Arte. Beethoven : Fidelio, en direct de la Scala de Milan, dimanche 7 dĂ©cembre 2014, 20h45. Comme chaque annĂ©e pour la Saint Ambroise, la Scala de Milan ouvre solennellement sa nouvelle saison lyrique, en dĂ©but d’hiver, cette annĂ©e point de lancement de sa programmation 2015-2016, une nouvelle production du seul opĂ©ra de Beethoven : Fidelio. Créé Ă Vienne dans sa version finale en 1814, l’ouvrage est une cĂ©lĂ©bration des plus vertus humaines, inspirĂ©es par la fidĂ©litĂ© et l’amour. Beethoven ne fait pas que livrer un hymne dĂ©chirant pour la libertĂ© et l’amour universel … Le musicien accomplit surtout un sommet lyrique qui conclut la pĂ©riode du premier romantisme viennois portĂ© par l’esprit des Lumières (depuis surtout l’oratorio de Haydn La CrĂ©ation de 1800)… Beethoven inspirĂ© par des idĂ©aux fraternels et humanistes y Ă©labore le premier opĂ©ra populaire en langue allemande accomplissant un travail amorcĂ© par Mozart avant lui dans La FlĂ»te enchantĂ©e (1791).
Beethoven : Fidelio. Daniel Barenboim, direction. Avec Klaus Florian Vogt (Fidelio), Anja Kampe (Leonore)… Deborah Warner (mise en scène). Outre la direction toujours exaltĂ©e et puissante de Daniel Barenboim chez Beethoven, La Scala offre au tĂ©nor wagnĂ©rien Klaus Florian Vogt une nouvelle prise de rĂ´le : chanter Florestan après tant de Lohengrin angĂ©liques presque dĂ©sincarnĂ©s mais d’une douceur Ă©lĂ©gante saisissante, pourrait conduire le chanteur germanique Ă une nouvelle expressivitĂ©. Plus de drame et de prĂ©sence, plus de chair moins d’air… mĂŞme si son timbre lui, restera lumineux, Ă©tincelant. De toute Ă©vidence, des qualitĂ©s Ă suivre dans un rĂ´le oĂą l’incandescence rejoint l’ardeur la plus brĂ»lante (en particulier dans la scène oĂą Florestan exprime sa solitude et sa souffrance au fond de sa cellule…)
Fidelio, femme amoureuse
Unique opĂ©ra du symphoniste Beethoven, Fidelio est composĂ© durant près de 10 ans, du premier Ă©chec de 1805, jusqu’à la version finale de 1814. Les diffĂ©rentes versions de l’ouverture en tĂ©moignent : la genèse en fut longue, difficile, le compositeur Ă©tant probablement très investi dans l’Ă©laboration d’un opĂ©ra germanique et populaire, un chantier laissĂ© vacant depuis La flĂ»te enchantĂ©e de Mozart (1791). IntitulĂ©e LĂ©onore I, II ou III, la pièce est devenue un morceau de choix pour tous les orchestres soucieux d’Ă©nergie, de drame mais aussi de finesse instrumentale. C est aussi prĂ©figuration du drame Ă venir, le miroir annonciateur des points forts de l’action qui va ĂŞtre dĂ©veloppĂ©e après le lever de rideau. Comme Wozzeck de Berg, Fidelio s’inspire d’un fait divers rĂ©el survenu pendant la RĂ©volution française : par amour, une femme, dĂ©guisĂ©e en homme (Fidelio), infiltre la prison dans laquelle son mari est incarcĂ©rĂ©. Elle rĂ©ussit Ă l’en libĂ©rer. Proche des valeurs morales des Lumières, le drame suit la lente et sublime avancĂ©e vers la lumière : des tĂ©nèbres de la geĂ´le humide et sombre oĂą est prisonnier l’aimĂ© de Fidelio, Florestan… vers l’Ă©blouissement de la libĂ©ration finale. PortĂ© par l’amour et la fidĂ©litĂ© conjugale, l’action cĂ©lèbre la loyautĂ©, une valeur d’absolu Ă mettre Ă©videmment en parallèle avec l’idĂ©al dĂ©fendu dans la dernière partie de sa 9ème Symphonie, qui incarne dans le choix du texte fraternel de Schiller, un mĂŞme sentiment universel de dĂ©passement et de rĂ©alisation humaniste. De mĂŞme, le finale de La FlĂ»te enchantĂ©e de Mozart Ă©galement inspirĂ© par l’esprit des loges maçonniques et donc proche des valeurs des Lumières, affiche aussi un mĂŞme sentiment final d’entente civilisatrice et de rĂ©conciliation collective. L’aube d’une humanitĂ© enfin rĂ©formĂ©e.
L’intelligence de l’Ă©criture en fait une partition saisissante par sa force expressive et poĂ©tique, brossant de très subtiles Ă©pisodes , tous dramatiquement très intense : l’univers carcĂ©ral que dĂ©couvre Leonore, la prison sombre, caverne inquiĂ©tante d’oĂą surgit le cri solitaire de Florestan prisonnier, enfin le salut final, la dĂ©livrance qui efface souffrance et entraves…
Résumé, synopsis
LĂ©onore dĂ©guisĂ©e en homme s’est prĂ©sentĂ©e sous le nom de Fidelio pour se faire engager comme aide-geĂ´lier dans la prison oĂą son mari Florestan est injustement incarcĂ©rĂ© sur l’ordre du cruel Don Pizzaro. Entre temps, Fidelio a suscitĂ© l’amour de Marzelline, la fille du geĂ´lier. La courageuse et persĂ©vĂ©rante Ă©pouse sauve finalement son mari de la mort que lui rĂ©serve Pizzaro, ennemi politique et infâme manipulateur dont la traĂ®trise est enfin mise Ă jour.
Acte 1. L’aristocrate espagnol Florestan (tĂ©nor), est incarcĂ©rĂ© sur ordre de Don Pizarro (baryton), le cruel gouverneur d’une prison d’État. Pour le libĂ©rer, sa femme LĂ©onore (soprano) se dĂ©guise en homme : elle devient Fidelio et y obtient un emploi : pour assoir sa position carcĂ©rale, Fidelio sĂ©duit la fille du geĂ´lier Rocco (basse), Marcelline (soprano). L’infâme Pizarro s’inquiĂ©tant de la visite imminente du ministre Don Fernando, entend supprimer tout ce qui pleut tĂ©moigner contre lui : il demande Ă Rocco de tuer Florestan dans sa cellule. Leonore/Fidelio obtient de l’accompagner dans le cachot.
Acte 2. Dans sa cellule, s’exprime le chant solitaire et libertaire de Florestan, toujours vaillant. Mais quand Pizarro s’apprête à tuer le prisonnier, Leonore s’interpose et se dresse contre le barbare. Les trompettes annoncent l’arrivée du ministre Fernando dans la prison pour son inspection. En un geste de clémence emprunté à l’opéra seria fixé par Métastase, Beethoven écrit un final choral qui chante la liberté partagée et fraternelle : Fernando libère Florestan et tous les prisonniers, punit Pizarro.