New York, Metropolitan Opera. Offenabch: Les Contes d’Hoffmann. 12 janvier>21 mars 2015. Le Met propose en janvier, février et mars, une production du dernier opéra d’Offenbach, immersion finale et réussie dans le genre du grand opéra fantastique (1881), sous la conduite d’Yves Abel, la distribution première compte Grigolo et Hampson, deux tempéraments masculins particulièrement convaincants sur scène… Librettistes de Gounod pour son Faust (1859), Barbier et Carré rédigent le livret des Contes d’Hoffmann à partir de la pièce de théâtre qu’ils avaient eux-mêmes conçus à partir des textes de l’écrivain E.T.A. Hoffmann. Au travers d’épisodes distincts, est traité un même personnage, Hoffmann qui narrateur et témoin malheureux de l’intrigue, évoque trois femmes (Olympia, Antonia, Giuletta), toutes héroïnes malheureuses et tragiques, incarnations de ses échecs amoureux. Elles sont des figures évanescentes dont l’apparition est mise à mal par une force de l’ombre, machiavélique et pernicieuse, incarnée par un personnage diabolique, lequel revêt une apparence différente pour chacun des trois tableaux: Lindorf, Coppélius, Miracle, Dapertutto. 3 femmes vénéneuses ou angéliques, 3 diables obsessionnels… Offenbach mêle romantisme, onirisme, fantastique.
Frappé par la pièce de Barbier et Carré dès 1851, le compositeur décide de l’adapter en opéra, en 1876. Il meurt avant d’avoir mis au clair un ensemble disparate de partitions. L’opéra que nous connaissons est le fruit d’un montage posthume, variant pour des raisons diverses entre la version de Choudens et la version Oeser
qui en général est réputée plus “complète” et respectueuse des dernières intentions de l’auteur. L’oeuvre est créée à l’Opéra-Comique, après la mort du compositeur, le 10 février 1881. La séduction des mélodies, la force des évocations fantastiques (la poupée Olympia plus vraie que nature ; Antonia qui meurt d’avoir trop chanter face au fantôme de sa mère paraissant dans une scène sur la scène de l’opéra… tout révèle l’inspiration magique et surnaturelle d’un Offenbach qui réussit enfin dans le genre du grand opéra, lui qui fit surtout les délices du boulevard par ses parodies mythologiques enjouées, délirantes.
Offenbach, subjugué par la veine fantastique
Le compositeur est contemporain de la création à l’Odéon, de la pièce de Barbier et Carré, “Les Contes d’Hoffmann”, en mars 1851. Le fantastique et le caractère tragique le bouleversent certainement car ils correspondent à ce qui lui est cher. D’ailleurs, absorbé par la création de son propre théâtre, Les Bouffes-Parisiens, passage Choiseul, il monte en 1857, “Les Trois baisers du diable”, opérette fantastique d’après le Freischütz et Robert le Diable. En composant la musique, Offenbach se rapproche de ce qu’il réalisera pleinement dans Hoffmann: le fantastique.
Après le succès d’Orfée aux enfers (1858), son rêve est d’accéder à la scène de l’Opéra-Comique. “Barkouf”, écrit avec Eugène Scribe (librettiste adulé de La Dame Blanche et de Fra Diavolo), est emporté dans une cabale retentissante qui veut effacer le triomphe d’Orphée. Fort à propos, l’Opéra Impérial de Vienne lui commande “Die Rheinnixen”, les Filles du Rhin, qui se déroule au XVI ème siècle, et dans lequel les sombres lueurs du fantastiques ne sont pas absentes. Créé en 1864, l’ouvrage ne comporte pas, a contrario des oeuvres comiques du maître, de scènes parlées, comme Hoffmann. Mais hélas, la partition ne convainc pas mais le thème de son ouverture qui évoque le choeur des esprits du Rhin sera réutilisé pour la Barcarolle des Contes d’Hoffmann. A Paris, Offenbach semble néanmoins s’affirmer grâce à l’accueil réservé à son “Robinson Crusoé” (1867), et à Vert-Vert (1869).
Hoffmann, l’oeuvre d’un mourant
Avec la chute du Second Empire et le trouble politique qui suit, enfin l’avènement de la III ème République, Offenbach se maintient artistiquement mais le milieu parisien ne l’entend pas ainsi qui veut lui faire payer le succès du “Bouffon Impérial”. Ainsi quand il propose en 1872, “Fantasio” d’après Musset, une nouvelle cabale emporte son chef-d’oeuvre. Dégoûté, le compositeur s’éloigne de l’Opéra-Comique: il lui semble revivre l’échec et l’amertume de “Barkouf” dix années auparavant.
Pourtant les années qui suivent se montrent plus clémentes. D’après un texte de Victorien Sardou qui s’inspire d’E.T.A. Hoffmann, Le Roi Carotte triomphe à la Gaîté Lyrique dont Offenbach devient directeur en juin 1873. Il le restera deux années pendant lesquelles il fait représenter Jeanne d’Arc de Gounod sur un livret de Barbier. Ce dernier est alors sollicité par le compositeur d’Orphée aux Enfers pour reprendre l’idée d’adapter à l’opéra, Les Contes d’Hoffmann. Mais Offenbach qui a dû quitter ses fonctions à la Gaîté a convaincu Albert Vizentini, son successeur de l’intérêt de l’ouvrage. L’opéra est à l’affiche de la saison 1877-1878, et le compositeur s’engage à rendre sa copie.
Metropolitan Opera, New York : Jacques Offenbach
Les Contes d’Hoffmann, 1881
Opéra fantastique en 3 actes, un prologue et un épilogue
Livret de Jules Barbier d’après le drame de Jules Barbier et Michel Carré
Sur la scène du Metropolitan Opera de New York, Les Contes d’Hoffmann sont à l’affiche de janvier et février 2015, du 12 janvier au 5 février 2015 sous la direction d’Yves Abel, avec arguments de poids sur le plan vocal, deux tempéraments masculins légitimement applaudis : le baryton noir et raffiné, idéal manipulateur d’acte en acte, Thomas Hampson dans le rôles des « quatre vilains » comme il est annoncé sur le site américain… Le ténor Vittorio Grigolo, intensité été chant expressif à l’avenant chante le poète Hoffmann, embrasé, conteur, halluciné aussi pour les 6 représentations : les 12, 16, 22, 27, 31 janvier puis 5 février 2015.
Cast – distribution :
direction musicale: Yves Abel
Olympia: Erin Morley
Antonia/Stella: Hibla Gerzmava
Giulietta: Christine Rice
Nicklausse: Kate Lindsey
Hoffmann: Vittorio Grigolo
Four Villains: Thomas Hampson
Cast – distribution :
Direction musicale: James Levine
Olympia: Audrey Luna
Antonia/Stella: Susanna Phillips
Giulietta: Elena Maximova
Nicklausse: Karine Deshayes
Hoffmann: Matthew Polenzani
Four Villains: Laurent Naouri