LIVRE, critique. JEAN-PHILIPPE THIELLAY : MEYERBEER (Actes Sud). A l’heure où sont repris à Paris ses fameux Huguenots (1836) / opéra Bastille dès le 28 sept 2018, voici une biographie de Giacomo Meyerbeer, d’autant plus bienvenue qu’elle éclaire (enfin) son apport musical et surtout lyrique, comme étranger à Paris (comme Bellini, Spontini, Rossini mais aussi au XVIIIè, les Gossec, Sacchini, Piccinni ou le Chevalier Gluck…), tous porteurs de réformes et d’avancées phénomènales sur le plan esthétique. Meyerbeer est un profil européen et germanique (Berlin) avant d’être français et parisien : son œuvre essentiel est d’avoir dans la lignée de Spontini et Rossini, fixé le modèle du « grand opéra français », spectacle et grandiose comprenant ballet, tableaux collectifs et scène d’intimisme individuel afin que se croisent et s’exaltent les destinées personnelles et le plus souvent tragiques, et le grand souffle de l’Histoire, insatiable machine à broyer les âmes…
Meyerbeer – Jakob Liebmann Meyer Beer enfant d’une riche famille berlinoise- est né en 1791 et mort en 1864 ; devenu Giacomo, il se nourrit des opéras ultramontains, auprès de Salieri ; ses premiers ouvrages seront italiens : Romilda e Constanza (1817), Emma di Resburgo(1819), Margherita d’Anjou (1820) et Il Crociato in Egitto (créé triomphalement à Venise, La Fenice, 1824 ; puis repris à Paris en 1825) ; il éclaire la scène lyrique internationale pendant plusieurs décennies ; ses oeuvres sont jouées partout ; il est l’intime des têtes couronnées (Frédéric-Guillaume IV qui le nomme directeur de la musique à Berlin dès 1842, la Reine Victoria, Napoléon III…) estimé d’eux, mais aussi des artistes, savants et intellectuels tels Sand, Hugo, Alexandre Dumas, Heinrich Heine, Franz Liszt, …. Successeur de Rossini à Paris, il comprend parfaitement les attentes de la société européenne du milieu du XIXe siècle et invente un genre d’opéra à part entière. Avec Scribe, il invente l’opéra romantique français… riche en fureur et en tendresse, synthèse heureuse et foudroyante sur le plan dramatique de la vocalità italienne, de l’élégance racée du verbe français déclamé, du symphonisme germanique…
Son éviction depuis le milieu du XXè des scènes lyriques actuelles reste incompréhensible. Il est vrai que la réalisation de ses ouvrages exige des moyens « cinématographiques », et que chanter ses personnages, ne peut être résolu qu’avec le concours des meilleurs chanteurs de son temps… Lecture nécessaire pour qui veut comprendre l’homme, l’ami, le travailleur acharné, d’une rare exigence (comme Gluck et Berlioz qui admira tant ses opéras, de Robert le Diable de 1831, opéra comique devenu grand opéra français, au Prophète de 1849 et à L’Africaine, création posthume en 1865).
Citons encore L’Étoile du Nord et Dinorah ou Le Pardon de Ploërmel parmi ses oeuvres puissantes et bouleversantes à redécouvrir d’urgence. D’autant que l’intelligence dramatique de Meyerbeer préfigure et marque les opéras de Berlioz, Gounod, de Verdi et Wagner. L’auteur de cet essai biographique n’omet aucun des aspects d’une carrière riche et passionnante qui à l’échelle européenne, croise invention et gloire.
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LIVRE, critique. JEAN-PHILIPPE THIELLAY : MEYERBEER – Actes Sud Beaux Arts – Parution : Septembre, 2018 / 10,0 x 19,0 / 192 pages – ISBN 978-2-330-10876-2 / prix indicatif : 19, 00€
https://www.actes-sud.fr/catalogue/musique/meyerbeer