un Requiem humaniste
L’oeuvre principalement chorale compte un mouvement pour soprano composé postérieurement à la mémoire de la mère du compositeur. Il s’agît du célèbre « Ihr habt nun Traurigkeit », 5e mouvement de caractère noble et expressif. Le chant aérien de Ruth Ziesak est d’une beauté singulière. Sa voix a » un je ne sais quoi » qui paraît transporter l’auditoire à une autre époque. Le baryton Matthias Goerne intervient au 3e et 6e mouvement. Dès ses premières mesures, l’engagement émotionnel de l’artiste éblouit. La musique l’habite véritablement, et c’est très agréable à voir et à entendre. Ses échanges avec les choeurs sont puissants et d’une grande beauté. Son chant est à la fois tendre et solennel.
triomphe tranquille des choeurs
Les choeurs répondent toujours avec ferveur et souvent avec fureur. Ce sont les réels protagonistes de l’oeuvre. Dans le premier mouvement, ils commencent sobrement mais très vite rayonnent par une douceur tout à fait céleste. Le 2e mouvement très complexe et dramatique permet à l’orchestre de briller également, passant d’une exaltante gravité à une gaité triomphale. Ici les effets orchestraux sont d’une étonnante modernité. Les mélodies très inspirées de Brahms sont remarquablement interprétées par tous les musiciens sous la direction d’Eschenbach. Les choeurs maîtrisent la polyphonie et le fugato avec maestria : l’effet est d’un bout à l’autre, saisissant.
L’opus se distingue fortement de la liturgie catholique ; non seulement par le fait que Brahms a compilé lui-même des extraits des textes apocryphes, mais aussi de l’Ancien et du Nouveau Testament, comme par la grande liberté formelle dont il fait preuve. Le compositeur, parfois accusé d’académisme réactionnaire par des voix insolentes, a en vérité un style d’une étonnante fraîcheur ; il traite le texte avec un souci de l’expression qui n’a rien de scholastique.
Son Requiem Allemand relève au final une certaine sérénité, une certaine tendresse, il est sans doute plus spirituelle que religieux, plus humaniste qu’institutionnel.
Au sortir du concert, la sensation d’une extase tranquille s’impose et enchante. Félicitations aux musiciens, en particulier à Michael Alber et Sofi Jeannin pour leur direction, respectivement du Choeur et de la Maîtrise de Radio France.
baryton. Choeur et Maîtrise de Radio France. Orchestre National de
France. Christoph Eschenbach, direction.