vendredi 29 mars 2024

Mathieu Dupouy, clavecinisteEntretien à propos de Domenico Scarlatti

A lire aussi

Entretien avec
Mathieu Dupouy,
claveciniste

Mathieu
Dupouy publie en septembre 2010, un album dédié aux Sonates de Domenico
Scarlatti… Entretien à propos de l’instrument requis pour
l’enregistrement (clavecin napolitain unique au monde possédant son « tiorbino » d’origine), sur le programme musical et l’écriture spécifique du
compositeur napolitain…

Quelles sont les caractéristiques sonores de l’instrument tiorbino de 1710?

C’est un instrument vraiment unique au monde : il est le seul clavecin ancien connu qui contienne un registre de cordes de boyau, le « tiorbino ». Mais c’est aussi un des très rares instruments italiens à deux claviers, indépendants l’un de l’autre, le clavier supérieur commandant le tiorbino, et le clavier inférieur correspondant à un instruments italien « normal », à deux registres de laiton. Et cet instrument unique est enregistré ici pour la première fois.

En quoi ses qualités techniques et sonores apportent-elles quelque chose de nouveau et de pertinent aux Sonates de Scarlatti?

Ce clavecin n’aurait-il que ses deux registres habituels de laiton, il serait déjà exceptionnel par la richesse, l’énergie, la puissance de sa sonorité, ses basses explosives, qui m’ont tout de suite donné envie d’y jouer du Scarlatti. Mais les recherches les plus récentes ont montré que Naples (ville natale de Scarlatti) était particulièrement friande de la sonorité des clavecins en boyau, qui étaient très nombreux à l’époque de Scarlatti. De plus, on sait que Diego Fernandes (dont aucun clavecin n’a malheureusement été conservé), facteur officiel de la Reine Maria Barbara lorsque Scarlatti était son professeur, a lui aussi construit des instruments avec des registres de boyau. On peut donc vraiment dire que c’est une couleur instrumentale qui a accompagné Scarlatti pendant toute sa vie.

Sur le plan de la mécanique, quels ont été les défis de l’instrument?

C’est un vieux monsieur qui ne cache pas son âge! Si la sonorité a gardé toute sa fraicheur, la mécanique est parfois capricieuse. Mais c’est tout l’intérêt de l’enregistrement de pouvoir faire entendre des instruments historiques dans des conditions idéales, plus idéales qu’un concert pour lequel il serait difficile de déplacer un instrument aussi précieux et fragile, grâce aussi à l’ingénieur du son, Denis Vautrin, qui a su en capter toute la splendeur.
De votre point de vue, quel est l’intérêt du registre de boyau? Comment est-il utilisé dans les ouvres de Scarlatti?

Scarlatti n’indique jamais aucune registration. Je ne prétend bien entendu pas que cet instrument soit l’unique instrument scarlattien : Scarlatti semble avoir touché des instruments très divers en Espagne. Mais la couleur du boyau avait jusqu’ici été négligée. Je trouve qu’elle permet d’apporter un aspect d’« orchestration » à l’interprétation, de rendre audible des parentés : le son du théorbe, celui de la guitare espagnole, de la chitarra battente, de la mandoline napolitaine aussi… Évoquer toutes ces sonorités qui font partie intégrante de l’univers scarlattien.

Dans ce nouvel album quel aspect de l’écriture de Scarlatti avez vous souhaité mettre en avant?

Les emprunts de Scarlatti à la musique populaire sont bien connus : les pastorales de noël ou les danses de sa Naples natale, le choc qu’il semble avoir éprouvé en découvrant la musique espagnole (ce qui deviendra le flamenco), et qui a modifié à jamais son écriture. Il n’est pas toujours facile au clavecin de faire passer à l’auditeur ce qu’on a dans l’oreille en termes de couleurs : je me suis servi des formidables ressources coloristiques de cet instrument pour, par petites touches, donner vie à quelques unes de ces origines populaires, comme en un bal imaginaire.

Propos recueillis par Alexandre Pham en septembre 2010
cd

Domenico Scarlatti: Sonates. Mathieu Dupouy, clavecin « tiorbino » anonyme Naples vers 1710.
De
toute évidence, Mathieu Dupouy ne cesse de nous convaincre dans ce
second album car il a des choses personnelles à nous dire. Difficile de
croire que Scarlatti, homme réservé et discret par ailleurs, soit si
profus, fécond, surprenant… génial. Maniant la ligne avec un art
unique des renversements et de la syncope. L’art de l’interprète
s’attache à souligner toute l’actualité d’une écriture qui se dérobe et
qui ne semble jamais tarir sa source originelle, jaillissante. En lire +
- Sponsorisé -
- Sponsorisé -
Derniers articles

CRITIQUE, opéra. PARIS, Théâtre des Champs-Elysées, le 26 mars 2024. LULLY : Atys (version de concert). Les Ambassadeurs-La Grande Ecurie / Alexis Kossenko (direction).

Fruit de nombreuses années de recherches musicologiques, la nouvelle version d’Atys (1676) de Jean-Baptiste Lully proposée par le Centre...
- Espace publicitaire -spot_img

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img