LIVRE événement. ENTRETIEN avec JF LATTARICO : Le chant des bêtes (Classiques Garnier). C’est l’un de nos coups de cœur littéraires de cet hiver, tant la prose de l’auteur reste accessible et remarquablement documentée ; le sens en outre focuse sur des sujets peu abordés et pourtant passionnants : le chant des bêtes nous parle de l’image et de la représentation des animaux à l’opéra. Simples prétextes à roucoulades et autres « effets » expressifs basés sur l’imitation… ou présence dramatique égale aux héros, s’intéressant déjà dans l’histoire du genre lyrique,…à la conscience animale? Jean-François Lattarico, outre qu’il fait partie du staff éditorial de classiquenews, témoigne de la vitalité de la scène lyrique, baroque en particulier, ouvre ici des vastes champs de réflexion, comme il souligne la pertinence d’une pensée qui prend en compte la valeur singulière du vivant et des espèces animales, leur signification comme la réception de leur représentation.
Pour classiquenews, l’auteur répond à 3 questions autour des questions et sujets que fait naître le texte de son nouveau livre…
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CLASSIQUENEWS / CNC : Sur la scène lyrique, que révèle la présence / le chant de l’animal, de la psychologie humaine ?
JEAN-FRANCOIS LATTARICO / JFL : Tout dépend de la période envisagée, car l’animalité n’a pas toujours eu bonne presse et son accession sur les planches lyriques s’est faite tardivement, à la faveur d’une évolution des mentalités, dans le domaine scientifique et philosophique notamment. Sa forte présence dans l’opéra contemporain révèle surtout une contestation de la parole et un retour à
une sorte de musique primitive d’avant le langage: le texte littéraire a tendance à se dissoudre dans une nouvelle dramaturgie du son qui englobe et la parole humaine, parfois réduite à des borborygmes (dans les opéras inspirés par la Métamorphose de Kafka par exemple, ou par le mythe du Minotaure) et les cris des animaux. L’animal se présente ainsi comme un miroir inversé de l’homme, non pas seulement en révélant sa part d’animalité, mais une communauté d’esprit qui souligne l’incapacité constitutive du langage à établir une solide et exacte communication.
CLASSIQUENEWS / CNC : Outre les effets expressifs liés à l’imitation des animaux, parleriez vous aussi de conscience animale abordée par les compositeurs ?
JEAN-FRANCOIS LATTARICO / JFL : La question de la conscience animale a été abordée à l’opéra en même temps que sa présence effective sur scène. Au XIXe siècle, dans les opéras bouffes d’Offenbach, cette idée novatrice est traitée de façon comique et n’en révèle pas moins une nouvelle prise de conscience qui
coïncide avec une nouvelle manière d’aborder l’animal notamment dans le domaine littéraire : on leur accorde enfin une identité propre, ils deviennent des sujets littéraires, et se retrouvent tout naturellement dans les opéras, genre qui toujours reflète la société de son temps. Le procédé de la métamorphose ou de la parodie permet d’instiller subtilement dans les consciences cette nouvelle donnée scientifique, après des siècles de scandaleux dénigrements: on en voit l’évolution positive dans l’opéra contemporain où l’animal devient le témoin
privilégié du désastre causé par l’activité humaine (le chien chanteur de Kein Licht de Manoury, qui se lamente littéralement devant une planète apocalyptique après le désastre de Fukushima).
CLASSIQUENEWS / CNC : Quels seraient les ouvrages clés qui abordent de façon la plus pertinente la question animale à l’opéra ?
JEAN-FRANCOIS LATTARICO / JFL : Il n’y en a pas! Mon livre est le premier à aborder cette question de façon globale, si l’on excepte le petit livre ludique de Donna Leon sur le bestiaire de Haendel (Calmann-Lévy, 2010), mais il ne concerne qu’un seul compositeur, et l’ouvrage (pas très réussi) de Paolo Isotta, Il
canto degli animali, Venise, Marsilio, 2017), mais qui n’aborde qu’incidemment l’animal sous l’angle de l’opéra.
Propos recueillis en décembre 2019
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LIRE aussi notre critique du livre événement : Le Chant des bêtes de Jean-François LATTARICO (Classiques GARNIER).
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LIVRE événement critique. Le Chant des bêtes de Jean-François LATTARICO (Classiques GARNIER) – Collection CONFLUENCES sous la direction de Pierre Glaudes, éditions CLASSIQUES GARNIER. N° 6, 392 pages, 15 x 22 cm – Broché, ISBN 978-2-406-08541-6, 48 € / Relié, ISBN 978-2-406-08542-3, 87 € – CLIC de CLASSIQUENEWS de décembre 2019