Titus, un seria résolument moderne
Ajouter à sa carrière la mention « compositeur d’opera seria », accrédite le prestige de ceux qui n’ont traité que le genre buffa. Or rien ne comptait plus à Mozart que la défense de son statut de compositeur.
Avec l’essor des Napolitains, le seria est devenu un tunnel d’airs de solistes où la performance vocalistique des chanteurs, castrats et sopranos adulés, comptent davantage que l’unité et la vraisemblance poétique du livret. Zeno puis Métastase ont bien souhaité réformer le genre en accentuant la dignité morale de la trame, en organisant et hiérarchisant les rôles ainsi que la structure et la répartition des airs. Tout cela n’aura fait qu’accentuer la rigidité d’une forme contrainte.
Et le chevalier Gluck impose de même grâce au soutien de Marie-Antoinette, sur les planches parisiennes, plusieurs chefs d’œuvre lyriques qui, de 1774 à 1779, ont savamment dépoussiéré le genre, en abolissant surtout pour reprendre les mots de Wagner, « la fantaisie du chanteur ». Pourtant le cadre dramatique que le compositeur Gluck élabore tient davantage de la fresque que de la suave esquisse peinte : ses personnages sont bien raides et il semble que seul lui importe la dignité morale des situations spectaculaires. La cohérence ou la vraisemblance psychologique des individus passe au second plan.
Pour un dramaturge aussi visionnaire et moderne que Mozart, lequel a déjà tenté une nouvelle conception du seria avec Idoménée, dix ans avant Titus (1781), la forme n’a rien de très stimulant tant la tradition à laquelle il s’attaque n’apporte que contraintes et conventions à sa liberté créatrice. Inclassable, Titus l’est assurément au sein d’un corpus apparemment plus cohérent et que forment les œuvres auxquelles il travaille en cette année 1791, la dernière de sa vie et que le hasard ou la contingence de l’histoire auront rendu des plus actives.
D’ailleurs, c’est la force réformatrice du compositeur, explicite en maints endroits de ses œuvres, où il collabore étroitement à l’élaboration des livrets, de façon croissante, qui atteste de son apport majeur dans l’histoire stricto sensu de l’opera seria. Le travail pour Idoménée est idéalement renseigné, grâce aux lettres que Mozart échange avec son père. Continuité de la tension dramatique, invention de nouveaux personnages, intégration d’un chœur omniprésent, tableaux orchestraux qui tirent bénéfice de son expérience précoce de symphoniste… tout cela a été longuement analysé.