Paris, TCE. Concert Mozart, Nathalie Stutzmann. Le 12 mai 2015, 20h. Haffner, Concerto pour clarinette... La contralto Nathalie Stutzmann ne chante pas mais dirige son premier concert à la tête de l’Orchestre de chambre de Paris. Artiste invitée de la phalange parisienne, la cantatrice chef s’engage pour Mozart et offre une soirée « Promenades à Salzbourg« . En 1782, le compositeur qui a quitté Salzbourg pour Vienne reçoit la commande d’une nouvelle symphonie, en l’occurrence pour fêter l’anoblissement de Siegmund Haffner dont le compositeur avait 6 années auparavant écrit une Sérénade pour le mariage de la fille. En 1786, Mozart vient de créer avec triomphe L’Enlèvement au sérail qui marque la puissance de l’opéra en langue allemande (singspiel). Submergé par les commandes, Mozart compose la nuit et achève la Haffner le 3 août 1786, alors qu’il tout juste l’époux de son adorable Constanz.
Symphonie Haffner, 1786. Plan : allegro con spirito, andante, menuetto, finale : presto. L’Allegro initial affirme une énergie proche de l’exclamation exaspérée voire de la colère tout en intégrant la manière de JS Bach que Mozart copiait alors avec admiration. L’Andante contraste singulièrement avec le premier Allegro : d’une sérénité proche de la Sérénade avec même des accents mélancoliques. Après la fraîcheur du Menuet auquel Mozart semble vouloir donner des développements nouveaux, le Finale : Presto emprunte à l’Enlèvement au sérail l’air de triomphe du chef des esclaves Osmin : entrain, allégresse d’une séquence qui doit être jouée aussi vite que possible dans un dernier rire empressé. De toute évidence par ses réussites contrastée, la modernité du premier mouvement, l’effet des contraste d’une rare intelligence, l’essence théâtrale, dramatique et même précisément opératique de la Haffner, voici l’une des plus importantes Symphonies Viennoises de Mozart, de facto la plus prometteuse car la première d’une série frappant par son intelligence et son originalité.
Symphonie n°41 « Jupiter » (1788) : K 551, la 41è dite Symphonie « Jupiter »: en ut, le dernier opus symphonique de Mozart marque l’affirmation et le triomphe des valeurs humanistes, en liaison avec ses affinités franc-maçonniques. Le plan est l’un des plus équilibrés qui soient: vaste architecture, solennelle et légère à la fois, qui semble fixer sans l’assécher le plan sonate et aussi récapituler toutes les passions éprouvées et vécues au cours des deux Symphonies précédentes; et leur donner une réponse, comme un prolongement en forme d’apothéose : en particulier si l’on joue dans la continuité la dernière agitation de la 39è puis le premier mouvement de la 40è: un monde surgit alors avec la Jupiter, celui plein de souffle et d’une vitalité régénérée qui annonce immédiatement la vision et l’activité de Beethoven. Jouer dans leur continuité organique les 3 dernières Symphonies de Mozart est un pari risqué pour les interprètes mais une expérience musicalement pertinente: l’auditeur peut rétablir l’enchaînement des parties et prendre conscience de l’œuvre magistralement cohérente de Mozart à la fin des années 1780. Nikolaus Harnoncourt en a récemment démontré au disque la profonde unité organique. Ainsi le 10 août 1788, Mozart met-il un terme à sa propre aventure purement symphonique, affirmant dans l’ut majeur, sa maîtrise éblouissante du contrepoint comme de l’harmonie :
Autant la sol mineur déroute par sa palpitation envoûtante fondamentalement irrésolue, autant dès son entrée magistrale par son allegro vivace, la Jupiter affirme sa souveraine quiétude balisée à laquelle Harnoncourt apporte de superbe respirations sur un tempo plutôt (lui aussi) serein. Le Cantabile qui suit affirme mais sur le ton d’une tendresse franche, le sentiment de plénitude avec des pupitres (bois et vents) d’une fusion magique. Mozart n’évite pas quelques lueurs plus inquiétantes, tentation de l’abîme bientôt effacée/atténuée par la somptuosité discursive de l’orchestre aux teintes et nuances d’une diversité étonnante. Mais on sent bien que la dynamique jaillissante et millimétrée, les mille nuances expressives et les mille couleurs qu’apporte Harnoncourt, profitent de sa connaissance très poussée de la vie et de l’écriture mozartiennes : Harnoncourt a en mémoire, l’expérience de Mozart dans l’oratorio haendelien et dans celui des grands compositeurs contemporains, en particulier CPE Bah dont il dirige l’oratorio La Résurrection et l’Ascension de Jésus, au printemps 1788 soit juste avant de composer le triptyque qui nous occupe : scintillement instrumental, raffinement orchestral, combinaisons jubilaire des solistes de chaque pupitre. … l’idée d’un rapprochement entre l’écriture hautement inspirée du fils Bach est évidemment tentante. Qu’il soit ou nom fondamentalement inspiré par un sujet sacré fondant sa religiosité expliquant sous la plume de Harnoncourt l’usage du terme « oratorio » …, l’éloquence très individualisée de chaque instrument ou de chaque pupitre rappelle évidemment par leur jeu concertant en dialogue permanent, l’arène continue d’un vrai drame instrumental – nous ne dirions pas oratorio mais plutôt en première choix, opéra instrumental-, dont la souffle et comme le discours nous parlent constamment » … (extrait de la critique complète du CD « instrumental oratorium « , les 3 dernières Symphonies de Mozart par Nikolaus Harnoncourt, rédacteur : Camille de Joyeuse).
Promenades à Salzbourg
Concert Mozart. Orchestre de chambre de Paris, Nathalie Stutzmann
Mardi 12 mai 2015, 20h
Paris, Théâtre des Champs-Elysées
Symphonie n° 35 en ré majeur « Haffner »
Concerto pour clarinette et orchestre en la majeur
Symphonie n° 41 en ut majeur « Jupiter »
VOIR l’annonce vidéo du concert Mozart, « Promenades à Salzbourg » au TCE dirigé par Nathalie Stutzmann, le 12 mai 2015 : travail avec les instrumentistes de l’Orchestre de chambre de Paris ; pourquoi l’expérience de la cantatrice peut-elle être d’un bénéfique apport dans l’interprétation de Mozart ? ; caractère des œuvres choisies, regard sur le Concerto pour clarinette, la Symphonie Haffner…