samedi 14 septembre 2024

Pierre Thilloy: Le jour des meurtres dans l’histoire d’HamletMetz, Opéra. Les 23, 25 et 27 mars 2011 (création)

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Pierre Thilloy

Le Jour des meurtres

dans l’histoire d’Hamlet
Metz, Opéra Théâtre de Metz Métropole
Les 23, 25 et 27 mars 2011
Création majeure à Metz. Eric Chevalier poursuit son travail en faveur de la création et des oeuvres inédites. A l’affiche du Théâtre Opéra de la cité messine, à partir du 23 mars 2011, la création mondiale de l’opéra de Pierre Thilloy (né en 1970), Le jour des meurtres dans l’histoire d’Hamlet. La partition nouvelle revisite le mythe d’Hamlet mais à travers la pièce de Bernard-Marie Koltès, Le jour des meurtres dans l’histoire d’Hamlet (1974) dont le compositeur reprend le titre. Frappé par la construction du texte initial, sa saisissante et franche horreur, Pierre Thilloy organise l’action sous la forme d’un crescendo expressif, hautement théâtral, sorte de chevauchée sans issue, en resserrant l’intrigue
politico-psychologique sur quatre protagonistes: Gertrude et Claudius, Ophélie et Hamlet, deux couples opposés, deux destinées contraires qui tout en s’opposant, incarnent une même vision désespérée de la condition humaine, entre amour et politique; aucun ne dialogue véritablement avec l’autre: tous sont murés dans une terrifiante solitude. Seul Hamlet au centre d’un échiquier tragique semble vivre une relation aux autres, mais fondée sur le refus, la haine, l’impossibilité… C’est un huit-clos dramatique où l’anti-héros totalement égocentrique, « qui ne s’aime pas ni n’aime aucune autre personne » (selon Pierre Thilloy), provoque les autres, suscite un rapport exacerbé et radical où aucune alternative n’est possible. Il y aurait peut-être l’idée vague d’un monde meilleur, vivable mais évoqué fugacement sur le mode nostalgique… « Je suis passionné par le théâtre de Shakespeare; le texte de Koltès exprime une même urgence, cette même franchise crue et poétique, mais sur un mode contemporain. C’est cela qui me fascine chez Koltès et qui rend son écriture naturellement musicale, plus évidente. Il en va tout autrement chez Gide par exemple dont j’ai travaillé aussi l’écriture... », précise Pierre Thilloy.Le compositeur aime bousculer les habitudes lyriques: ici, Gertrude, la
reine mère est un soprano coloratoure (Isabelle Vidal) et la chaste et angélique Ophélie (Tara Venditti), une mezzo sombre en liaison avec sa nature profondément tragique. Claudius est incarné par le baryton vedette François Le Roux (qui vient de chanter le Rital dans Lundi, monsieur vous serez riche d’Antoine Duhamel et Rémo Forlani, sur les mêmes planches de Metz en février 2011) et le rôle d’Hamlet, initialement prévu pour un falsettiste, est chanté finalement en ténor (Jacek Laszczkowski). Passionné de cinéma, Pierre Thilloy convoque pour la réalisation musicale, l’électronique
savante et populaire (présence d’un DJ qui est aussi pianiste), … ce peut-être aussi, outre la concision d’une écriture fine et dramatique, la réalisation d’un projet crucial pour le genre lyrique actuel: gagner
les nouveaux publics, jeunes mélomanes, qui n’ont peut-être pas la curiosité de l’opéra. Pour exprimer l’activité du drame jusqu’à son dénouement magistral (longue nuit de folie aspirant toute volonté vers le vide final), le compositeur réinvente l’idée d’une marche funèbre dont la scansion régulière (dans l’esprit des processions solennelles ou
des marches tambour accompagnant les condamnés) invite immédiatement le spectateur, dès le début, comme s’il était happé par la violence inéluctable de l’action… « J’ai repris le motif de la marche funèbre mais sur le mode rythmique. c’est une scansion interrompue et très lente comme on peut par exemple l’écouter dans la musique pour les funérailles des ducs de Lorraine ». Au total, 7 cordes, un DJ, un clavier électronique venant du jazz, mais aussi deux percussionnistes et un accordéoniste; cet Hamlet 2011 devrait aussi être furieusement chaloupé car Pierre Thilloy demeure marqué par la vitalité rythmique des musiques extraeuropéennes, découvertes pendant ses nombreux voyages et ses résidences comme compositeur en Inde et en Asie Centrale. Sur le sujet tragique, l’auteur
défend un regard autre tout en puisant directement à la source âpre et désenchantée du messin Koltès. Sa vision prend aussi en compte le corps des chanteurs: engagement « organique » des interprètes (et aussi des
musiciens dont les cordes aux parties souvent rapides et virtuoses), transe, surintensité rythmique, raucité grave (soulignée par l’électroacoustique), cet Hamlet revisité, au souffle syncopé, entre vertiges et terreurs, constitue l’événement lyrique à Metz en mars 2011. Production incontournable.

Illustration: Pierre Thilloy (DR)
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