Philippe Boesmans
(né en 1936)
Yvonne,
princesse de Bourgogne
Création mondiale
Paris, Palais Garnier
Du 24 janvier au 8 février 2009
Sylvain Cambreling, direction
Luc Bondy, mise en scène
Né à Tongres (Belgique) en 1936, Philippe Boesmans a créé son dernier opéra, Julie (2007) à La Monnaie de Bruxelles (fort heureusement édité en dvd chez Bel Air classiques). On se souvient que la collaboration avec Gérard Mortier à Bruxelles s’était aussi concrétisée dans l’orchestration du Couronnement de Poppée de Monteverdi (1989), a contrario des démarches fondées sur l’authenticité stylistique défendues par les baroqueux. Déjà, le compositeur travaillait avec Luc Bondy, dans le sens d’une dramaturgie sensitive et émotionnelle forte. En 4 actes, de moins de 2 heures en durée totale, Yvonne, princesse de Bourgogne est une oeuvre bien connue de Luc Bondy qui l’a mise en scène à ses débuts scéniques. A la différence des nombreux livrets qu’il a rédigés en allemand pour le compositeur, Bondy rédige le texte d’Yvonne en français, forçant le musicien à prendre en compte les caractères spécifiques de la prosodie imposée par la langue de Molière, ce qui ne va pas sans poser des problèmes en particulier dans les notes aiguës où la voyellisation change totalement.
Laideur fascinante et troublante
Le sujet central est la laideur repoussante et fascinante de la princesse de Bourgogne. Chacun fait ici l’expérience du trouble et d’un dérangement intérieur profond qui induit une métamorphose chez celui qui l’éprouve et celle aussi qui l’a causée. En théorie. Car le laideron reste aussi muet et économe de sa parole que solitaire, écarté, isolé tel un pestiféré. La princesse (« la molichonne ») devient objet du déni, du dégoût, de la répulsion haineuse au point d’échafauder un stratagème pour la liquider! La cour de Bourgogne synthétise la posture de la société vis à vis de ce qui gène et n’entre pas dans la norme: hypocrite, cruelle, cynique, royalement sadique. Boesmans exploite dans la forme, les ressources du grand opéra français historique mais la saveur glaçante et tranchante du texte, fidèle à l’esprit de la pièce théâtrale de Gombrowicz, atteint un paroxysme barbare, de sorte que l’opéra n’est pas antiféminin mais bien mysanthrope. Le vrai sujet est la haine des « hommes inhumains », des sauvages civilisés, ici des intrigants haineux, arrogants, méprisants. Le milieu courtisan est particulièrement analysé, décortiqué, exprimé par une surenchère de préciosité manipulatrice, qui contorsionne les mots comme ils retournent sans éthique ni remords d’aucune sorte, leur veste. Le rôle-titre ne chante pas, parle peu: son silence l’écarte de ceux qui l’entourent et la fustigent. Mais musicalement, le compositeur a créé comme un voile saint rayonnant autour d’elle. Yvonne serait-elle martyr?
L’écriture de l’opéra est durchkomponiert, libre et ouverte, suivant la ligne de la parole et du chant, mais Boesmans a aussi écrit des airs parfaitement fermés, comme les serias à numéros. Pour lui, comme dans Julie, créé à Bruxelles et repris à Aix en Provence, il ne s’agit pas de rompre avec la tradition musicale mais de la réinventer par le délire et le décalage, par le rire aussi: Yvonne, princesse de Bourgogne est un ouvrage ironique, drôle certes, mais surtout mordant. Car on comprend bien que dans cette part diabolique, insupportable qui est mise en lumière, – en particulier dans la posture fière et arrogante de la Cour, des courtisans gravitant autour des souverains et du prince Philippe-, il y a un peu de nous-mêmes.: cette part écoeurante inhumaine de chaque individu. Création lyrique événement du début 2009.
Distribution annoncée
Mise en scène Luc Bondy
Décors Richard Peduzzi
Costumes Milena Canonero
Lumières Dominique Bruguière
Dramaturgie Geoffrey Layton
Assistant lumières François Thouret
Yvonne Dörte Lyssewski
Le Roi Ignace Paul Gay
La Reine Marguerite Mireille Delunsch
Le Prince Philippe Yann Beuron
Le Chambellan Victor von Halem
Isabelle Hannah Esther Minutillo
Cyrille Jason Bridges
Cyprien Jean-Luc Ballestra
Innocent Guillaume Antoine
Valentin Marc Cossu Leonian
Klangforum Wien
Ensemble Les Jeunes Solistes
Direction Rachid Safir
Illustrations: Portrait de vieille femme par Quentin Metsys (DR). Philippe Bosemans (DR)