Le chef d’orchestre estonien était à Paris pour diriger l’Orchestre National de France dans un programme copieux. Le concert débutait par Finlandia de Sibelius, ouverture magistrale, dont Neeme Järvi a su rendre avec maestria la grandeur, la pompe, sans néanmoins de lourdeur pataude. Sa direction reste toujours fine et d’une belle souplesse. Les musiciens de l’Orchestre National sont galvanisés par le chef et sont admirables d’engagement physique. La Onzième Symphonie de Chostakovitch, interprétée en deuxième partie de soirée, nous le confirmera, d’autant que Järvi met en évidence avec bonheur tous les solos instrumentaux qui émaillent la partition, notamment dans les bois et les cuivres, tour à tour lumineux, flamboyants, éruptifs. De même, les cordes, dès le début, sont à la fois transparentes et chaleureuses, douces et d’une ineffable tendresse. L’impression de halo qui se dégage de ces mesures initiales est réellement inoubliable. Chaque pupitre de l’orchestre, en réalité, répond merveilleusement à la direction de Järvi, qui s’avère puissante, implacable, abrupte, très dramatique et contrastée, empreinte d’une pugnacité rythmique remarquable. L’auditeur suit avec grand plaisir cette évocation musicale de la Révolution russe de 1905 et la vision de Järvi demeure en fin de compte assez optimiste. On imagine que d’autres interprétations pourraient être plus sombres, plus ambiguës, mais on accepte volontiers ces petites lueurs d’espoir. Le moment le plus beau de la soirée était cependant le Deuxième Concerto pour violon de Béla Bartók. Viktoria Mullova est impériale, miraculeuse par la simplicité de ses phrasés et son lyrisme ensoleillé. L’énoncé si humble, si émouvant du thème du deuxième mouvement est à cet égard tout simplement magique. Inutile d’ajouter par ailleurs que sous les doigts de la violoniste, tout coule de source ; elle ne semble connaître aucune difficulté technique. Un enchantement ! Neeme Järvi distille un accompagnement, qui, s’il peut manquer parfois un rien de frémissements, finit par passionner par son sarcasme, sa rugosité et ses élans moqueurs. Là, tout comme dans la Onzième de Chostakovitch, l’orchestre se révèle attentif, engagé et très coloré. Une soirée en tous points magnifiques, saluée par des tonnerres d’applaudissements !
Paris. Théâtre des Champs-Elysées, le jeudi 1er Février 2007. Jean Sibelius (1865-1957) : Finlandia, poème symphonique Op. 26.Béla Bartók(1881-1945) : Concerto pour violon et orchestre n° 2 Sz 112. Dmitri Chostakovitch (1906-1975) : Symphonie n° 11 « L’Année 1905 ». Viktoria Mullova, violon. Orchestre National de France.Neeme Järvi, direction. Retransmission du concert sur France Musique, le 14 février 2007 à 20h.
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Neeme Järvi (DR)