La nouvelle saison 2024-2025 consolide la très forte activité de l’Opéra de Nice : pas moins de 7 nouvelles productions et une reprise, soit sous un intitulé générique prometteur « Libre d’aimer » : 8 productions événements. La nouvelle saison est aussi celle d’un nouveau statut : ambitionnant non sans raison le label d’Opéra National, l’Opéra de Nice évolue ; il deviendra dans cet objectif un EPA, à compter du 1er janvier 2025. Son orchestre maison (le Philharmonique de Nice) est une phalange en plein essor, sous l’impulsion de son nouveau chef principal, Lionel Bringuier, tandis que le Ballet et le Choeur « maison » affichent également une santé enviable. De quoi façonner pour cette nouvelle saison un nouveau cycle qui laisse envisager de nouvelles réalisations mémorables… Bertrand Rossi, directeur général, présente enjeux et temps forts de la nouvelle saison 2024 – 2025. Crédits photo : Bertrand ROSSI © D. Jaussein
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Opéra de Nice, sasion 2024 – 2025
LIBRES D’AIMER ! …
CLASSIQUENEWS : Quel est le thème générique de la nouvelle saison 2024-2025 de l’Opéra de Nice ?
BERTRAND ROSSI : Notre slogan pour cette saison est « libres d’aimer »… vous êtes libre d’aimer l’opéra (ou de ne pas l’aimer !). C’est dans l’ADN de l’Opéra de Nice que de casser les codes ; d’ouvrir les portes très grand à tous les publics et aussi à toutes les disciplines. Il est essentiel que le spectacle vivant suscite un engouement constant, de cultiver et insuffler un élan vivant, libre, de fait « amoureux ». Aujourd’hui l’Opéra de Nice affiche les ouvrages qui datent d’après la Révolution de 1789 ; pourtant il est toujours aussi difficile de réaliser les idéaux égalitaires que la Révolution a mis en avant et défendu avec raison. Le poids des conventions, l’inertie d’une société figée et sans souplesse pèsent encore terriblement : ils entravent toute dynamique. Le propre de l’opéra est d’exprimer cet esprit de résistance : la scène lyrique dénonce tout ce qui s’oppose à la liberté et à l’amour ; nos maisons d’opéra affirment la nécessité de se réinventer sans cesse ; c’est un combat permanent pour la liberté en défendant une vision résolument contemporaine. Sur le plan artistique, l’opéra réactive la créativité en permettant le mélange des disciplines, des genres, en intégrant aussi les dernières prouesses technologiques.
L’Opéra de Nice compte aussi son propre orchestre, le Philharmonique de Nice, désormais placé sous la direction de son nouveau chef principal, Lionel Bringuier. L’Orchestre tient l’affiche cet été aux Chorégies d’Orange, avec Tosca, seule production lyrique du prestigieux festival ; il est aussi invité à La Roque d’Anthéron (le 31 juillet prochain) et participera à la Folle Journée 2025… Au total pour cette nouvelle saison, nous comptons 42 concerts symphoniques. De son côté, notre Corps de Ballet participe activement à l’essor de notre Maison, en présentant entre autres, le ballet d’Alexander Ekman (pour 16 danseurs et un quatuor à cordes)… Avec son orchestre, son ballet, mais aussi son chœur, l’Opéra de Nice ne cesse d’affirmer sa marque singulière parmi les théâtres de la Région.
CLASSIQUENEWS : Quels sont les éléments que vous prolongez au cours de cette nouvelle saison ?
BERTRAND ROSSI : Assurément notre activité et notre rythme : le nombre de levers de rideau place l’Opéra de Nice parmi les théâtres de l’Hexagone les plus dynamiques (je pense à l’Opéra de Lyon) ; pour cette nouvelle saison, nous proposons pas moins de 8 productions ; en nombre d’ouvrages, il n’y a guère que l’Opéra de Paris qui nous devance. Tous les indicateurs nous le disent : nos salles n’ont jamais été aussi pleines ; le public vient en nombre ; il est crucial de préserver les propositions dans la régularité et la diversité. Il faut garder le rythme pour fidéliser notre public ; il faut donc rendre très facile l’idée d’aller à l’opéra, comme on va au cinéma.
CLASSIQUENEWS : Quelles en sont les nouveautés ?
BERTRAND ROSSI : Dans cette optique, il est aussi essentiel de toucher de nouveaux publics. La saison 2024 – 2025 est l’occasion d’amplifier la formule des « escape games ». Jusque là, il s’agissait d’impliquer de petits groupes. A présent nous étoffons l’offre et l’avons conçue pour 150 personnes par groupe et en même temps, un véritable jeu géant immersif. De même, nous faisons évoluer nos « after works » : vu leur succès, les concerts d’1h sont renforcés ; ils se déroulent dans des lieux insolites de Nice, avec toujours, après la représentation, le verre de l’amitié partagé entre artistes et public. Et pour les parents qui souhaitent venir à l’Opéra, chaque dimanche, nous proposons la garderie culturelle (Viens avec tes parents) qui leur permet d’assister aux concerts, aux ballets, aux opéras…
L’audace et l’innovation sont moteurs. Ainsi dès le 7 septembre prochain, le premier spectacle de la nouvelle saison, est une soirée qui mixte les styles de danse, concrètement il s’agit d’un battle entre les rappeurs Hip Hop et les danseurs de notre Ballet. L’expérience menée dans ce sens mais dans un format plus réduit l’an dernier a remporté un énorme succès. Il était important d’en proposer un nouveau volet, et dans un dispositif plus ambitieux encore.
Opéra de Nice
LES 8 PRODUCTIONS LYRIQUES 2024 – 2025
A présent parcourrons la nouvelle saison 2024 – 2025. Pouvez-nous présenter chaque production à l’affiche, et les raisons de votre choix ?
1 – LECOCQ : La Fille de madame Angot. La saison lyrique proprement dite s’ouvre avec la comédie de Charles Lecocq, dans le cadre du 23è Festival d’opérette. L’héroïne, Clairette incarne une jeunesse combative, à l’épreuve de la vérité. Le profil illustre parfaitement notre thématique « libre d’aimer ». Clairette défend sa liberté de chanter et d’aimer. C’est une coproduction avec l’Opéra-Comique, le Palazzetto Bru Zane, l’Opéra Grand Avignon, l’Opéra national de Lyon (son directeur Richard Brunel assure la mise en scène et transpose l’action originelle à l’époque de mai 68)… Parmi les solistes, Hélène Guilmette comme pour le représentations à l’Opéra-Comique, chante le rôle de Clairette Angot, aux côtés de Valentine Lemercier qui chante le rôle de Melle Lange (prise de rôle). La direction musicale est assurée par Chloé Dufresne.
2 – PUCCINI : Edgar. Voici l’un des temps forts de la nouvelle saison 2024 – 2025. L’Opéra de Nice se devait lui aussi de célébrer l’année Puccini 2024. La production que nous présentons est d’autant plus importante qu’il s’agit de la création française de la version originale en 4 actes (1889). Edgar est un héros décalé dans une société dont il n’a pas les codes… C’est une première absolue à Nice. La mise en scène est assurée par Nicola Raab avec laquelle j’avais déjà travaillé à l’Opéra du Rhin. Et pour le rôle-titre, je suis très heureux d’accueillir le ténor Stefano La Colla, puccinien de haut vol, ayant déjà chanté sous la direction de chefs aussi prestigieux que Riccardo Chailly ou Sir Simon Rattle….
3 – 12 vies de Schoenberg. Le spectacle célèbre le génie d’Arnold Schoenberg, figure tutélaire de la modernité, fondateur de « l’École de Vienne », et aussi célèbre représentant du dodécaphonisme. Il était important de souligner l’œuvre de Schœnberg d’autant plus que 2024 marque le 150è anniversaire de sa naissance. La production a été présentée en janvier dernier à la Philharmonie de Paris. C’est une coproduction pour laquelle l’Opéra de Nice a conçu les décors. Pour relever les défis du spectacle qui évoque toutes les facettes du créateur, nous avons fait appel au réalisateur Bertrand Bonello qui est né à Nice ! Son film dédié à la vie du couturier Yves Saint-Laurent avait tant déplu à Pierre Bergé que Stéphane Lissner qui voulait confier à Bertrand Bonello sa première mise en scène d’opéra, en fut empêché. C’est chose faite à présent grâce à la réalisation de cette production majeure.
4 – MOZART : La Flûte enchantée. Le sujet s’insère parfaitement lui aussi dans notre thématique : le prince Tamino et Pamina forment un couple idéal dont les épreuves jalonnent leur combat contre les forces du mal. Les Niçois pourront retrouver le chef Jean-Christophe Spinosi qui dirige actuellement l’Olympiade des Olympiades (d’après l’Olympiade de Vivaldi). La mise en scène est signée du réalisateur Cédric Klapisch (Les Poupées Russes, l’Auberge espagnole,…) et parmi la distribution, le ténor madrilène Joel Prieto chante Tamino, et la soprano californienne Sydney Mancasola, Pamina (un rôle qu’elle assurera au Met de New York)… Il s’agit d’une coproduction avec le TCE Théâtre des Champs Élysées, l’Atelier Lyrique de Tourcoing, le Théâtre Impérial de Compiègne.
5 – MARTINU : Juliette ou la clé des songes. L’opéra est très rare et reste méconnu. On se souvient d’une production à l’Opéra de Paris sous la direction d’Hugues Gall. A travers le personnage de Michel, le héros qui est en quête de Juliette, l’action questionne la liberté d’un être dont l’existence s’inscrit dans l’univers du rêve… L’ouvrage a été composé à Nice par Martinu, pendant son séjour niçois entre mai 1936 et fin 1937. Le livret du compositeur est écrit en français d’après la pièce de l’écrivain surréaliste Georges Neveux (1930), qui était aussi membre du Barreau de Nice. L’opéra est ambitieux, nécessitant 20 solistes, un orchestre et un chœur importants. J’ai confié la mise en scène au duo de metteurs en scène français Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeuil / Le Lab, qui réaliseront des séquences filmées dans les rues de Nice… ; leur travail est précédé par une recherche approfondie sur le séjour de Martinu à Nice, sous la direction musicale du chef néerlandais Anthony Hermus. Voilà un autre temps forts de notre nouvelle saison 2024 – 2025, inscrite dans l’audace, avec Edgar et 12 vies de Schœnberg.
6 – ROSSINI : Le Barbier de Séville. Aux côtés des ouvrages forts et détonants, il est aussi important de présenter des œuvres plus légères. C’est une question d’équilibrage. Voilà longtemps que l’Opéra de Nice n’avait pas affiché l’ouvrage. Le personnage de Rosine se bat pour sa liberté et son amour. Il y est question de libération et même d’émancipation : deux thèmes qui font écho à notre slogan générique là encore. Cette nouvelle production est mise en scène par le niçois Benoît Bénichou : il vient de réaliser un opéra participatif à Montpellier. Après avoir proposé à Nice, La Veuve Joyeuse, Orphée aux enfers, Benoît Benichou envisage d’inverser le dispositif habituel scène et spectateurs. Ces derniers sont sur la scène et les chanteurs dans la salle.
7 – BIZET : Carmen. L’opéra le plus joué au monde permettra ainsi à notre directeur musical, Lionel Bringuier de diriger son premier opéra à Nice, avec notre phalange maison : l’Orchestre Philharmonique de Nice. La mise en scène signée Daniel Benoin ( et présentée à l’Opéra de Nice en 2017) qui transpose l’action dans l’Espagne franquiste, est ainsi reprise à Nice, avec quelques changements. La distribution en est prometteuse : le ténor monégasque Jean-François Borras fait ses débuts niçois dans le rôle de Don José, et la mezzo-soprano Ramona Zaharia qui chante le rôle au Met et à Covent Garden, sera notre Carmen.
8 – CARMEN STREET : en parallèle à la production de Daniel Benoin, nous présentons un 2ème spectacle autour de Carmen. Pour les 150 ans de la création de l’ouvrage, nous proposons un opéra participatif « CARMEN STREET », la comédie musicale d’après le chef d’oeuvre de Bizet. Jean-Philippe Delavaux, grand spécialiste du genre comédie musicale, en assure la mise en scène. Tous les chanteurs seront sélectionnés selon l’esthétique propre à la comédie musicale ; le spectacle très urbain assume totalement son retour à la chanson. Y seront associés de nombreux acteurs de la vie musicale et culturelle niçoise : associations et clubs de danse, élèves du Conservatoire…
Propos recueillis en avril 2024
Bertrand Rossi, directeur de l’Opéra de Nice © D.Jaussein
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Découvrez tous les programmes, opéras, ballets et concerts symphoniques de la nouvelle saison 2024 – 2025 de l’Opéra de Nice, sur le site de l’Opéra de Nice : https://www.opera-nice.org/fr