vendredi 19 avril 2024

Paris. Théâtre du Châtelet, le 8 juin 2010. Claude-Michel Schönberg et Alain Boublil : Les Misérables. John Owen-Jones, Earl Carpente … Peter White, direction. Laurence Connor et James Powell, mise en scène

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Les Misérables dans leur ville

Voilà trente ans que la comédie musicale de Claude-Michel Schönberg et Alain Boublil inspirée de l’ouvrage éponyme de Victor Hugoa vu le jour sur la scène du Palais des Sports de Paris. Et vingt-cinq ans que cette œuvre triomphe dans le monde, notamment à Londres et à Broadway. Et la France dans tout cela ? Malgré un accueil plutôt positif lors de la création, il semble que cette comédie musicale opératique ne se soit jamais réellement imposée dans l’hexagone. Une injustice que le public parisien a l’occasion de réparer durant plus d’un mois au Théâtre du Châtelet.
Pour fêter ces vingt-cinq années de triomphes, une nouvelle production de l’œuvre a été créée, avec des décors inspirés de dessins de Victor Hugo lui-même, afin de partir en tournée à travers le monde, avant de revenir s’installer à Londres où elle remplacera l’ancienne scénographie, somptueuse, mais qui a fait son temps. C’est à l’occasion de cette tournée mondiale que toute l’équipe fait halte à Paris.
Plus de plateau tournant, mais une mise en scène aux décors extrêmement mobiles, permettant des changements d’une rapidité époustouflante, sans aucun temps mort, et surtout une utilisation virtuose de la vidéo, donnant l’impression que les rues avancent avec les personnages. Point culminant de cette scénographie révolutionnaire où le théâtre se confond avec le cinéma, la traversée des égouts de Jean Valjean portant le corps de Marius, d’un réalisme à couper le souffle, du jamais-vu sur une scène parisienne. Très impressionnante également, la grande bataille sur les barricades, portée par un souffle épique d’une rare force.

Musicalement, les orchestrations ont été revues, corrigées et enrichies, pour un résultat quasi-symphonique. D’ailleurs, plutôt qu’une bande-son, ce sont de véritables instrumentistes qui ont investi la fosse d’orchestre, luxe rare pour une comédie musicale, bien dirigés par Peter White. Durant les premiers accords, la sonorisation s’avère très forte, sinon trop, mais l’oreille s’y fait rapidement, laissant le spectateur totalement immergé dans l’histoire contée par Hugo et magnifiée par cette musique. Les mélodies sont toujours efficaces, sonnent justes, et demeurent diablement entêtantes une fois la soirée achevée. Leitmotivs récurrents et rassurants, grande justesse émotionnelle et réelle force dramatique, la partition se révèle somptueuse.
Mais cette soirée vaut aussi pour la distribution, telle qu’on la conçoit outre-Atlantique, une vraie équipe, et des personnages croqués avec précision, jusqu’au plus petit rôle. Cosette est fraiche et charmante, délicieusement naïve, et dotée d’un joli timbre, à l’instar de son Marius, jeune premier désarmant.
Fantine donne une vraie flamme à sa célébrissime chanson, et fait vivre son personnage avec force. Le couple des Thénardiers, grotesque jusqu’au délectable, occupe le plateau de leur numéro de grandes gueules, et emporte tout sur son passage. Tendresse particulière pour l’Eponine teintée de blues de Rosalind James, au timbre somptueux, au style délicieusement décalé par rapport au reste de l’équipe, et à la grâce, tant vocale que physique, envoûtante, une très belle artiste. Très impressionnant également le Javert puissant de Earl Carpenter, très investi et vocalement très sûr. Son suicide est l’un des sommets de la partition, et visuellement une prouesse scénique.
Grand respect pour le fantastique Jean Valjean de John Owen-Jones, reconnu comme le meilleur interprète au monde du rôle. Doté d’une présence scénique magnétique, il occupe à lui tout seul le plateau et semble porter l’ensemble du spectacle sur ses épaules. Très en voix, il déploie son timbre magnifique et sa musicalité à fleur de peau, notamment dans une prière d’une immense finesse, pudique et sensible, celle d’un très grand musicien.

Sa mort est également l’un des moments forts de l’œuvre, emporté par les esprits de Fantine et Eponine, couronné par un chœur vibrant à l’espoir triomphant.
Grand succès fait par un public enthousiaste à ce chef-d’œuvre de la comédie musicale américaine – et pourtant, paradoxe suprême, écrit par des Français –, pour saluer un retour en beauté des Miz dans la ville de leur création.

Paris. Théâtre du Châtelet, 8 juin 2010. Claude-Michel Schönberg et Alain Boublil : Les Misérables. Traduction anglaise d’Herbert Kretzmer. Avec Jean Valjean : John Owen-Jones ; Javert : Earl Carpenter ; Fantine : Madalena Alberto ; Eponine : Rosalind James ; Cosette : Katie Hall ; Marius : Luke Kempner ; Thénardier : Ashley Artus ; Madame Thénardier : Lynne Wilmot ; Enjolras : Jon Robyns. Peter White, direction. Mise en scène : Laurence Connor et James Powell ; Décors : Matt Kinley ; Costumes : Andreane Neofitou ; Chorégraphie : Michael Ashcroft ; Lumières : Paule Constable.

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