Lucio Silla, 1772
Nouvelle production
Angers Nantes Opéra
Du 7 au 28 mars 2010
Lucio Silla créé au Teatro Ducale de Milan le 26 décembre 1772, dévoile la maturité grave voire tragique d’un compositeur adolescent seulement âgé de… 16 ans. Mozart, déjà, comme une amorce de Titus, – La Clémence de Titus, opéra de la fin (1791)-, se passionne pour la figure morale et exemplaire de Silla (en réalité Lucius Cornelius Sulla) qui dans le sillon de la tradition seria des Lumières, incarne un modèle de vertus. Pourtant, le compositeur portraiture tout d’abord un Silla possédé par la folie barbare, la violence sanguine pour lequel, sous l’emprise de son conseiller fourbe et haineux, Aufidio, épouser la jeune et belle Giunia (l’un des rôles les plus difficiles pour soprano), signifie la prendre par la force… Heureusement en un renversement inespéré, le prince tyrannique se métamorphose et passe de l’inhumanité à la … clémence et au pardon.
Silla sait aimer celle qui lui est fidèle (Celia), renonce à cette autre (Giunia) qui lui préfère son rival (Cecilio). Le cœur sait pardonner : alliance inimaginable ailleurs. Le jeune compositeur n’en est pas à son premier opéra, lui qui a déjà écrit dès 11 ans, son premier opus, Apollon et Hyacinthe, mais aussi, dans le genre seria ambitieux, Mitridate et Ascanio…
Quel plus grand mérite que de savoir maîtriser ses passions ? La tendresse de Mozart pour chacun des personnages révèle un génie des cœurs, connaisseur inégalé du théâtre humain. Entre lugubre voire funèbre, et grâce extatique, la musique de Lucio Silla semble accorder, équilibre visionnaire, la pureté et l’élégance de la forme avec les couleurs plus inquiétantes d’un romantisme naissant (voir et écouter à ce propos l’air de Giunia emprisonnée à l’acte II).
Lucio Silla n’est-il pas créé la même année que Werther de Goethe ? Parallèle éloquent sur la profondeur et l’intelligence mozartienne.
Adolescence mâture
Trop moderne et même déconcertant de la part d’un adolescent si libre et maître de sa langue, l’opéra Lucio Silla n’emporte qu’un accueil tiède à sa création. Déséquilibré, bancal, mal ficelé… que n’a-t-on dit comme mensonges pour mieux expédier un ouvrage mordant et âpre, profond et tendre, dont l’austérité et la franchise qui annonce comme on l’a dit Titus, captive immédiatement celui qui sait y être réceptif… Sur les traces de Patrice Chéreau qui prit sa défense en 1984, Angers Nantes Opéra milite pour la réhabilitation du Lucio de Mozart : c’est un opéra qui porte les aspirations et les revers adolescents de leur auteur. Un miroir en quelque sorte de sa sublime et précoce sensibilité qui sait palpiter au diapason de jeunes cœurs déjà abîmés dans d’amers tourments.
Pourquoi ne pas manquer cette production? La mise en scène toute en clairs-obscurs d’Emmanuelle Bastet qui choisit non sans pertinence un jeune ténor pour Silla (habituellement incarné par un homme mûr), la distribution composée de jeunes chanteurs dont le tempérament fougueux évoque l’âge de Mozart quand il compose son opéra, la direction d’un mozartien de grande classe – l’Autrichien Thomas Rösner (à qui l’on doit la création à Bordeaux des Rois de Philippe Fénelon)… sont quelques uns des arguments accréditant ce spectacle plus que recommandable. Soulignons enfin la prise de rôle de la soprano québécoise irrésistible Jane Archibald dans le rôle central de Giuna dont le caractère illumine la scène par ses vertiges et sa loyauté amoureuse…
Nouvelle production incontournable, et pour nous événement lyrique de mars 2010, à Nantes puis à Angers.
Thomas Rösner, direction Angers, Grand Théâtre
Emmanuelle Bastet, mise en scène
Nantes, Théâtre Graslin
Les 7, 9, 11, 14 et 16 mars 2010
Les 24, 26 et 28 mars 2010