jeudi 28 mars 2024

Michel Plasson et l’opéra français. Orch. nat. du Capitole de Toulouse38 cd Emi classics

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C’est un coffret événement par son contenu audacieux, regroupant quelques unes des grandes voix lyriques des années 1970, 1980, 1990 et qui souligne l’engagement artistique au service des opéras français que Michel Plasson a indéfectiblement défendu il y a quarante ans, contre vents et marées, contre la standardisation déjà opérante de la mondialisation culturelle.
Au regard des distributions, les stars internationales du système ici réunies, pas encore totalement vaincues par la tyrannie de l’image et du glamour, savent sous bonne baguette, s’investir dans des projets novateurs qui tout en relisant les piliers du répertoire lyrique français, essentiellement romantique, constituent aujourd’hui une base de références, tant par la tenue artistique et la probité réalisée que l’adéquation des tempéraments vocaux aux rôles proposés. C’est même une alternative heureuse dans le cas de Roméo et Juliette de Gounod, enregistré deux fois (symbole fort pour un pilier majeur de l’opéra romantique français?): avec tout d’abord, Alfredo Kraus/Catherine Malfitano (1983) puis le couple à la ville à la scène, des jeunes conquérants Alagna/Gheorghiu (1995)… retrouvés récemment en 2002 pour Carmen ardente, entière, passionnée. Dans les deux productions de Roméo, même esthétique même qualités d’un chef élégant et sobre, avant tout respectueux de l’oeuvre, donc sans effet de manche, sans affèterie de baguette: tout pour la clarté de la musique et le sens du drame.

Michel Plasson: la passion de l’opéra français

Evidemment, pas d’orchestre sur instruments anciens: c’est bien le seul écueil de la totalité. Et pourtant qu’aurait-il autrement réussi avec le même engagement, le même souci de la sonorité, des équilibres voix/orchestre, le même scrupule dramatique pour la vérité et la justesse de style ? Mais il y a les voix, et quelles voix: Teresa Berganza en Dulcinée (aux côtés du Don Quichotte légendaire et emblématique de José van Dam (1992); la Leïla de Barbara Hendricks dans Les pêcheurs de perles de Bizet, version 1863 (1989); La Dessay éclatante resplendissante (au sommet de sa juvénile intensité) pour Lakmé de Delibes (1997); Mirella Freni en Mireille de Gounod (un opéra qui n’intéressait personne en 1979); et l’impétueuse Cheryl Studer avant sa chute pour usure vocale: Marguerite dans Faust (1991) et Salomé dans Hérodiade de Massenet (1994); le pari fut démentiel même quand Michel Plasson proposait à Hildegard Behrens de chanter la Vérité dans Guercoeur de Magard à l’été 1986. Il faut un flair insolent et magnifique pour oser de telles distributions au service de telles œuvres.

Autres accomplissements. Propres aux années 80, celles des indiscutables réussites artistiques, orchestrales et vocales, voici Manon avec Ileana Cotrubas et Alfredo Kraus (1982) et surtout Padmâvatî de Roussel de 1982-1983 avec Maryline Horne et Nicolai Gedda ! Et que dire encore du corpus désormais légendaire des Offenbach (rien au juste sinon les écouter encore et encore tant la personnalité féminine requise saisit par son évidence dans le caractère lyrique en question: La vie parisienne avec la Métella de Régine Crespin (1976) ; Orphée aux enfers avec Mady Mesplé (1978), La Périchole avec Teresa Berganza (1981), La Belle Hélène (Jessye Norman, 1984); pour chaque production, un personnage, une cantatrice !
Aucun doute, Michel Plasson outre son éloquence orchestrale a aussi la passion du chant féminin. Ce n’est pas son récent album dédié à Massenent avec Nathalie Manfrino qui désavoue cet intérêt particulier.

A travers les 15 opéras ici réunis, c’est une complicité magistrale qui a fait désormais la légende orchestrale de Toulouse, cette relation unique et singulière entre le chef français et l’Orchestre national du Capitole. Une collaboration dont le travail de longue haleine explique aujourd’hui l’excellence de l’orchestre avec le jeune Tugan Sokhiev: apprentissage d’un répertoire, approfondissement des œuvres, … Plasson, orfèvre et défricheur a su conduire et électriser ses troupes … dans des productions qui dépassent l’imagination: le corpus aujourd’hui constitué suscite l’admiration. Et par la cohérence du style, l’originalité de la curiosité (Roussel, Magnard, Delibes, …. quel théâtre a le courage et l’intelligence d’une telle sélection?), la réalisation restera telle une œuvre autant exemplaire que pionnière et référentielle.

Michel Plasson et l’opéra français, coffret de 38 cd EMI classics:

Bizet : Carmen
Angela Gheorghiu • Roberto Alagna • Inva Mula • Thomas Hampson

Bizet : Les Pêcheurs de perles
Barbara Hendricks • John Aler • Gino Quilico

Delibes : Lakmé
Natalie Dessay • Gregory Kunde • José Van Dam

Gounod : Faust
Cheryl Studer • Richard Leech • José Van Dam • Thomas Hampson

Gounod : Mireille
Mirella Freni • Alain Vanzo • José Van Dam

Gounod : Roméo & Juliette
Alfredo Kraus • Catherine Malfitano • José Van Dam

Gounod : Roméo & Juliette
Roberto Alagna • Angela Gheorghiu • José Van Dam • Simon Keenlyside

Magnard : Guercœur
Hildegard Behrens • José Van Dam

Massenet : Don Quichotte
Teresa Berganza • José Van Dam • Alain Fondary

Massenet : Hérodiade
Cheryl Studer • Nadine Denize • Ben Heppner • Thomas Hampson • José Van Dam

Massenet : Manon
Ileana Cotrubas • Alfredo Kraus • Gino Quilico • José Van Dam

Offenbach : La Belle Hélène
Jessye Norman • John Aler • Charles Burles • Gabriel Bacquier

Offenbach : Orphée aux enfers
Mady Mesplé • Michel Trempont • Charles Burles • Michel Sénéchal

Offenbach : La Périchole
Teresa Berganza • José Carreras • Gabriel Bacquier

Offenbach : La Vie parisienne
Régine Crespin • Mady Mesplé

Roussel : Padmâvatî
Marilyn Horne • Nicolai Gedda • José Van Dam

Orchestre nationale du Capitole de Toulouse. Michel Plasson, direction.

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