LILLE. Jean-Claude Casadesus. L’Amour et la danse, II. 19-25 janvier 2017. Le volet 1 de ce cycle événement, s’achevait avec la dernière note, lumineuse, soutenu au piccolo, celle de l’espérance après la déflagration d’une impitoyable machine à broyer, précipitant la mort de Roméo et de Juliette (version Prokofiev : lire notre compte rendu du concert L’Amour et la danse I, le 1er décembre 2016). Dans ce volet 2, Jean-Claude Casadesus retrouve ses chers instrumentistes de l’Orchestre national de Lille, abordant d’autres rivages où la danse là encore, inspire d’étonnants mondes symphoniques. C’était le cas du ballet Roméo et Juliette de Prokofiev, c’est assurément la nature partagée du Poème de l’Extase – créé à New York en mars 1907, d’un Scriabine (1872 – 1915) aux confins des constellations visibles et connues : l’écriture orchestrale étant pour lui, le moyen et la langue d’une exploration sonore jamais tentée avant lui. Sensuel et mystique, le moscovite Scriabine réalise alors, l’un de ses poèmes pour orchestre les plus inspirés et les plus personnels, emblématique de toute sa recherche spirituelle… D’abord imaginé comme sa possible 4è Symphonie, le Poème de l’extase qui précède Prométhée (1909), appartient aux derniers drames symphoniques de Scriabine qui ensuite jusqu’à sa mort en 1915, ce composera plus que pour l’instrument dont il est virtuose, le piano.
Jean-Claude Casadesus interpète Le Poème de l’extase…
Vers l’illumination orchestrale…
Le Poème de l’extase (inititalement intitulé « Poème orgiaque »), reprend le concept messianique de la musique visionnaire et prophétique telle que l’a défendu avant lui Wagner : la musique permet à l’humanité d’accéder à un niveau de connaissance et de conscience, supérieur ; le compositeur étant le guide de cette quête spirituelle partagée. Le guide comme le catalyseur, celui qui en provoque l’accomplissement comme la révélation. Dans le programme rédigé par ses soins, Scriabine précise son intention :
« Je vous appelle à la vie, forces mystérieuses,
Noyées dans les profondeurs obscures de l’esprit créateur,
Timides ébauches de la vie,
A vous, j’apporte l’audace. »
SCRIABINE : la musique de la transcendance… Ainsi le compositeur connecté avec le Divin, suscite le moyen d’accéder à une conscience supérieure. Le drame musical qui en découle d’abord élaboré sous la forme d’une symphonie en 4 mouvements, devient un seul continuum orchestral, avec prologue et épilogue. Le déroulement permet d’exposer plusieurs mélodies très reconnaissables, correspondant chacune à un thème / sentiment : langueur (flûtes et violon solo dans le premier Andante languido), rêve (clarinette), volonté, envol (trompette, instrument soliste présent en continu),… L’écriture fascine en ce qu’elle fusionne réminiscences wagnériennes (tristanesques, harmoniquement audacieuses) et clarté et transparence impressionnistes (Scriabine a connu et assimilé la musique de Debussy).
La construction sousjacente expose le conflit, entre langueur suspendue, venimeuse, et affirmation, laquelle s’impose à la fin, lumineuse, transcendante (accord final d’ut majeur), de sorte que par « extase », Scriabine entend non pas seule péroraison sur le plaisir orgiaque, mais dépassement et métamorphose grâce au sens spirituel de l’art (ici de la musique). La fabuleuse tension énergique qui porte le développement entier de l’unique mouvement, saisit d’emblée le spectateur : car tout l’orchestre (avec orgue final) est continument sollicité pour exprimer la transcendance ascensionnelle, voulue par Scriabine. De la texture riche, dense à son début, naît l’accomplissement de la révélation ultime…
Auparavant, avec Scriabine qui en est l’aboutissement attendu, Jean-Claude Casadesus début le programme avec la complicité de 3 solistes : François-Frédéric Guy (piano), Tedi Papavrami (violon), Xavier Phillips (violoncelle), – invités à un très séduisant jeu d’écoute collective et concertante (Triple Concerto de Beethoven). Ensuite, antichambre des effluves sensuelles mystiques de Scriabine, place – titre du cycle oblige, à l’entêtante expressionniste danse des 7 voiles, point culminant de la partition de Richard Strauss dans son opéra de jeunesse, Salomé. Strauss est avec Sibelius et Mahler, le plus grand symphoniste du début du XXè, et cette séquence flamboyante l’atteste sans détours.
BEETHOVEN
Triple concerto pour violon, violoncelle et piano
Piano : François-Frédéric Guy
Violon : Tedi Papavrami
Violoncelle : Xavier Phillips
R. STRAUSS
Salomé : Danse de Salomé
SCRIABINE
Poème de l’Extase
Orchestre national de Lille
Jean-Claude Casadesus, direction
______________________
POÈME DE L’EXTASE
CYCLE L’AMOUR ET LA DANSE, ÉPISODE 2
Jeudi 19 janvier 2017, 20h
Vendredi 20 janvier 2017, 20h
LILLE, Auditorium du Nouveau Siècle
RÉSERVEZ VOTRE PLACE
Programme repris ensuite :
à Grande-Synthe, le 21 janvier 2017, 20h
à La Rochelle, les 24 et 25 janvier 2017, 20h
AUTOUR DU CONCERT
LEÇON DE MUSIQUE
Avec Hèctor Parra, compositeur en résidence
“Des sons et des couleurs en musique”
Jeu 19 & Ven 20 Janv. 19h
(Entrée libre, muni d’un billet)
—
CONCERT FLASH 12H30
Avec François-Frédéric Guy, Tedi Papavrami et Xavier Phillips
“L’art du trio”
Beethoven • Schumann
Ven 20 Janv. 12h30
(De 5 à 10 €)
Toutes les infos, les ressources sur le programme, sur le site de l’Orchestre national de Lille
http://www.onlille.com/event/201615-poeme-extase-beethoven-strauss-lille/