Lang Lang: le piano absolu
Une mère absente, un père autocratique qui lui imposa un régime militaire, seul cadre propice à produire un virtuose au prix d’une enfance sacrifiée… Voici le témoignage à la première personne, ce « je » si intime mais jamais larmoyant, d’un prodige en herbe, confronté à l’exigence insatiable du roi piano. Premiers pas dans la musique et adolescence de Lang Lang (ce phénomène planétaire), car tel est le sujet principal de ce livre autobiographique, dessinent une odyssée qui compte ses tours de forces, ses épreuves souvent douloureuses, ses rencontres imprévues et mémorables. Au final, Lang Lang (né en 1982) est l’aboutissement de cette société de l’enfant unique qui adule ses protégés tout en leur demandant l’impossible. De 4 ans à 26 ans, de 1986 à 2008, le bébé pianiste devenu star divinisée en Chine, se raconte avec une candeur déterminée qui force l’admiration. Concours en Chine, au Japon, et en Europe (Allemagne), audition puis apprentissage à Philadelphie (au prestigieux Curtis Institute, à partir de 1997), Lang Lang évoque dans le détail ses attentes et son désir de musique, toujours dans la perspective exclusive de son rapport au père: figure incontournable, oppressante, mais constructive et réconfortante. Une relation de passion et de haine qui se déchire quand devenu plus américain que chinois, le prodige découvre aux USA, cet esprit de contestation et d’émancipation qui lui était jusque là totalement étranger. En apprenant l’anglais, le jeune homme s’est responsabilisé et même autogéré. Certains épisodes comme les commentaires qu’ils suscitent dans l’esprit de la jeune âme musicienne, dévoilent la maturité aiguë de l’enfant apprenti: choc de cultures passant par la découverte d’un répertoire qui lui est étranger au sens premier: comment jouer Chopin, comment phraser Mozart, comment nuancer Rachmaninov… ?
Aux States, le parcours de Lang Lang ressemble très vite à une rampe de lancement au succès irrépressible: récital à Carnegie Hall, rencontre avec Christoph Eschenbach pour le festival de Ravinia 1999… une audition fleuve (Haydn, Brahms, Beethoven, Mozart, Scriabine…) qui s’avère décisive. Le texte évoque sans fadeur ni longueur, l’épopée d’un enfant musicien qui de son Shenyang natal à Philadelphie, son second foyer, a su affirmer son tempérament atypique, sa gourmandise interprétative, ses excès comme ses peines. L’amour de la musique, avec en prime une énergie passionnée qu’il produit dans le coeur du pianiste, se lisent de pages en page. Aucun doute Lang Lang est un phénomène et mérite assurément l’immense médiatisation dont il fait l’objet depuis ces deux dernières années: le jeune homme qui connaissait par coeur au moment de son premier récital avec le Symphonique de Chicago, plus de 20 concertos parmi les plus grands (Chopin, Tchaïkovsky, Brahms, Rachmaninov…), n’est aujourd’hui, qu’à l’amorce de sa carrière (26 ans en 2008). En lui se fondent de nombreux espoirs: l’alliance éloquente entre Asie et Occident: chinois fortement américanisé, Lang Lang interprète Beethoven et bientôt au disque, chez Deutsche Grammophon, sa maison discographique, (annoncé en janvier 2009), Chopin. Il incarne aussi l’essor de cette école asiatique (avec Yundi Li) qui a investi tous les concours internationaux de la planète. Mais cet enthousiasme et cette dévoration permanente qui habitent le jeune homme, nouvelle icône du piano planétaire, sont surtout habités comme Daniel Barenboim (un chapitre lui est d’ailleurs consacré) par un engagement extramusical, par un idéal citoyen: la transmission de l’amour de la musique aux plus jeunes. Quel meilleur ambassadeur auprès des jeunes mélomanes? Ardeur, combattivité, force mentale, sensibilité croissante (en fait son soit disant point faible, relevé chez la critique hexagonale qui commence à peine à reconnaître son immense talent comme sa justesse interprétative), et donc, indéfectible implication auprès des jeunes publics? Que manque-t-il à ce fougueux dragon qui incarne l’irrépressible ascension d’une nation entière? Rien… si l’artiste déjà accompli conserve toujours cette humilité devant la vie qui colore l’ensemble de ses premières années. Récit captivant. Pour mieux connaître l’idôle du piano moderne.
Lang Lang, le piano absolu. Ecrit avec David Ritz. Traduit de l’anglais par Judith Coppel et Annik Perrot-Cornu.