuses, de son inachèvement.

lévitation mozartienne à Poitiers

La symphonie N° 38 dite « Prague », porte son nom du fait que Mozart a dédié son chef d’oeuvre à la ville de Prague qui avait bien accueilli Le nozze di Figaro et Don Giovanni créés peu avant dans la capitale de la Bohême (l’actuelle république Tchèque). Si la symphonie fut vraisemblablement composée vers la fin de 1786, elle ne fut créée que plusieurs mois plus tard avec un immense succès. Le jeune homme y inclut non seulement toutes les techniques de composition de son époque, qu’il a sublimé avec le temps et l’expérience, mais aussi celles héritées des grands maîtres de la période baroque, à commencer par Jean Sébastien Bach. Philippe Herreweghe qui connait parfaitement le répertoire mozartien, dirige la symphonie avec le dynamisme qui le caractérise, ciselant chaque nuance, chaque note, chaque page avec une rigueur inégalable. La clarté du geste, sa precision aiguë permettent à l’orchestre de suivre avec force et vivacité répondant scrupuleusent et dans l’instant aux directives de son chef. Philippe Herreweghe et ses musiciens soulignent avec talent la splendeur d’une symphonie qui recèle des pages complexes, difficiles, souvent redoutables mais de toute beauté. Si, en écoutant l’Orchestre des Champs Élysées, l’interprétation d’une telle partition peut sembler aisée, il ne faut pas s’y fier tant elle est ardue et jamais les musiciens ni leur chef ne tombent dans les pièges tendus par un Mozart au sommet de son art.

Après l’entracte, le Collegium Vocale Gent entre sur le plateau
, avec l’Orchestre des Champs Élysées pour interpréter la seconde oeuvre du programme : la messe en ut mineur. Mozart l’a composé en 1782, mais pour quelles raisons? Pour tenir une promesse faite à son père s’il lui laissait épouser Constance Weber ou pour remercier Dieu après la guérison de son épouse tombée gravement malade peu avant la cérémonie? Les raisons de l’inachèvement de la messe (l’Agnus Dei du Credo n’a jamais été composé) restent, quant à elles, assez mystérieuses. Cependant, même inachevée, l’ut mineur, qui annonce en pointillés le requiem, fait partie des plus grandes oeuvres de musique sacrée de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Le quatuor invité pour l’occasion est inégal mais chante cette messe avec une sobriété et un engagement plaisant souvent sincère. Comme pour la symphonie, Philippe Herrweghe dirige l’Orchestre des Champs Élysées et le Collegium Vocale Gent avec une énergie et une rigueur sans pareils. La remarquable cohésion entre le choeur, les solistes, l’orchestre et le chef leur permet de se transcender et de sublimer la musique de Mozart. C’est la soprano Valda Wilson qui se taille le plus gros succès de la soirée tant sa très belle interprétation, toute en finesse, de l’Et Incarnatus Est plonge le public dans une méditation contemplative; pendant toute la soirée l’artiste, dont la voix pleine, ronde et chaleureuse emplit l’auditorium, chante avec sensibilité rendant avec aisance, les sentiments contradictoires qui agitaient Mozart en 1782 passant de l’allégresse au désespoir en l’espace de quelques mesures; aux côtés de Wilson, la mezzo soprano Diana Haller a une voix solide et fait jeu égal avec sa collègue. En revanche le ténor Robert Getchell dont la voix est pourtant agréable a bien du mal à passer la rampe et peine à s’imposer dans les deux ensembles où il chante. On peut cependant regretter que Benoit Arnould ne chante que dans le tout dernier ensemble; le jeune baryton français, déjà reconnu, nous avait séduit lors du festival de Saintes en Juillet dernier et aurait mérité de chanter un peu plus longtemps. Au final l’interprétation de la messe en ut mineur par le Collegium Vocale Gent et l’Orchestre des Champs Élysées, sous la baguette avisée de Philippe Herreweghe, est parmi les toutes meilleures qui aient été présentées en salle; nous aurions cependant apprécié de voir un ténor plus charismatique aux côtés des deux femmes si séduisantes.

Philippe Herreweghe a dirigé ce nouveau concert avec la fougue qui est la sienne, donnant une impulsion et une dynamique très fortes qui permettent à ses musiciens de se transcender et de donner leur meilleur. La grande force qui anime tant le Collegium Vocale Gent que l’Orchestre des Champs Élysées tient à la complicité qui s’est créée au fil du temps entre les artistes et leur chef. Malgré le ténor guère à son aise, l’interprétation de cette oeuvre ne laisse pas le public indifférent qui rappelle les artistes à plusieurs reprises.

Poitiers. Auditorium, le 4 décembre 2012. Wolgang Amadeus Mozart (1756-1791) : symphonie N°38 « Prague »; Messe en ut mineur. Valda Wilson, soprano; Diana Haller, mezzo-soprano; Robert Getchell, ténor; Benoit Arnould, baryton. Collegium Vocale Gent; Orchestre des Champs Élysées; Philippe Herreweghe, direction.

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