Max Emanuel Cencic commence le concert avec deux airs de Scarlatti qui étonnent par leur raffinement expressif. Sans jamais laisser la virtuosité de coté, il les interprète avec beaucoup de sentiment. L’interprète chante aussi l’air « Vano Amore » extrait de l’opéra Alessandro de Haendel, rôle fortement attendu que nous pourrons voir sur la scène à Versailles en fin du mois de mai et début de juin prochains. La musique est des plus belles et Cencic rayonne par sa virtuosité vocale subtilement expressive. Si nous attendions beaucoup de la résurrection d’Alessandro sur la scène française, le contre-ténor nous séduit davantage encore par la qualité de sa prestation.
Cencic, grande voix du chant baroque
Le concert est aussi l’occasion de voir ce grand artiste interpréter 6 mélodies présentes dans son dernier album paru chez Virgin Classics « Venezia ». Il fait un choix qui lui permet de présenter les différentes couleurs et saveurs de l’album et de montrer la beauté de son chant, à la texture délicieuse, au timbre d’une qualité singulière. Ainsi il achève un sommet d’expression dans les airs de Gasparini et de Porta, de caractère noble et sentimental, bucolique, automnal, caressant l’oreille avec ses inflexions d’une chaleur inattendue.
Quand il chante l’air pathétique « Sposa… non mi conosci » de Giacomelli, il inspire des cris de joie au public ému à fleur de peau (ndlr: succès légitime et prévisible car l’air ample aria deploratif et noble, d’une pudeur secrète…, est bien le sommet du cd Venezia).
Il finit son récital avec trois airs de bravoure de son nouvel album, dont deux d’Antonio Vivaldi. Ici il se montre maître absolu du langage vivaldien avec son phrasé et son articulation remarquables, ce même pendant les acrobaties vocales de la musique virtuose du prêtre vénitien. Sa contagieuse vivacité et son sens du rythme sont mises davantage en évidence dans l’air virtuose qui clôt le concert « Anche un misero arbocello » du compositeur napolitain méconnu Giuseppe Sellitto. Avant de l’interpréter le chef Fabio Biondi prend rapidement la parole pour remercier M. Cencic et les artistes en général qui font découvrir les merveilles d’une musique oubliée. Le bonheur de cette noble entreprise est certainement partagée par ses musiciens, nous remarquons qu’ils sont très inspirés pendant les interventions exclusivement instrumentales, notamment dans la Sinfonie en Ré majeur de Broschi, frère du castrat Farinelli, qu’ils interprètent avec un swing baroque caractéristique presque pré-classique, et dans la complexe et ravissante Suite de Rodrigo, opéra de Haendel, où ils se montrent raffinés comme maîtres du langage baroque italien et français, avec ses couleurs et rythmes particuliers.
Succès total pour Max Emanuel Cencic et l’Europa Galante. Nous sortons éblouis par la maestria de ses grandes voix, avec le désir irrépressible de les revoir bientôt.
Lire aussi notre entretien avec Max Emanuel Cencic à propos de son nouvel album » Venezia « .
Paris. Théâtre des Champs Elysées, le 15 février 2013. Les Grandes Voix : Max Emanuel Cencic, contre-ténor. Europa Galante. Fabio Biondi, direction.