jeudi 28 mars 2024

Nuits Musicales d’Uzès (30) Du 17 au 26 juillet 2009

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Nuits Musicales d’Uzès (30)
Du 17 au 26 juillet 2009

8 concerts entre Bach, Vivaldi, Villa-Lobos et la Bossa Nova. Bientôt quadragénaires, les Nuits d’Uzès. Et mariant toujours le baroque, tendance sacrée (ici la Messe en si de Bach) avec d’autres échos, tantôt venant d’Espagne et tantôt d’Italie, ou même d’outre-Atlantique. Petite chronique sur un festival en habit d’Arlequin amoureux de plusieurs Colombine…

Des nuits plus belles que vos jours

Les 39èmes Nuits Musicales nous permettent de livrer la suite du feuilleton littéraire « le doux et tendre Racine à Uzès ». C’était il y a seulement 350 ans, le futur dramaturge absolu allait avoir 20 ans, mais il n’avait encore écrit que l’ode « La Nymphe de la Seine à Paris ». Le temps de renier ses maîtres jansénistes, du moins en se livrant aux charmes de l’abominable théâtre, de ne pas y connaître encore le succès espéré, d’accumuler quelques dettes parce qu’on mène vie décontractée, et on cherche « du solide, car un honnête homme ne doit faire le métier de poète que quand il a fait un bon fondement pour toute sa vie ». Donc on se fait attribuer un bénéfice ecclésiastique, les revenus d’un prieuré, ce sera en province de l’ultra-sud : Uzès, où son oncle, le bon chanoine Sconin, l’attend, et devrait l’aider dans sa conquête d’attribution du bénéfice tout en le rapprochant de la voie droite. Départ en automne 1661. Là-bas, même en novembre, « nous avons des nuits plus belles que vos jours ». Les protestants sont dominants, leurs filles sont plus « jolies » que celles des catholiques, on fait des études un peu théologiques sous la férule du bon oncle, fort indulgent mais maladroit en « affaires » pour faciliter l’attribution du bénéfice convoité par le neveu pas si mystique. Au mois de mai 1662, l’affaire est dans le lac. Le jeune poète écrit : » C’est bien assez de faire l’hypocrite, sans le faire encore à Paris par lettres. Car j’appelle hypocrisie d’écrire des lettres où il ne faut parler que de dévotion et ne faire autre chose que se recommander aux prières. » Chronique d’un départ annoncé, vite accompli. Il n’aura ouï le chant « le plus perçant et importun » des cigales qu’une seule petite année. A Paris, les choses sérieuses vont commencer.

In principio erat Verbum Johannes Sebastiani

Vous savez que votre chroniqueur festivalier préféré recommande pour avant et après le concert les saines lectures et les bonnes pensées esthétiques. Donc, sur les terrasses d’Uzès, à la place aux Herbes, Racine, Racine, encore lui avant lui-même… Voilà qui n’empêche pas de savourer l’art des sons baroques, pourtant rarement perçant et jamais importuns. Au fait vous avez dit : baroque ? Les Nuits d’Uzès le sont, traditionnellement. Mais leur directeur artistique, Eric Desnoues, les métisse d’autres échos venus de styles différents. De plus en plus au fil des saisons uzégeoises ? En 2009, le « différentiel baroque (et sacré) – le reste » semble s’accroître. Certes, in principio festorum erat Verbum, au commencement des fêtes était la Parole. Celle de la Messe chrétienne, celle du Père probable de la Musique européenne, Johann-Sebastian Bach. Vous avez deviné que l’un des sommets de l’architecture sonore ouvre Uzès 2009 : la Messe en si, dont Bach a scandé 25 années de sa vie créatrice, synthèse quasi œcuménique avant la lettre où la structure catholique ne gêne pas le réformé compositeur qui met en « images » le dogme et ses abstractions. Et en particulier donne de la vie aux formules du Credo, qui deviennent la célébration de la vie du Christ, « fait homme » sur la terre et y vivant une existence aussi humaine que celle de chacun d’entre nous, en son époque, à celle de Bach et à la nôtre. Bach rejoint alors les Passions dont il enlève le déroulement de récit théâtral mais garde un sacré qui se communique à tous, fidèles et incroyants. L’expérience de toute une vie s’y résume, et le conducteur qui nous mène en ces arcanes du génie, de la rigueur et du sentiment est l’inlassable interprète des immenses partitions du sacré. Moins baroqueux au sens désormais…. classique du terme qu’architecte des beaux sons, et aussi incomparable peseur de mots et de syllabes dans la musique même, « in principio erat verbum » comme on s’en aperçoit lors des séances de travail avec le cher Ensemble vocal et instrumental de Lausanne (bientôt la 50aine autour de son fondateur)…. La cathédrale Saint Théodorit est lieu idéal pour percevoir ce que l’espace concède au temps dans les chefs-d’œuvre de Bach et des Autres en Europe XVIIIe.

Bacchianas et Alejo

De même que le plein air en cour d’honneur de Duché, si voluptueux au cœur de la nuit commençante d’été, est idéal pour goûter les Saisons, Quatre ainsi qu’on sait depuis un certain Prêtre Roux Vénitien. Sauf que – surprise, cadeau – ce ne sont pas cette fois celles, attendues jusqu’au réflexe pavlovien, de Vivaldi. Il s’agit, avec l’Orchestre de chambre toulousain (Gilles Colliard, violon et direction), d’Astor Piazzolla, le Père… du Tango revisité, qui conte avec « ses » Saisons « les atmosphères, et moins le déroulement précis des scènes à la campagne : tantôt mélancoliques, tantôt pétillantes, ou même mystérieuses, et situées à Buenos-Aires en faisant un petit détour par le monde baroque ». De même encore – Amérique Latine impose – que le Baroque Una Stella (Philippe Spinosi, guitare et direction) accompagne la soprano Blandine Staskiewicz pour les noces de Bach avec le Brésil dans la 5e des Bacchianas de Villa-Lobos, Vivaldi, Haendel et Porpora ou Boccherini s’alliant aussi à de Falla pour la fraternelle traversée de l’Atlantique et des cultures. On glissera donc sans effort et avec plaisir – suivi d’exercices chorégraphiques dans la Cour de l’Evêché, o tempora o mores dirait-on tout de même le tolérant chanoine Sconin voyant son neveu en « tortillage moderne » comme en Concert Baroque d’Alejo Carpentier, encore une excellente lecture à (re)faire cet été – aux joies de Bossa Nova Stories. Là c’est la Blonde Brésilienne Eliane Elias qui officie à la voix et au piano, avec le guitariste Rubens de la Corte, le contrebassiste Marc Johnson et le batteur Rafael Barata.
Guitare ? La voici flamenca (Raphaël Faÿs), et dansante ( Raquel Gomez), après le Trio d’Ange Lanzalavi qui célèbre la tradition de Corse. Le Chœur d’hommes Anaiki ( Jean Marie Guezala) chante, lui, le profane et le sacré du Pays Basque. Le jazz manouche fait inviter le violoniste Didier Lockwood par le Gipsy Trio de Biréli Lagrène. Et côté mots intégrés aux notes, interface public-scène, les deux pianos d’Antoine Hervé et de Jean-François Zygel jouant un Match comme chez Kagel ou Antonioni. « O douce paix ! O lumière éternelle ! Beauté toujours nouvelle ! », chante Racine 30 ans plus tard, et 320 ans avant le bel été d’Uzès que vous ne manquerez pas d’aller célébrer….

39e festival des Nuits d’Uzès (30), du 17 au 26 juillet 2009. 12 concerts. Vendredi 17 et samedi 18 juillet, à 21h30. Dimanche 19, mardi 21, mercredi 22, vendredi 24, samedi 25, dimanche 26 à 22h. Information et réservation : T. 04 66 62 20 00 ; www.nuitsmusicalesuzes.org

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