Louise Bertin
La Esmeralda, 1836
France Musique
Samedi 26 juillet 2008 à 20h
En direct de Montpellier
L’opéra d’une femme
Fille du fameux directeur du Journal des Débats (Louis François Bertin, orléaniste déclaré, portraituré par Ingres), où écrivait Berlioz, Louise Bertin (1835-1877) met en musique, en 1836, Notre Dame de Paris d’après Victor Hugo. Compositrice assidue, Louise reçoit le livret de l’écrivain lui-même, qui ayant consenti à l’adaptation musicale de son texte, lui livre un nouveau texte dramatique, retaillé pour la scène lyrique: La Esmeralda. L’écrivain a suivi strictement les indications précises, en terme de calibrage des vers, en terme aussi de prosodie… Berlioz conseille la musicienne (en particulier pour l’air des cloches de Quasimodo), mais s’aperçoit très vite de son immense talent. C’est l’auteur de La Damnation de Faust qui dirige les répétitions, en raison du handicap de Louise.
A 30 ans, la jeune femme, élève de Reicha, incarne au féminin, fougue et passion du romantisme musical parisien. Du reste, dans la carrure singulière de ses rythmes, par son souci de la nuance du chant (en cela admiratrice de Mozart, mais aussi Gluck et Beethoven), comme dans le style requis pour les lignes vocales, Louise se singularise: elle entend produire sa révolution romantique, à la suite de la Bataille d’Ernani. Le personnage de Frollo, le prêtre qui brûle de désir pour la jeune nymphe, est scandaleux (d’autant que le livret fait de lui un être dévasté, donc émouvant, pas caricatural). Le rôle d’Esmeralda, par sa raucité expressive n’est pas sans préfigurer Carmen… Dans le livret d’Hugo, Phoébus a été approfondi, plus humain et subtil que dans le roman originel, Esmeralda quant à elle, est une nature instinctive, en rien calculatrice. Avec le recul, il s’agit d’une militante douée, consciente d’apporter à l’opéra français, une oeuvre affichant des audaces téméraires, dignes de Berlioz et de Hugo. Rien de moins.
Un chef d’oeuvre méconnu?
Liszt réduira pour piano la partition de près de 400 pages. Quand Louise propose l’opéra à l’Opéra, les directeurs opposés, plutôt Hugophobes, et choqués de voir une femme jouée à l’Opéra, organisent le retrait immédiat de l’oeuvre… Scandale… et témoignage défenseur de Berlioz, de Meyerbeer, tous deux, comme Liszt, convaincus par le génie hélas muselé de la compositrice.
L’ouvrage oublié, est redécouvert à Montpellier. Il s’agit de la première représentation intégrale de l’opéra, avec une restitution précise de la partition d’orchestre. Aux côtés de la soprano dans le rôle titre, deux ténors aux aigus retentissants (Quasimodo, Phoebus) sont nécessaires. Adolphe Nourrit créa le rôle de Phébus et Cornélie Falcon, le rôle d’Esmeralda… soit les deux plus grandes voix de l’époque. La difficulté demeure la distribution vocale de cette oeuvre importante qui témoigne derechef de la misogynie persistante du sérail officiel à l’époque romantique à Paris. Révélation ou déception ? La partition de Liszt voix/piano a peu à peu imposé l’oeuvre. Montpellier lui réserve un éclairage exhaustif, qui pourrait s’avérer salutaire. Réponse le 23 juillet 2008 à partir de 20h
Louise Bertin: La Esmeralda. Opéra en 4 actes (1836)
Livret de Victor Hugo d’après Notre-Dame de Paris. Version concert Première mondiale
Maya boog soprano, La Esmeralda
Manuel Nunez Camelino ténor, Phoebus
Francesco Ellero d’Artegna basse, Frollo
FrÉdÉric Antoun ténor, Quasimodo
Yves Saelens ténor, Clopin
EugÉnie Danglade mezzo-soprano, Fleur-de-Lys
Eric Huchet ténor, Le Vicomte de Gif
Evgeny Alexiev baryton, Monsieur de Morlaix
Marc Mazuir baryton , Monsieur de Chevreuse
Marie-France Gascard mezzo-soprano,
Madame de Gondelaurier
Sherri Sassoon-Deshler mezzo-soprano, Diane
Alexandra Dauphin-Heiser mezzo-soprano, Bérangère
Orchestre de Montpellier, Choeur de la radio Lettone. Lawrence Foster, direction
Illustrations: La Grande Odalisque par Ingres. Portrait anonyme de Louise Bertin (DR)