vendredi 29 mars 2024

Lyon, Journées Grame, 5ème édition Concerts, installations… Du 24 février au 28 mars 2009

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Journées Grame

Concerts et installations

5e édition Grame
Lyon, divers lieux
Du 24 février au 28 mars 2009

A Lyon, il y a les années Grame avec biennale, et les sans « Musiques en Scène »… 2009, année-sans, n’est cependant pas laissé dans le vide par le Studio- Centre National de Création Musicale. En prélude sur deux semaines, des installations, puis entre 4 et 28 mars – entre autres au Musée des Moulages, lieu original à Lyon – 9 concerts convoquant Ligeti, Scelsi, Saariaho et surtout de nombreux compositeurs de la maison GRAME ou venus d’autres horizons européens, américains ou extrême-orientaux.


Plâtres et champ de l’imaginaire

Pour sa 5e session d’entre biennales, le GRAME (ne cherchez donc pas à développer les initiales, plus personne pour les expliquer, mais ne mettez qu’un m sans penser que ça ne pèse pas assez lourd : il s’agit du Studio lyonnais, « centre national de création musicale », e basta !), le GRAME, donc, semble jouer à plein la patrimoine-party dans un lieu qu’à Lyon investit la musique d’aujourd’hui. Et cela prête à rêver, cette vaste salle en zone d’îlots modernes, au fond d’une cour banale, peuplée de statues antiques ou plus tardives, au demeurant copies-moulages des authentiques bronzes ou marbres. Déménagé des hauteurs de la Faculté de Droit sur les quais du Rhône, ce « Musée des Moulages », l’Université Lyon 2 en a fait un espace « de valorisation pour la recherche, la pédagogie et la culture » – : drôle d’endroit pour rencontres amoureuses ( et ne manquez pas de revoir l’indispensable Jetée de Chris Marker, où justement la rencontre poétique des héros s’accomplit, en chassé-croisé mémoriel, dans un « musée plein de fantastique » ), qui par ses « plâtres » (moulages) répartis dans l’espace peuple d’imaginaire le champ visuel et sonore des habituelles salles de concerts. Autrement dit, on humanise et onirise, faisant « contre mauvaise fortune bon cœur », puisque GRAME se déclare depuis longtemps « en quête obstinée mais non désespérée d’espaces fonctionnels et publics », et – tout particulièrement en cette époque de crise, donc de réduction sarkodraconienne de subventions ( sans oublier le respect dû à la recherche, mais ne polémiquons pas) – , sublime « le nomadisme en processus de synergies, de partenariats et de co-réalisations, tout en prenant appui sur les résidences de compositeurs et d’équipes artistiques invités tout au long de l’année ».


Déblayer l’Opéra et partir vers la Grande Muraille

Puisque d’ailleurs il est ici question de nomadisme en endroits inattendus, indiquons d’abord qu’à Sainr-Priest (est de l’agglomération, Centre Culturel Théo Argence) et en ouverture prolongée de rideau (13 jours à la douzaine) siègeront deux installations. « From Inside » est « boîte noire où sont projetées des images sur 3 écrans associés à 3 fenêtres de lumière, et le visiteur y fera le choix du labyrinthe de la ville sicilienne de Gibellina, de l’errance dans Frankfurt ou de la mégapole africaine de Kinshasa : chorégraphies de Forsythe et de Rastaldi », conception et réalisation signées de Thierry de Mey (un invité permanent du Studio) et de « l’ingénieur GRAME Christophe Lebreton ». « Sonik Cube » est « membrane cubique de lumière sensible au son avec laquelle le public peut interagir par le biais de capteurs », conçue par le groupe Trafik et le GRAMIEN Yann Orlarey. C’est pour une seule représentation (10 mars) qu’on pourra embarquer sur le Nan-shan, le navire shakerisé par Joseph Conrad et son mythique roman Typhon : le compositeur Vincent Carinola et le Trio de Bubar (des percussionnistes basés à Lyon) « manipulent images visuelles et sonores » de cette orgie-catastrophe.
Si vous avez rêvé de déblayer la scène de l’Opéra de tout ce qui l’encombre (décors, chanteurs, choristes, instrumentistes en contrebas, histoires souvent off limits du bon goût et suant la sentimentalité petite-bourgeoise…), rendez vous au Temple Lyrique le 4 mars pour une soirée commémorative du GRM (Groupe de Recherches Musicales, l’institution continuatrice des intuitions de Pierre Schaeffer : un adulte de 51 ans en route vers un dynamique 3e âge). Sur scène donc, du haut-parleur (comme on disait du temps de l’Akousmatik Park), un orchestre stabilisssime nommé Acousmonium, et qui emplit l’univers de ses sons créateurs : en l’occurrence et bénéficiant de cette somptuosité, des partitions de Michel Redolfi, Daniel Teruggi, Philippe Mion et Vincent Carinola. Dans un non(encore fixé)-lieu de Bourgoin (38), le jeune Quatuor (lyonnais)Bela (comme Bartok ?) « propose des musiques souterraines, microscopiques, comme venant d’un monde nouvellement créé, ou aérées, célestes, quasi-mystiques » : on aura compris qu’il s’agit de Scelsi ? Ligeti, Saariaho, et du mélange quatuor et électronique inventé par le presque non moins jeune compositeur lyonnais Frédéric Kahn (ancien élève de Denis Dufour, Gilbert Amy, R.Pascal, récemment joué au Grand Palais ,s l’ombre portée de la Promenade de Richard Serra) dans « Telle une litanie », commandé par le GRAME, et « réflexion sur l’axe son-bruit, de la distorsion la plus absolue vers la clarté, un chant intime et ultime » pour quatuor à cordes et dispositif électronique. Au théâtre de Villefranche (69), le « laboratoire d’interprètes Ayin « s’interroge en compagnie du violoniste européen Jérémie Siot et du « guqin(iste), instrument chinois traditionnel) Da Xiaolin sur l’espace créatif d’Occident-Orient. Et dans l’église « neuve » (Le Corbusier) de Firminy (42), les mêmes J.Siot et Da Xiaolin avec la violoncelliste Valérie Dulac mènent aussi une recherche du côté de chez le Guo Feng, Livre Chinois (il y a deux millénaires et demi !) et poésie amoureuse ou religieuse.


Robert Pascal , haïku et aborigène



Et ici, on retrouve tout à la fois une des constantes du GRAME – un « partenariat » artistique avec la jeune composition chinoise (voyages et résidences depuis plusieurs années) et nos statues-moulages, peuple de plâtre qui tutelle et accompagne 4 des concerts de la session 2009. Le 25 mars, on écoutera une création française de ce Guo Feng par Xu Yi, compositrice chinoise travaillant entre son pays natal et la France, les instruments de la tradition, la philosophie musicale (en témoigne son « Plein du Vide », œuvre devenue « baccalauréatique » et sur cd HARMONIA…) et l’électronique. Alterneront avec ce Guo Feng des pièces en chant séfarade (Cantigas de Santa Maria), ou en musique traditionnelle chinoise, puis des partitions de Domenico Gabrieli, Pierre Jodlowski, James Giroudon et J.F.Estager. Le 21 mars sera une soirée-portrait de Robert Pascal, le compositeur provençal qui après une double formation de mathématiques et de musique ( violon, direction d’orchestre) s’est résolument tourné vers l’écriture, conseillé au CNSMD lyonnais par Raffi Ourgandjian et Yvette Grimaud. Sa « double vocation » (mathématique et musique) fait songer au parcours longtemps méditerranéen de son aîné de 15 ans, Jean-Claude Risset. C’est en un établissement « du nord » (sur la rive droite de la Saône) qu’il exerce désormais, à son tour, des fonctions pédagogiques de composition dans lesquelles il avait été introduit, ainsi que pour l’Atelier du XXe, par Gilbert Amy. Son inspiration mélange parfois, dans la « mixité » des instruments traditionnels et de l’électro-acoustique, des recherches menées au sein du GRAME, notamment sur le temps réel ; le musicien est aussi particulièrement attentif à la linguistique et à la poésie de textes choisis dans l’aire européenne médiévale, ou asiatique. Ainsi « Au front de la lune » revêt-il la forme japonaise du haïku, ultra-brève et où se mettent « en abyme » les paysages de la nature et de l’intériorité humaine ; les textes choisis le sont… en France, auprès de l’écrivaine Marie Mas qui a travaillé en écho et corrélation des modèles extrême-orientaux, du « vent sous la porte » aux « bruits du silence ». Dans « Dulwan Nimindi », où la percussion joue un rôle assez violent, le dialogue mystérieux entre la voix et les instruments repose sur la culture aborigène d’Australie, mixant la langue Ngarinyin, l’anglais et le français : il y est chanté « le chemin de la connaissance, la transmission de ce bien partagé par tous qu’est le savoir » dans les civilisations apparemment les plus éloignées (L’Ensemble Orchestral Contemporain est dirigé par Fabrice Pierre, avec les voix de Trish Hayward et Anne Périssé). « Sobre una cancion antigua » « porte » à la mémoire la voix de Montserrat Figueras dans Le Cancionero de Palacio, en traduction par le violoncelle ( Valérie Dulac) et l’accordéon (Christine Paté) : une créa tion en France comme pour des « Fragments » de la compositrice argentine Analia Lludgar, qui développe la pensée d’Antonin Artaud sur « l’homme qui se possède par éclaircies ».


Un quatuor, un duo et un travail sur le double



Les Moulages auront aussi abrité un double concert (18 mars). Carte Blanche est donnée à la Société de musique contemporaine du Québec (SMCQ), qui associe sous la direction de Walter Boudreau le Quatuor Bozzini (cordes) et l ’ensemble Sixtrum (percussions) : 2 créations françaises (la Tchèque Jana Vörösova, le Canadien Paul Frehner), des partitions de John Cage (l’emblématique Third Construction), René Koering, et W.Boudreau lui-même. Et c’est un trio féminin –le Duo Cthulhu, issu du CNSMD : la pianiste Emmanuelle Maggesi, la percussionniste Ying-hui Wang ; la compositrice Raphaèle Biston – qui se « mettra en scène et théâtre à travers diverses situations musicales ». Leur « De part et d’autre » constitue un ensemble de 8 pièces –miniatures (le piano et aussi le toy-piano-jouet, le marimba), dont les interprètes sont amenées à échanger leur rôle instrumental « dans un geste perturbateur ou complice, pour des moments de lutte ou d’entente rêveuse ; une course mécanique s’intercale deux fois et va vers un geste répétitif et inexorable porté jusqu’à son épuisement ». Pour la jeune compositrice lyonnaise, cette situation de théâtre musical – particulièrement appréciée par le Duo – cache « un travail sur le double, le miroir, l’ombre ou le souvenir, sans céder au carcan d’une narration trop déterministe ».
Cinq créations au milieu d’une trentaine d’œuvres représentées, tel est le pré-bilan provisoire de cette inter-session, dont une part à l’ombre des statues-colonnes de Chartres, du Beau Dieu d’Amiens, du Sphinx de Naxos. Et puisse le terrible sort réservé à Laocoon et à ses fils – étouffés par d’énormes serpents sortis de l’onde, venus pour les châtier de leur impiété – ne pas se faire métaphore de l’inspiration électro-acoustique en milieu d’art hellénistico-convulsionnaire !

Journées GRAME. Du 24 février au 28 mars 2009
Lyon (Opéra, Musée des Moulages), Saint-Priest, Villefranche (69), Bourgoin (38), Firminy (42).
Installations Saint-Priest, du 24 février au 5 mars ; Concert Opéra de Lyon, mercredi 4 mars (20h) ; Typhon, Saint-Priest, mardi 10 mars, 20h30 ; Musée des Moulages, mercredi 18 mars (19h et 21h : Duo Cthulhu, SMCQ) ; samedi 21 ( 21h, Ensemble Orchestral Contemporain, Robert Pascal) ; mercredi 25 (20h30 Guo Feng) ; lundi 23, Bourgoin (18h30, Quatuor Bela) ; vendredi 27, Villefranche (12h15, Concert Ayin) ; samedi 28, Firminy (20h30, Guo Feng).

Information et réservation : T. 04 72 07 37 00 ou www.grame.fr

Illustrations: Robert Pascal, Joseph Conrad (DR)



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