Petit bémol: la prise de son met très (trop) en avant le clavier de la soliste au risque souvent de faire entendre les bruits de mécanique. L’intégration et l’union des deux, soliste et orchestre en pâtissent: le collage est visible. Dommage.
Au centre du programme, le volet voix / piano qui hélas n’atteint pas les sommets que nous attendions… D’autant que son premier disque (Mostly Mozart avait en 2010 dévoilé la Mozartienne accomplie!) Voix petite, serrée, avec des nasalisations contournées dans un récitatif à la peine, Mojca Erdmann a été plus à son aise, en particulier dans son précédent disque pour Deutsche Grammophon. Si le récitatif est laborieux, le rondo (Non temer, amato bene) donne une importance égale au piano complice et d’un très beau chant, il pourrait insuffler un surcroît d’expression à la soprano qui semble… pourtant bien peu engagée. L’Allegretto au clavier si caressant, semble n’avoir aucune action sur la chanteuse qui file son air dans le joli décoratif, versant dans la mignardise et l’affectation. Et les trilles de fin sont loin d’être précises et justes. Dommage là encore.
Superbe K 488
Le K488, superbe la majeur, que la pianiste n’avait pas joué depuis… 14 ans, est heureusement d’une cohérence artistique autrement plus évidente, flexible et même naturelle. Ce dernier volet « sauve » le programme: voici une élocution nuancée, proche du Mozart, inondé de grâce, et pourtant très allant, sans suspension excessive. Le nerf tout en douceur que la pianiste sait distiller produit enfin cette entente orchestre et clavier, qu’on attendait plus. La dernière section du premier mouvement (Allegro) exprime même cette versatilité et cette hypersensibilité proche du coeur et du sentiment qui rendent la partition si sincère voir trouble (cadence de Ferrucio Busoni: même feu ambivalent entre brio, pétulance, sincère et toujours d’une imagination originale). Nous passons dans un autre monde avec l’extraordinaire adagio (et sa tonalité si unique dans l’histoire de la musique de fa dièse mineure): adieu et renoncement, acte de foi d’une gravité jamais théâtrale. Respiration, compréhension naturelle, dynamiques diversifiées, et même cohésion et richesse hagogique… la pianiste se distingue nettement, enfin en parfait dialogue avec les instrumentistes de l’Orchestre de chambre du Bayerischen Rundfunks: contenant une indicible douleur, l’énonciation se fait emperlée, suggestive, d’une pudeur secrète mais éloquente (et quelle tenue de la pulsion, ce malgré un tempo passablement étiré). La vision ténébriste et intime n’en a que plus de force et de puissance. Le style est irréprochable et l’intelligence du jeu, évidente. Simplicité et sentiment… nous sommes donc exaucés (avec les teintes crépusculaires de la clarinette, basson et cordes en conclusion). Pour ce passage, véritable accomplissement d’une mozartienne sincère (7mn40), au milieu d’une assemblée d’instrumentistes au diapason, le présent album vaut absolument d’être écouté! D’autant que pour l’Allegro assai final, les instrumentistes partagent tous la même liberté du geste, une impression d’entente et de vivacité première, rehaussée par la prise live.
Mozart: Concertos pour piano K 459 et 488. Air de concert Ch’io mi scordi di te? K 505 (révision d’un air d’Idamante d’Idomeneo). Hélène Grimaud, piano. Mojca Erdmann, soprano. Kammerorchester des Bayerischen Rundfunks. 1 cd Deutsche Grammophon.