Jules Massenet: Ariane, 1906
Du 9 au 23 novembre 2007, le 9 ème festival Massenet (créé en 1990) battait son plein, remettant à l’honneur les ouvrages méconnus du compositeur français dont cette Ariane, « opéra rare », créé en 1906 sur la scène de l’Opéra de Paris. L’ouvrage en cinq actes, selon un découpage emblématique du genre académique, est l’objet de ce très complet opuscule qui souligne l’engagement de la scène de Saint-Etienne pour la redécouverte du musicien et de son oeuvre lyrique. Le guide d’écoute offre une analyse synthétique de ce cinquième opus théâtral, qui succède aux ouvrages non moins essentiels dans la maturation du style de Massenet: Le Roi de Lahore (1877), Cid (1885), Le Mage (1891), Thaïs (1894)… Genèse, livret, composition, orchestre et présentation des voix, ainsi que les conditions de la création comme l’accueil du public sont précisément développés. Le lecteur peut suivre scène par scène, l’action, le contexte dramatique et l’enchaînement des airs. Rien de mieux pour s’immerger au plus près de l’accord recherché du mot et de la note, ce travail du symbolisme et des figuralismes de la création auquel étaient si attachés Massenet et son librettiste.
Dans une courte « réflexion », le metteur en scène, Jean-Louis Pichon, également directeur de la scène stéphanoise, convoqué pour cette résurrection contemporaine, présente ses partis pris et sa compréhension de l’ouvrage: grande abandonnée (par son époux et par sa soeur), Ariane est une figure universelle et toujours « actuelle » qui a inspiré un nombre impressionnant de créateurs, musiciens, plasticiens, poètes… Jean-Louis Pichon s’intéresse particulièrement à tout ce qui rend le mythe proche de notre identité et de notre culture, en s’appuyant en particulier sur l’approche des mythes telle que l’a défendue Roland Barthes. Sur le motif du labyrinthe ou des enfers, du vaisseau ou de la mer, la « proclamation » des violences faites aux héros se réalise avec d’autant plus de force et d’impact, qu’elle se déploie sur le fond d’une scène austère et « primitive ».
Pour Massenet, le sujet d’Ariane, abordé dans la langue fleurie et métaphorique voire maniériste de Catulle Mendès, est l’occasion de répondre à l’appel de Nietzsche qui souhaitait « méditerranéiser » la musique, contre l’irrésistible germanisation de l’art musical opérée par Wagner et ses admirateurs. Or Massenet a reçu le choc de Bayreuth (1886) comme tous ses contemporains… Esclarmonde(1888) en témoigne. Ariane par « réaction » serait ainsi une « pause » personnelle dont le prétexte grec antique rappelle une origine antérieure au monde wagnérien. Pour les deux auteurs, il s’agit bien d’offrir 
une alternative au théâtre de Wagner, et grâce aux didascalies laissées par Mendès, l’auditeur comme le chercheur peuvent se plonger dans la genèse et les enjeux esthétiques de l’ouvrage. Quels ont été les airs particulièrement applaudis dès la création, et jusqu’en mars 1908 (60 ème représentation d’Ariane)? Quels sont les points forts sur le plan dramatique qui légitimisent une réestimation actuelle? A toutes ces questions sur l’oeuvre, la publication apporte des réponses argumentées.
En complément à la présentation commentée de l’opéra Ariane, l’édition récapitule les temps forts de la programmation musicale du Festival Massenet 2007: outres les concerts qui étayent les trois soirées lyriques, le programme rappelle aussi la tenue du colloque international organisé pour l’occasion, sur le thème « Figures de l’Antiquité dans l’opéra français: des Troyens de Berlioz à Oedipe de Ionesco« : les actes de cette passionnante tribune devraient être publiés prochainement, suivant l’exemple d’une précédente publication (mars 2007): « Opéra et religion sous la III ème République », (Publications de l’Université de Saint-Etienne, cahiers de l’Esplanade n°4, coréalisées avec l’Opéra de Saint-Etienne, fruit des réflexions du 8 ème Festival Massenet).
9ème festival Massenet: biennale de musique française. Programme d’Ariane de Jules Massenet
Illustrations
(1) portrait de Jules Massenet (DR)
(2) couverture du programme d’Ariane, édité par l’Esplanade de Saint-Etienne © classiquenews.com
