vendredi 19 avril 2024

Noverre: ballets Renaud et Armide, Médée et JasonOpéra de Versailles, Opéra Comique à Paris, du 13 au 23 décembre 2012

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Ballets de Noverre

Renaud et Armide


Médée et Jason

Dans les années 1760, avant la révolution Gluckiste, l’opéra français reçoit un type de spectacle total, le ballet d’action dont l’excellence des disciplines associées marque un sommet de l’écriture chorégraphique. Sur la musique de Jean-Joseph Rodolphe, le chorégraphe Jean-Georges Noverre (1727-1810) imagine ce théâtre parfait où le seul langage du corps dansé exprime les mêmes passions que celle de la tragédie lyrique contemporaine. Le CMBV Centre de musique baroque de Versailles, s’associe au Centre de musique romantique française Palazzetto Bru Zane et restitue l’éloquence d’un genre oublié qui a marqué les esprits.

Au programme, les mêmes sujets mythologiques que l’opéra met en scène: Médée et Jason (ballet tragique créé à Stuttgart en 1763) et Renaud et Armide (héroï-pantomime créée à Lyon en 1760) et repris à l’Opéra royal de Versailles en 1775.

Opéra royal de Versailles
Jeudi 13 décembre 2012 à 20h
Samedi 15 décembre 2012 à 20h

durée : 2h avec entracte


Paris, Opéra Comique
Les 21, 22 et 23 décembre 2012

Le spectacle présenté à Versailles rétablit la place majeure de la danse dans le mouvement artistique des années 1760, propre au prestige de la Cour de France, à la fin du règne de Louis XV. L’opéra a rivalisé avec le théâtre; c’est au tour du ballet de rivaliser et d’égaler sur le plan esthétique et poétique l’opéra. Depuis Louis XIII, les souverains français aiment passionnément la danse, art spécifiquement français.

En écartant tout prétexte chanté, en associant la pantomime à la danse, en concevant le ballet comme un spectacle total, Noverre émancipe l’art chorégraphique. Désormais, l’unité dramatique, la réalisation visuelle et scénique (proche des tableaux d’histoire) produisent un spectacle d’une richesse inouïe qui séduit, exalte, enseigne (ou peut parfois terrifier comme on le lira pour Médée, dans son invocation aux enfers…).

De retour de Londres (où il s’est fixé dès 1781), Noverre élabore une action cohérente, dramatiquement prenante qui s’appuie sur le déploiement et la fusion de tous les arts de la scène (sauf le chant). Il écrit ainsi des intrigues où le divertissement est tout aussi important que l’histoire. Peu à peu, les œuvres aborde en sujets courts des scènes légères et comiques au prétexte pittoresque (les fêtes chinoises, les réjouissances flamandes…): l’exotisme et le folklore priment encore sur la vraisemblance. Puis, Noverre emprunte à la littérature de nouveaux sujets (comiques à partir de Molière, tragiques d’après les pièces de Crébillon). A Stuttgart, le chorégraphe gravit un échelon supérieur en traitant les grands mythes historiques et antiques: Agamemnon, les Danaïdes, les Horaces, et son chef d’oeuvre Médée et Jason, présenté à Versailles dans sa version tardive de 1775.

Proche des grands plasticiens et peintres de son époque, Noverre pense le ballet comme un tableau, privilégiant le sens général à la gestique de détails. Lumières, costumes, décors, accessoires, mouvement, scénographie… tout est révisé selon un plan général, une globalité active qui fait de Noverre, le premier metteur en scène de l’histoire des arts.

Renaud et Armide, créé à Lyon en 1760 est encore un ballet  » ancien « : le decorum, le merveilleux et les enchantements produits par la magicienne amoureuse inscrivent l’ouvrage dans ce premier XVIIIè, libertin, badin, voluptueux… comme un tableau de Boucher.
Pour autant, Noverre apporte un éclairage inédit (préromantique) sur l’essor du sentiment amoureux qui scelle le destin final d’Armide: l’instant où saisie par l’amour que lui suscite le beau visage de Renaud, elle est foudroyée donc anéantie par son regard; puis son renoncement final qui en fait une victime quand elle débutait en triomphatrice. La métamorphose émotionnelle de la magicienne est bien le point fort du sujet et ce que l’opéra tragique met 2h à développer et représenter, la chorégraphie de Noverre l’emporte en une série de gestes et mouvements qui jouent sur leur fulgurance. C’est évidemment l’intérêt du mouvement du corps sur le temps rallongé et plus contraint de la musique et du chant.

Jamais joué à Paris, mais à Venise puis Londres (en un véritable triomphe), Renaud et Armide incarne un premier jalon décisif dans l’écriture de Noverre, voire le premier sommet de son inspiration artistique.

Un pas supplémentaire est franchi encore avec le ballet créé à Stuttgart, Médée et Jason en février 1763, repris à Paris non sans tapage en juin 1763 en présence de Louis XV: le tableau des furies invoquées par Médée, amoureuse, furieuse et haineuse qui s’abîme peu à peu dans les enfers… impressionne l’audience. La force des pantomimes offraient aux danseurs nés acteurs, une excellente occasion de faire valoir leurs talents; ainsi le danseur Gaëtan Vestris (Jason) eut à cœur de défendre et de remonter l’œuvre pour de nombreuses reprises: Vienne et Varsovie (1767), Kassel (1773), avant Londres en 1781…

Médée et Jason à l’Opéra de Versailles, 1775

L’ouvrage connaît ainsi une représentation fameuse à l’Opéra de Versailles en 1775 (pour les fêtes du mariage de Madame Clotilde), donnée comme un spectacle autonome, car souvent, le ballet n’était qu’un divertissement intercalé entre les actes d’un opéra proprement dit…
Mise en avant légitime pour un ouvrage parfait, d’une force expressionniste nouvelle, désormais établi dans un lieu historique décisif pour sa reconnaissance. En 1774, le ballet de Noverre investit la capitale au moment où Gluck poursuit sa révolution avec Alceste… conjonction esthétique de deux genres scéniques qui tous deux entendent retrouver la violence cathartique du drame antique grec. Le baron Grimm dans sa Correspondance littéraire de janvier 1776 avoue avoir été impressionné par la force de Médée, «  très propre à donner une idée de la pantomime des anciens et de l’extrême passion que les grecs et les romains eurent depuis longtemps pour ce genre de spectacle… ». Tout était dit. Avec ses ballets d’exception, Renaud puis Médée, Noverre invente le ballet moderne et réussit de son vivant, la révolution romantique dans l’histoire de la danse à la fin du XVIIIème siècle, accordant néoclassicisme et avant-garde.

Par la suite, Noverre cédant aux caprices des français pour la pompe et le décorum réécrit son ballet en l’accablant de lourdeurs et longueurs surprenantes ; parjurant ses principes modernes, le grandiose prime sur toute autre forme pour la reprise à l’Opéra de Paris en 1780… (scène de foules, mariage, soldatesque et marche des prêtres allongées, enrichies…). En 1804, l’ouverture de La Toison d’or de Vogel, de 1786, opéra sur le même thème et très fort voire violent lui aussi dans le portrait haineux de la protagoniste fut associée aux reprises: combinaison pertinente où la figure de Médée ainsi dépeinte s’inscrit dans la redécouverte du mythe antique grâce aussi à Sacchini (Renaud) et à Cherubini (Médée).

Toutes
les modalités de réservation et les informations sur chaque programme
de la saison musicale 2012 du CMBV Centre de musique baroque de
Versailles sur le site du CMBV Centre de musique baroque de Versailles

Illustrations: en 2012, le CMBV Centre de musique baroque de
Versailles met à l’honneur Jean Georges Noverre (DR)

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