vendredi 29 mars 2024

Nantes. Théâtre Graslin, le 17 décembre 2009. Jacques Offenbach (1819-1880): La Périchole. Stéphanie D’Oustrac… Musiciens de l’Orchestre national des Pays de La Loire. Stéphane Petitjean, direction

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Dégrisement irrésistible

Mais que cherche Don Andres de Ribeira? Il aime s’encanailler incognito en cherchant les petites femmes… Le vice-roi du Pérou tombe sur La Périchole, chanteuse de rue, qui traîne affamée de place en place sans jamais manger à sa faim… Subjugué par la beauté de la nymphe urbaine, le souverain l’emmène à sa Cour tout en la mariant au comte de Tabago… pour sauver les apparences.
L’intrigue est mince mais le délire de la musique sans limite et la facétie d’Offenbach y atteignent musicalement un foisonnement de mélodies et de climats poétiques qui annoncent ses Contes d’Hoffmann et aussi la Carmen de Bizet. Il est vrai que les deux librettistes convoqués pour La Périchole (Ludovic Halévy et Henri Meilhac) concevront peu de temps après, Carmen. De sorte que l’une annonce l’autre.

De fait, elle ne manque ni de tempérament ni de suavité trouble grâce à son mezzo séducteur et à son franc parler irrésistible: Stéphanie d’Oustrac s’impose évidemment dans un rôle parlé-chanté qui compte deux airs magistraux: l’adieu à Piquillo (« je t’adore »…), quasiment enchaîné, -à un dîner copieusement arrosé près, glissé dans l’intervalle-, avec le second tout aussi génial: « Je suis grise »… Au royaume de la parodie et du fantasque déluré, la cantatrice sait articuler son personnage avec une gouaille subtile que partage l’excellente direction d’orchestre du jeune Stéphane Petitjean. Pianiste accompagnateur à ses heures de deux Nathalie/Natalie … Stutzmann et Dessay, le musicien qui a fait ses classes au CNSMD de Paris, s’est déjà distingué à Aix et à Salzbourg dans le registre badin et poétique celui de Johann Strauss (La Chauve Souris) et déjà d’Offenbach (La Belle Hélène). Il a plus récemment dirigé non sans tact et élégance, à l’Opéra Théâtre de Metz Métropole, Phi-Phi et La Fille de madame Angot… Passé maître pour la défense du genre léger, Stéphane Petitjean en dévoile plutôt toute la profondeur…

Son geste précis, fin et naturel, qui souligne la délicate orchestration de la partition (équilibre entre percussions, cordes et harmonie requise: 2 flûtes, 2 clarinettes, 1 basson et 1 hautbois), fait merveille ici: le travail est celui d’un orfèvre qui module et nuance, veille constamment à l’équilibre plateau/fosse, comme à l’énergie de chaque tableau. Voici enfin un Offfenbach tel que nous le rêvons: léger, séditieux, impertinent, futile mais mordant. Il s’agit bien tout au long de la production d’une critique incisive de tous les tyrans…

Soutenus par l’intelligence du chef, les solistes se libèrent et se consacrent entièrement à l’action scénique. Epatants sans lourdeur, avec cette légèreté qui fait tant défaut à nombre de productions vues et revues ailleurs, Franck Leguérinel (Don Andres Le Vice-Roi/le Geôlier) et l’intelligible et délirant Mathias Vidal (Don Pedro de Hinoyosa, gouverneur de Lima). On reste moins séduit par le Piquillo, en comparaison assez sommaire de Martial Defontaine

Même les choeurs sont à la fête, et les ensembles millimétrés par le chef, retentissent d’une vivacité contagieuse (tableau du mari récalcitrant, choeur des noces…). Bérangère Jannelle sait souligner le piquant et la facétie grisante dans ce théâtre des masques: chacun s’avance déguisé mais dans la musique fait surgir folie et désir (La Périchole ne serait-elle pas aussi une opérette féministe? Tous les mâles protagonistes y célèbrent la femme sans réserve), surenchère parodique et même rage refoulée (voyez avec quel entrain sadique les deux geôliers de Piquillo dans la prison des maris récalcitrants, s’en donnent à coeur joie pour rosser le pauvre chanteur des rues).

Rien de plus indiqué que cette pétillante et subtile production de La Périchole: Nantes puis Angers jusqu’au 17 janvier 2010 incarnent, pour décembre et janvier prochains, l’esprit insouciant et impertinent qui s’impose pour les fêtes de fin d’année. Spectacle incontournable en région des Pays de La Loire.

Jacques Offenbach (1819-1880): La Périchole, Théâtre des Variétés, 1868-1874. Stéphanie D’Oustrac (la Périchole), Martial Defontaine (Piquillo), Don Andres de Ribeira (Franck Leguerinel), Don Pedro de Hinoyosa (Mathias Vidal),… Musiciens de l’Orchestre national des Pays de La Loire. Stéphane Petitjean, direction. Bérangère Jannelle, mise en scène.

Production à l’affiche à Nantes, Angers, Rennes, jusqu’au 17 janvier 2010. Production créée à Lille en janvier 2009. A Nantes, Théâtre Graslin, le 19 décembre 2009. A Angers, Grand Théâtre, les 13, 15 puis 17 janvier 2010. A Rennes, les 29 et 31 décembre 2009. Les 1er, 3 et 5 janvier 2010.

Illustrations: Jef Rabillon © Angers Nantes Opéra 2009/ Piquillo et La Périchole; Piquillo en mari récalcitrant, le choeur de la production

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