METZ, Arsenal. Philippe Cassard, le 13 octobre 2017. Avec l’Orchestre national de Lorraine sous la direction de Jacques Mercier, le pianiste Philippe Cassard joue Fauré, Ravel, avec en fin de programme la sublime symphonie, sommet du romantisme symphonique français, l’opus en ré mineur de César Franck (1888). Le concert messin est un événement car il met à l’honneur la sensibilité douée pour l’élégance et l’articulation suggestive du pianiste Philippe Cassard, l’un des piliers de notre école hexagonale avec Pascal Amoyel ou Jean-Yves Thibaudet…
Vers la clarté…
Philippe Cassard joue Fauré et Ravel
C’est d’abord la Ballade de Fauré, pièce maîtresse de son dernier recueil discographique (1 cd La Dolce Volta, monographie dédiée à Fauré, qui sort le jour du concert, ce 13 octobre 2017), et transposition française et chambriste des Murmures de la Forêt de Wagner, tels que le Germanique les exprime dans son opéra Siegfried (dixit Alfred Cortot). Fauré, jeune homme, livre sa partition (opus 19) en 1881, la dédiant alors à son ainé, le vénérable et adulé Saint-Saëns. Philippe Cassard joue ici la version pour orchestre, qui ajoute par ses couleurs et l’alternance du jeu questions et réponses entre l’orchestre et le clavier soliste, au caractère de confession enjouée. Comme une fantaisie, la pièce exprime ce que l’artiste pense et ressent, en moins de 13 mn : forme libre mais délicatesse de l’énoncé. Le piano d’abord expose le thème principal, premier, d’une douceur sensuelle et tranquille, soulignée à la flûte. Puis les instruments en nombre s’empare du motif, l’épaississent, l’articulent, suscitant de la part du piano, toute une série bavarde et volubile qui dialogue avec les bois (clarinette, hautbois). c’est un flot de plus en plus vif, ondulant, caressant vers une volupté de plus en plus assumée et rayonnante, transparente et lumineuse (le concert ne s’intitule pas « vers la clarté »?). Pas facile pour l’interprète principal, très exposé, de réussir la sincérité du propos, sans être trop énigmatique ni paraître artificiel… : il faut une certaine « objectivité », naturelle, sobre, mais aux phrasés subtils ; car tout l’art de Fauré (cet « aristocrate du phrasé, ce lyrique éperdu, cet amoureux de poésie… » comme aile à le rappeler Philippe Cassard), est là dans cette simplicité féconde et intérieure ; pour qu’il produise sa souveraine attraction, le jeu doit être conduit en une ineffable fluidité, difficile équilibre entre le soliste et l’Orchestre vrai gageure aussi pour le chef. A mesure que l’électrisation collective opère, la Ballade suit l’état de quasi lévitation du clavier, de plus en plus aérien, aux scintillements de plus en plus immatériels et caressants, exprimant le mouvement des oiseaux en fin de cycle.
Brillante et ciselée, la langue du Concerto pour piano en sol de Ravel (1931) étincelle elle aussi par son énergie « urbaine », aux rythmes jazzy venus d’Amérique, auquel le somptueux mouvement lent- qui plonge dans une rêverie suspendu, – hors du temps, offre un contrepoint des plus saisissants.
Enfin (après l’entracte), l’Orchestre conclut ce parcours de musique concertante française, post romantique, en un sommet inégalé, dans l’histoire du genre symphonique au XIXè : la Symphonie en ré mineur de César Franck, qui à la fin des années 1880, fait une synthèse du wagnérisme ambiant, et prend prétexte de la forme cyclique pour offrir une unité poétique à l’architecture puissante, spirituelle que lui inspire son sujet. Ce chef d’oeuvre absolu de l’écriture orchestrale du romantisme français n’est pas assez joué en France : voilà un programme qui répare cette erreur.
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METZ, Arsenal
Vendredi 13 octobre 2017, 20h
Grande Salle
Jacques Mercier : direction
Philippe Cassard : piano
GABRIEL FAURÉ
Ballade pour piano et orchestre
MAURICE RAVEL
Concerto pour pianoen sol majeur
CÉSAR FRANCK
Symphonie en ré mineur
+ LES OREILLES MUSICALES
Le temps d’un dialogue entre un artiste et son public
19h – Entrée libre, Renseignements 03 87 55 12 02
+ CONFÉRENCE :
Concerto pour piano en sol majeur de Ravel
Mercredi 11 octobre à 17h30
Bibliothèque du Sablon, Metz
Avec Philippe Malhaire, musicologue
Illustrations : premier portrait de Philippe Cassard © JB Millot