mardi 29 avril 2025

Musicien de la pietà

A lire aussi

Au commencement, Vivaldi est un « prètre-musicien », violoniste virtuose et maître de concerts à l’Ospedale della Piètà, l’une des institutions charitables de Venise qui a pour principale mission, le soin apporté aux enfants perdus, des orphelins et surtout des jeunes filles.
L’institution assure leur éducation dont un très solide apprentissage musical. Les plus douées, constituent le « coro », effectif prompt à réaliser les exigences d’un « maestro di coro », en particulier de la trempe de Vivaldi. Dans les faits, né dans la paroisse voisine de San Giovanni in Bragora, Vivaldi s’impose à la Pietà dont il devient la figure dominante. Il y succède à Gasparini excusé pour maladie et qui ne reviendra d’ailleurs jamais à la Piétà.

Bientôt, ce sont tous les mélomanes, locaux ou visiteurs, et non des moindres tel le Roi du Danemark en 1708, qui se pressent pour y entendre le prodige et ses musiciennes. Si le lieu devait susciter la prière et la méditation, Vivaldi en fait un haut lieu musical : tout un chacun s’y presse, pour cet archer supérieur, ces voix angéliques et démoniaques. Le témoignage d’un visiteur mélomane fameux, Charles Burney, a laissé une idée juste de l’impression suscitée par ses messes-concerts où la dévotion fervente se mêle à la séduction sensuelle de ses interprètes.
La fonction qu’il assure au sein de la Piètà, depuis 1703, soit à l’âge de vingt cinq ans, lui laisse assez de temps pour jouer et surtout composer. Chacun veut écouter celui qui incarne partout en Europe, le style vénitien. Comme violoniste, il a montré l’étendue de ses capacités imaginatives dans ses propres opus : « L’Estro Armonico » de 1711 où le violon chante comme la voix. Cette écriture pulsionnelle, syncopée, d’une liberté exceptionnelle se poursuivra en 1724 avec le recueil « Il Cimento dell’Armonia e dell’ invenzione » qui contiennent la pièce maîtresse des « Quatre Saisons ».

La Pietà est un laboratoire qui prépare Vivaldi à l’Opéra : les pensionnaires musiciennes parmi les plus douées de la Cità lui offrent l’occasion de tester des combinaisons nouvelles, d’élargir ses champs de découvertes. Ses concertos affirment peu à peu une sensibilité inédite, d’une fulgurance plastique déjà préromantique. Ses cantates et motets et jusqu’aux messes dont il reste à redécouvrir les partitions presque quotidiennes cisèlent une écriture vocale, foisonnante et expressionniste, dont l’exacerbation des figures et des intentions rythmiques marquent la maturité d’un génie polymorphe du baroque vénitien. Vivaldi recueille la tradition semée au cours du siècle précédent. Au milieu du XVII ème siècle en effet le Monteverdi de la fin, élabore avec « Poppée » et « Ulysse », deux chefs-d’œuvre absolus qui seront des modèles de l’opéra vénitiens repris par ses disciples Cavalli et Cesti puis Legrenzi et Caldara lesquels font de Venise au XVII ème siècle, la première scène lyrique d’Europe. D’autant que dès 1637, l’Opéra est une affaire publique où tout un chacun, aux côtés des familles patriciennes, peut payer sa place. Le livret explique l’action, aiguise l’attente du public sur la vraisemblance dramatique et la cohérence de l’action. Ainsi le genre en Italie s’intitule non opera mais bien « dramma per musica » : il s’agit bien d’articuler un texte en musique, d’expliciter par le chant des voix et de l’orchestre – jamais en reste chez Vivaldi-, le fil et les rebonds d’une action.

Derniers articles

ORCHESTRE COLONNE. PARIS, Salle Gaveau, Dim 11 mai 2025. La force de l’amour : Wagner, Saint-Saëns, Manoukian… Camille Schnoor, Marc Korovitch (direction)

Toutes les nuances du sentiment sont ici exprimées grâce au chant puissant, évocateur des instruments de l’orchestre, auquel se...

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img