jeudi 18 avril 2024

Mimi et Rodolfo perdus dans l’espace

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top-leftCompte rendu, opéra. PUCCINI : La Bohème. Claus Guth. Le 1er décembre 2017. Afficher Gustavo Dudamel, l’enfant prodige du Sistema vénézuelien (sinistré depuis la crise politique actuelle), était une promesse dévoreuse d’appétit médiatique. D’autant que la dernière prestation du sémillant maestro latino, – pour le Concert du Nouvel an à Vienne le 1er janvier 2017, était restée… très convaincante. Après l’avoir dirigé à la Scala, Dudamel offre une réelle puissance expressive dans La Bohème de Puccini. Sûreté du geste, ampleur et précision de la direction, détails et nuances aussi dans la restitution orchestrale… tout indique un chef d’une carrure mûre et au métier solide. Pourtant les incursions lyriques du chef du Los Angeles Philharmonic ne sont pas si nombreuses.

La fièvre expressive y côtoie les épanchements lyriques, la suavité avec une certaine langueur. La palette des sentiments et la belle caractérisation des épisodes affirment de facto l’affinité du chef avec le théâtre puccinien. Visuellement, l’enthousiasme retombe gravement. Car Claus Guth imagine les bohémiens à Paris, perdus dans l’espace. Leur errance sidérale prenant des allures d’incongruité nostalgique.

Mimi, Rodolfo… perdus dans le vide sidéral

Instable mais toujours aussi onctueuse et suave, Sonya Yoncheva fait une Mimi qui manque de sûreté dans les aigus ; le Rodolfo du brésilien Atalla Ayan, bien que nuancé et élégant, manque lui de volume. Le Marcello de Artur Rucinski déploie une puissance bienvenue, affirmant la virilité généreuse du personnage. Pétillante sans être vraiment stylée, la Musette d’Aida Garifullina vole la vedette de l’acte parisien collectif celui du café Momus. Etrange, voire maladroite – il faut le faire pour un opéra « facile » à mettre en scène, la direction d’acteurs manque singulièrement de constance comme de cohérence; les choeurs sont excellents : vifs, mordants… et pourtant écartés de la scène. Comme mis au placard.
machine et vaisseau spatial critique la bohème claus guth par classiquenewsL’espace et la machine à remonter le temps volent au secours d’une relecture particulièrement compliquée : Mimi, Rodolfo, et leurs comparses, complices des années de Bohème à Paris, se souviennent non sans nostalgie de leurs jeunesse sous la mansarde : d’où le vaisseau spatial qui les transporte sur les lieux de leurs années d’insouciance… La production impose comme souvent à présent à Bastille, des interludes avec force projection vidéo – vrai délire des metteurs en scène tout excités par le potentiel de l’image et de la vidéo. Tout cela sonne faux, hors sujet ; soulignant désormais le fossé entre une lecture respectueuse de la partition et la prise du pouvoir par le metteur en scène, à présent arbitre du temps musical. Piégé le spectateur crie à plusieurs reprises à la trahison. On ne lui en tiendra pas rigueur. Loin s’en faut.
Déjà, Warlikowski dans Don Carlos avait insisté à force de projos du même accabit, sur la solitude suicidaire de Carlos / Kaufmann. Ici même régime. Vidéo plutôt que musique. Hyperréalisme sordide contre aspiration à tout onirisme lyrique. Dans cette Bohème au régime, … c’est Puccini qui est régénéré. Plutôt dénaturé. Avant cette affligeante production signé Claus Guth – totalement dépoétisée, La Bohème faisait salle comble par l’enchantement de ses tableaux d’une beauté visuelle certes consensuelle mais efficace, servante de la musique (si sublime). A force de nous infliger des mises en scènes laides et décallées, l’Opéra de Paris nous impose un régime agaçant, plus confortable à suivre à la radio, pour nous épargner la laideur répétitive des spectacles. Un comble pour la grande boutique qui doit veiller à maintenir l’économie de sa gestion. Pas sûr que cette production visuellement déconcertante et trop décalée compose le meilleur spectacle désigné pour la Fête : la féerie de Noël en prend un sérieux coup…

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Compte rendu, opéra. PUCCINI : La Bohème. Claus Guth. Le 1er décembre 2017. Jusqu’au 31 décembre 2017. Attention, distribution et direction, changeantes. Réservations, informations

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