mardi 17 septembre 2024

OPÉRA DE DIJON. Les 30 et 31 mars 2024. J.S. BACH : La Passion selon Saint-Jean (1724). Sasha Waltz / Leonardo Garcia Alarcon (direction).

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Monument de la musique occidentale, La Passion selon Saint Jean comme la Messe en si du même JS BACH,  est un sommet d’émotions : l’aboutissement d’une vie de compositeur et de croyant. Pour les 300 ans de la création de l’œuvre,  puisqu’elle a été créée à Leipzig en 1724, la chorégraphe Sasha Waltz, à laquelle nous devons de nombreux opéras chorégraphiés, propose sa mise en scène sous la direction musicale de Leonardo García Alarcón.

 

Lorsque Jean-Sébastien Bach présente sa Passion à Leipzig en 1724, la partition fait l’effet d’une déflagration, tant les innovations y sont révolutionnaires. Tant la puissance tragique captive et  bouleverse. Un Évangéliste narre l’histoire du Christ, sa passion faite souffrance et tendresse… ; des chanteurs solistes incarnent les instants les plus intenses de sa Passion ; un chœur interprète la foule et les chorals. La Saint-Jean est la première des Passions de JS Bach ; l’enjeu de la Saint-Mathieu à venir (1727) est de renouveler encore le sujet de la Passion du Christ, dans des proportions différentes… plus vastes encore.

 

Est ist volbracht / tout est accompli

Compassion, élévation  :  l’assemblée des croyants prend la mesure du Sacrifice et le tableau de la mort de Jésus sur la croix est ici l’un des plus bouleversants ; sa violence concentrée dans l’air le plus admirable de la partition  « Es ist vollbracht » / tout est accompli… qui est chanté depuis les Damien Guillon et Andreas Scholl par un alto masculin. L’air – élément central de toute l’architecture musicale, est énoncé par la basse puis porté par l’alto, moment d’une profondeur bouleversante, incarnée d’abord par le solo du violoncelle, puis par la soliste et les cordes dont la surenchère et le soutien des graves précipitent littéralement la prise de conscience de ce qui est effectivement accompli.

Puis la basse revient, dans une même épure, accompagné par le chœur pour une berceuse collective pleine de tendresse et d’amour pour le corps du Supplicié.
Ce qui s’impose à nous dans la partition de Jean-Sébastien, d’emblée, c’est la grande cohérence, fraternelle et tendre, énoncé cycliquement, comme une invitation méditative dans chaque choral ; l’œuvre édifie ce lien en proximité avec le Christ. Le peuple des croyants exprime ici une éloquente compassion. Jésus sur la croix n’est pas mort pour rien.

Choix esthétiques radicaux, puissance et poésie des corps en mouvement, … Sasha Waltz promet un spectacle spirituel qui dans la confrontation avec les souffrances du Fils sacrifié, interroge le sens et la finalité de nos vies terrestres.

 

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Opéra de Dijon, Auditorium
Samedi 30 mars 2024, 20h
Dimanche 31 mars 2024, 14h
Réservez directement vos places sur le site de l’opéra de Dijon :
https://opera-dijon.fr/fr/au-programme/calendrier/saison-23-24/la-passion-selon-saint-jean/

 

Distribution

Sasha Waltz & Guests
Direction musicale : Leonardo García Alarcón
Ensemble Cappella Mediterranea
Chœur de chambre de Namur
Chœur de l’Opéra de Dijon

Mise en scène et chorégraphie : Sasha Waltz
Costumes : Bernd Skodzig
Décors : Heike Schuppelius
Lumières : David Finn
Intervention sonore : Diego Noguera Berger

Soprano : Sophie Junker
Pilate : Georg Nigl
Jésus : Christian Immler
Contre-ténor : Benno Schachtner
Évangéliste : Valerio Contaldo
Ténor : Mark Milhofer
Ancilla : Estelle Lefort*
Servus : Augustin Laudet*
Pierre : Rafaël Galaz Ramirez*

* artistes lyriques du Chœur de chambre de Namur

 

Nouvelle production de l’Opéra de Dijon
Coproduction Sasha Waltz & Guests, Théâtre des Champs-Élysées
Décors réalisés par les ateliers de l’Opéra de Dijon et la compagnie Sasha Waltz & Guests – Costumes réalisés par les ateliers de l’Opéra de Dijon et de Manja Beneke – L’Opéra de Dijon remercie le Musée Unterlinden de Colmar pour le droit de reproduction de l’œuvre suivante :
Retable d’Issenheim – Annonciation, Concert des Anges, Nativité, Résurrection, Matthias Grünewald, 88.RP. 139

 

Illustration © Lorenzo Mattotti

 

Entretien

 

ENTRETIEN avec Leonardo Garcia Alarcon, à propos de la Passion selon Saint-Jean de JS BACH, nouvelle production à l’Opéra de Dijon

 

Leonardo Garcia Alarcon : DR

 

 

CLASSIQUENEWS : Ayant déjà abordé l’œuvre comme c’est le cas de la Passion selon Saint Mathieu et de la Messe en si, qu’est-ce qui fait selon vous, la force de la Passion selon Saint-Jean ?

LEONARDO GARCIA ALARCON : Saint-Jean n’est pas seulement un évangéliste mystique comme l’est aussi Saint-Mathieu : c’est surtout un formidable conteur dont le sens du drame est parfaitement compris et  servi par Bach. Le génie de Bach est d’avoir su sculpter la rhétorique de chaque Évangile. Cela s’accomplit particulièrement dans la Saint-Jean. L’œuvre a été créée en 1724 puis reprise en 1725. 2024 marque donc les 300 ans de sa conception.

La partition concentre le meilleur des procédés alors connus en Europe, lesquels sont filtrés par la propre pensée de Bach. Y excellent les éléments propres à l’opéra : le recitativo secco, la concertato, le concerto vénitien [bien connu de Bach qui connaissait parfaitement l’œuvre de Vivaldi], ce dans leur forme la plus moderne. BACH utilise aussi des principes et motifs français comme le tombeau, les rythmes pointés, les danses si typiques dont la sarabande, sans omettre les fondements de la prosodie ; même intelligence admirable dans l’écriture harmonique dont la complexité à 4 voix demeure emblématique du protestantisme ; par ailleurs, la foule [turbae] produit ici un chœur d’une puissance inédite alors ; aucun opéra ou oratorio n’atteint un tel souffle, sauf peut être Israël en Égypte de Haendel.

 

CLASSIQUENEWS : Quel en serait le climax selon vous?

LEONARDO GARCIA ALARCON : Difficile d’extraire un élément d’une totalité aussi bien construite dramatiquement. Peut être la séquence où le chœur, dans la partie II, crie désignant Jésus, « Cucifiez-le ». Bach se souvient alors du style concitato de Monteverdi mais il va encore plus loin dans une écriture instrumentale à 5 parties, et des harmonies sidérante qui montent et descendent ; dans des tonalités inattendues qui toujours sculptent la force du texte.

 

Et votre travail avec Sasha Waltz ?

LEONARDO GARCIA ALARCON : Nous avons déjà collaboré ensemble pour l’Orfeo de Monteverdi dans une réalisation qui m’a beaucoup marqué. Plus tard, pendant la covid, en 2021, je réfléchissais comment célébrer en 2024,  les 300 ans de la création de la Saint-Jean. J’ai alors alors pensé à Sasha que j’ai convaincu malgré ses doutes car c’est la première œuvre de musique sacrée qu’elle aborde. En réalité nous nous sommes retrouvés sur le sens du projet en général : le Christ représente l’humanité et sa propension à se détruire elle-même. Donc il s’agit d’une approche qui dépasse la religion et touche notre essence la plus actuelle. Je souhaitais aussi une artiste de langue allemande car le texte est ici primordial. 

Songez que tous les danseurs de la compagnie de Sasha connaissent et chantent tout le texte ; ils le connaissent par cœur ; c’est un préalable à leur travail chorégraphique proprement dit. 

Pour moi la danse révèle l’essence même de la musique de Bach. Sur scène, les 12 chanteurs du Chœur de chambre de Namur dansent, comme les chanteurs et certains instrumentistes [c’est le cas par exemple du n°19, s’agissant du ténor et des 2 violes d’amour / idem pour l’air Est ist volbracht / tout est accompli  : la soliste et le gambiste sont sur scène]. 

Le chœur de Dijon réalise la partie de la Turba et aussi tous les chorals. 

 

CLASSIQUENEWS : Comment s’inscrit ce nouveau spectacle dans votre travail artistique ? 

LEONARDO GARCIA ALARCON : Pour moi Bach est fondamental. Sa musique a décidé de ma vocation comme musicien et chef d’orchestre. Jouer sa musique, c’est revenir à la source du plus grand génie de la musique. 

Par ailleurs, cette production prolonge ma propre démarche avec les chorégraphes contemporains: cette Saint-Jean fait suite aux Indes Galantes donné à l’Opéra de Paris ; à l’Atys de Lully conçu avec Angelin Preljocaj, et au récent Idomenee en complicité avec Sidi Shzrkaoui [Grand Théâtre de Genève, mars 2014].

Je pense que les chorégraphes permettent de désacraliser les ouvrages que l’ont pense à tort « immuables ». Considérer les œuvres de musique classique comme des pièces de musée au nom du respect qui leur est du, c’est l’enfer. Et absolument pas la voie qui est la mienne. 

 

CLASSIQUENEWS : Et pour conclure, quand vous pensez à la Saint-Jean justement, quels peintres anciens vous viennent-ils en tête ? 

LEONARDO GARCIA ALARCON : Immédiatement Dürer… Et Rembrandt, surtout Rembrandt. Pour moi il est évident que Rembrandt était connu de Bach. Chez les protestants la couleur est suspecte ; elle est bannie car synonyme de péché. C’est la raison pour laquelle on oppose souvent Rembrandt à… Rubens, et sa palette si riche. Le génie de Bach est de concilier les deux univers, dans un équilibre parfait. 

 

Propos recueillis en mars 2024

 

Le Christ par Rembrandt / Bijbels Museum, Amsterdam (DR)

 

VIDÉO : teaser et entretien avec Leonardo Garcia Alarcon

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