vendredi 19 avril 2024

Paris. Théâtre des Champs-Elysées, le 29 septembre 2009. Cavalli : Xerse. Kristina Hammarström, Guillemette Laurens, Isabelle Philippe, Magali Léger, Anna-Maria Panzarella. Jérôme Correas, direction

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Lorsqu’est évoqué le nom du roi de Perse, le mélomane pense tout naturellement à l’œuvre éponyme de Haendel, bien connue et très souvent représentée, tant à la scène qu’au concert. Cavalli, figure pourtant majeure dans l’histoire de l’opéra italien, semble davantage célèbre aujourd’hui pour sa Calisto que pour son Xerse, qui fut pourtant en son temps son œuvre la plus célèbre.
Vraisemblablement créée en 1655, cette œuvre, à l’écoute, semble tenir à la fois du recitar cantando – dont Monteverdi sut tirer la quintessence – et de ce qui peut se concevoir comme les prémices de l’opera seria tel qu’il se développera quelques décennies plus tard, dans la période plus tardive de la musique dite « baroque ».
Les récitatifs, très fournis – bien que raccourcis ici – se laissent écouter avec plaisir, très incarnés qu’ils sont par les interprètes. Ils sont souvent coupés par de courts ariosi, très proches encore de l’esthétique monteverdienne. Dans la seconde partie du concert, cependant, la construction de l’œuvre fait place à de véritables airs dont l’élaboration se rapproche de la forme da capo qui fera le triomphe de l’opéra italien.
L’effectif instrumental utilisé ici est très réduit, selon les habitudes probables du compositeur, mais très équilibré, et possède, malgré le petit nombre de musiciens, une belle rondeur sonore.
Les chanteurs, contrairement aux habitudes encore trop souvent rencontrées dans ce répertoire, possèdent tous de vraies voix, grandes et sonores.
Le Xerse de la mezzo-soprano norvégienne Kristina Hammarström est parfaitement crédible, tant physiquement que vocalement. Très grande, elle fait montre d’une voix à la fois profonde et lumineuse, sans gutturalité, toute en souplesse et en délicatesse, rappelant parfois celle de Christa Ludwig. Sa biographie indique qu’elle a déjà chanté le rôle d’Octavian de Richard Strauss, rôle dans lequel elle doit faire merveille.
Son frère, le bouillant Arsamene, prend vie avec flamme sous l’énergie débordante manifestée par la française Guillemette Laurens. Le timbre est beau, le grave sonore, la caractérisation théâtrale – bien qu’en concert – épatante de réalisme et de fougue. Rarement travesti amoureux aura été aussi crédible.
Voilà bien longtemps qu’on attendait le retour d’Isabelle Philippe sur une scène parisienne. C’est chose faite, et avec quelle réussite! Elle met audiblement toute sa science du chant, éprouvée à travers le beau chant français et l’opéra romantique italien – Violetta, Lakmé, Thaïs, Zerlina de Fra Diavolo –, au service de la belle Romilda. La technique vocale est remarquable de précision et d’élégance – la tenue de souffle et les pianissimi sont dignes des plus grandes – et la voix remarquablement projetée, cristalline et sonore. Espérons la revoir vite dans la capitale, dans un grand rôle du répertoire cette fois.
Magali Léger, avec finesse et pudeur, par sa grâce mutine et la rondeur délicate de sa voix, réussit à rendre attachante cette peste d’Adelanta, amoureuse décidée et têtue, puis résignée au célibat.
La fulminante Amastre, Anna-Maria Panzarella lui offre son timbre corsé, sa puissance vocale et la grandeur de son incarnation.
Isabelle Druet croque avec art son personnage d’Eumene, commentant l’action de ses propos philosophiques et moqueurs. Le magnétisme scénique fonctionne parfaitement, et sa belle voix de mezzo-soprano colle parfaitement au rôle.
Confié à une basse chez Haendel, le rôle d’Ariodate prend un relief différent sous les couleurs délicates du ténor léger de Jean-Paul Fouchécourt, plus naïf, plus pleutre aussi.
Les serviteurs sont merveilleusement campés, de la basse rocailleuse d’Arnaud Marzorati au soprano rieur d’Eugénie Warnier. Mention spéciale à l’Elviro de Jean-François Lombard, hilarant, d’une présence scénique et vocale irrésistible, notamment dans sa scène de travestissement en jardinier étranger.
Avec passion et rigueur, Jérôme Corréas conduit toute son équipe vers le succès, un succès mérité, tant pour la beauté de cette œuvre finalement peu connue de Cavalli que pour le talent de ses interprètes.
Article mis en ligne par Adrien de Vries. Rédaction: Nicolas Grienenberger.

Paris. Théâtre des Champs-Elysées, le 29 septembre 2009. Pietro Francesco Cavalli : Xerse (1655). Avec Xerse : Kristina Hammarström ; Arsamene : Guillemette Laurens ; Romilda : Isabelle Philippe ; Adelanta : Magali Léger ; Amastris : Anna-Maria Panzarella ; Eumene : Isabelle Druet ; Ariodate : Jean-Paul Fouchécourt ; Aristone : Arnaud Marzorati ; Elviro : Jean-François Lombard ; Clito : Eugénie Warnier. Les Paladins. Jérôme Correas, direction

Radio: France Musique diffuse l’opéra Xerse de Cavalli par Les Paladins, Jérôme Corréas, dimanche 18 octobre 2009 à 14h30.

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