mardi 16 avril 2024

Lully: Atys, 1676. Hugo Reyne Festival Musiques à la Chabotterie, 11 et 12 août 2009

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Jean-Baptiste Lully
Atys
, 1676

Festival de la Chabotterie
Les 11 et 12 août 2009

Simphonie du Marais
Hugo Reyne
, direction


Atys en Vendée

La grande affaire de la Chabotterie pour l’été 2009, demeure assurément Atys de Lully, présenté en version de concert en clôture du Festival vendéen, les 11 puis 12 août 2009. Hugo Reyne, directeur artistique, a choisi de revenir sur une partition mythique qui fit les beaux jours de l’Opéra Comique (le 16 janvier 1987 pour la commémoration des 300 ans de la mort de Lully en 1687), sous la direction du chef Christie et dans la mise en scène de Jean-Marie-Villégier, à une époque où il jouait lui-même dans l’orchestre des Arts Florissants et montait même sur scène pour faire souffler son traverso dans l’air du sommeil d’Atys…
22 ans plus tard, (et après tout un cycle de réalisations discographiques dédiées à Lully), le Flûtiste, à présent chef fondateur de la Simphonie du Marais, promet une relecture qui tire profit des avancées de la connaissance du théâtre lullyste, en particulier la restitution des petits ensembles d’instruments selon les épisodes, airs ou récits. C’est surtout un nouveau rapport au texte, moins ornementé, certainement pas articulé en mode « vieux françois » tel que le défendent aujourd’hui le duo Lazar/Dumestre.

Hugo Reyne prépare une version linguistique plus proche et plus respectueuse du livret de Quinault: le beauté du texte, fruit d’une collaboration étroite entre le poète et le musicien, produit sa propre musicalité, et le chef de la Simphonie du Marais souhaite revenir à ce fondamental de l’expression baroque: l’intelligibilité simple et claire du texte. D’autant que Lully selon les témoignages n’appréciait pas les « manières », excès d’ornements côté chanteurs au risque de perdre la clarté fluide du texte déclamé… or la tendance actuelle est plutôt au maniérisme de toute sorte en la matière.
C’est à un Lully pur, dépouillé auquel Hugo Reyne souhaite se rapprocher aujourd’hui, dans une vision lumineuse et limpide, « corellienne » en quelque sorte.

Temps forts de l’ouvrage, le Prologue et le personnage du Temps, mais aussi évidemment le justement célèbre Sommeil d’Atys (dans lequel paraissant en songe, la déesse Cybèle avoue son amour pour le jeune homme…). Hugo Reyne désire par exemple souligner l’activité frappante du Prologue: Flore qui interrompt le chant du Temps entouré des heures, quand surgit une Melpomène agitée et belliqueuse (dans sa suite paraissent les héros de l’Antiquité: Hercule et Antaé, Castor et Pollux contre Lyncée et Idas, Eteocle contre Polynice…), dont l’ambition immédiate est de renouveler le souvenir de l’amour de Cybèle pour Atys: « Que l’agrément rustique de Flore et de ses jeux, cède à l’appareil magnifique de la muse tragique…« . La caractérisation des personnages et des situations, dans la déclamation, plus parlée que chantée et le respect des ruptures incessantes des rythmes, est au coeur de ce nouveau travail.

En 2009, nouvelle distribution (quoique inviter à cette nouvelle lecture, Guillemette Laurens eut été possible pour le rôle de Cybèle)… Mais il s’agit bien de marquer une nouvelle ère et changer d’esthétique: « j’ai souhaité composer un plateau de jeunes chanteurs prêts à rompre avec les tics du chant baroque ». Pas d’ornement, ni de surjeu: simplement la beauté pure et la projection naturelle du texte. Pour ciseler les récits, particulièrement importants dans l’ouvrage: Hugo Reyne édulcore, nettoie le continuo (pas de basses mais un choeur instrumental plus approprié: 2 luths, 1 théorbe, 1 clavecin). Pour les airs, des cordes certes et tout l’orchestre. A noter la présence de la flûte traversière qui adoucie la sonorité, distinction poétique et acoustique subtile. Il s’agit bien d’exprimer la caresse de l’amour, contrairement à la flûte à bec, dont le corps raide, évoque plutôt la mort…


Du simple du court du naturel…

Pour réussir Atys, il faut une unité de ton, de style, de manière. Déjà à l’époque des répétitions, Lully « pestait » contre tous: « chacun veut briller dans Atys ».
On a dit d’Atys, après le premier essai, Thésée, qu’il s’agissait d’une grande oeuvre tragique, certes un peu sèche (peu d’airs accompagnés, trop de tunnels en récits…). Mais l’Opéra du Roi, représenté à l’académie Royal de Musique en 1676, et devant le Roi et la Cour à Saint-Germain en Laye, le 10 janvier de la même année, offre un livret particulièrement cohérent, sombre, saisissant par son âpreté et sa grâce poétique. La langue que nous sert Quinault est l’une des plus abouties qui soient: aucune complaisance mais la profondeur d’un drame porté par un texte fort. Que Louis XIV se reconnaisse en Atys, cet être insensible à l’amour; que Cybèle fut la Reine et Sangaride, Madame de Maintenon… peu importe, l’ouvrage fut un grand succès.

A nous, enfants du baroque, dans la vision d’un nouveau guide, d’en reconnaître la justesse et les enchantements, la violence et la tendresse. Spectacle événement à ne pas manquer.

Jean-Baptiste Lully: Atys, 1676. Festival Musiques à la Chabotterie (Vendée). Les 11 et 12 août 2009. Simphonie du Marais. Hugo Reyne, direction. Version de concert.

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