Sous une pluie battante, la Seine s’enroulant tel un drapé de soie noire à ses pieds, le vaisseau d’argent laqué de la Maison de la Radio offrit un pendant splendide aux réclames mordorées de la Nuit des Césars qui sévissait sur la circulation Place du Châtelet. Paris a souvent de ces curieux rapprochements d’une rive à l’autre et entre deux méandres du fleuve le plus lumineux du monde. Présences 2015 achevait sa traversée des Amériques par un concert étonnant, riche en surprises exaltantes.
Pour commencer, El Juego de Luis Fernando Rizo Salom, est une série de pièces aux intentions ludiques mais à la construction plutôt chaotique. On comprend le propos du compositeur sans beaucoup de peine, mais la portée musicale demeure assez limitée et quasiment anecdotique. Après le jeu, une exploration formidable du son de l’alto et des touches impressionnistes par moments des sons latino-américains. Souvent parent pauvre des concerti, l’alto à la sonorité plus ronde que le violon demeure un instrument dont l’intérêt est à découvrir. Dans Desjardins/Des prés, Herbert Vazquez transfigure le son même de l’instrument dans des rocailles virtuoses qu’il juxtapose sur des rythmes tropicaux et des danses issues du folkore caraïbe et, même, des harpes du Veracruz. Pari réussi pour ce magnifique concerto, qui ne fait pas du pur nationalisme ou de la monstration de la latinité, mais sait doser l’esprit d’à propos de cette musique dansante et des lignes chromatiques de l’alto dans une toute nouvelle virtuosité. Herbert Vazquez sublime ainsi le jeu de Christophe Desjardins et l’implication de l’Ensemble Orchestral Contemporain.
Le concert s’achève sur le reliquat de pièces symphoniques de la Son of Chamber Symphony de John Adams, un petit bijou mais d’une portée plus décorative et narrative qu’originale. Pour bien saisir le génie d’Adams, autant écouter Nixon in China ou El Niño. Cette dernière eut été d’ailleurs d’une grande cohérence avec la thématique de Présences en 2015.
Ce concert est l’exemple type de l’équilibre et de l’excellence. Tout d’abord avec la maîtrise et la sophistication du jeu de l’altiste Christophe Desjardins, splendide dans le jeu d’orchestre et virtuose dans les soli. Nous découvrons cet artiste avec plaisir et faisons des vœux pour un avenir plein de succès dans la création. De même notre écoute a chaviré pour le formidable Ensemble Orchestral Contemporain. On entend aisément quand la passion et l’amour de la musique meut un artiste et c’est le cas des membres de cet ensemble qui surpassent en subtilité, justesse et inventivité même le trop connoté Ensemble Intercontemporain. Venu des contreforts des Alpes, l’EOC, nous ravit par la sensibilité et la simplicité. L’Auditeur parisien, habitué à l’EIC, peut affirmer ici que les chapelles sont tenues souvent par les prédicateurs austères. A la tête de son impeccable EOC, le très talentueux Daniel Kawka (son fondateur et chef principal), précis, sensible, au geste juste et équilibré, nous offre des moments de ravissement continu que nous aurions aimé se poursuivre.
Présences 2015, s’achève sous une pluie d’étoiles aux rives du 16ème arrondissement de Paris. Juste derrière la réplique de la Statue de la Liberté qui regarde depuis la Seine sa grande sœur Américaine bien au delà des mers, au Nouveau Monde.
Concert 12
Studio 104 – Vendredi 20 Février 2015
Luis Fernando Rizo Salom – El juego
Pour flûte basse, percussion, piano, violon, alto et violoncelle
Herbert Vazquez – Desjardins/Des prés
Concerto pour alto
John Adams – Son of Chamber Symphony
Christophe Desjardins – alto
Ensemble Orchestral Contemporain
Daniel Kawka, direction