vendredi 19 avril 2024

Kaija Saariaho, Adriana Mater

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Initiées en février dernier, les répétitions de nouvel opéra de Kaija Saariaho ont permis à la compositrice de retrouver ses complices réunis autour d’elle pour son premier ouvrage lyrique, L’Amour de loin : l’écrivain libanais Amin Maalouf qui signe à nouveau le livret, le chef Esa-Pekka Salonen et le metteur en scène, Peter Sellars. Les premières représentations d’Adriana Mater à l’Opéra Bastille, ont démontré la distance prise avec son premier ouvrage lyrique.

Celle qui s’était détournée du théâtre, avait l’habitude des œuvres écrites dans le silence et la solitude, nous revient donc six ans plus tard avec une partition dense, écrite dans la collaboration proche de ses partenaires, en particulier Peter Sellars auquel la partition est dédiée.
Si l’Amour de loin s’inspire de la légende du troubadour Jaufré Rudel (Festival de Salzbourg, 2000) sur un registre onirique où l’action est plus suggérée que réalisée, Adriana Mater s’inscrit immédiatement par la violence du sujet et la consistance de la musique dans notre propre époque : une époque barbare. La force de l’œuvre tient à la combinaison réussie d’une intrigue tragique mais non exempte d’espoir, et de références à peine voilées à notre histoire la plus récente.

Les prénoms des protagonistes par exemple évoquent par leur consonance, le Kossovo et la Croatie.. tout au moins un pays balkanique qui était, encore, à la fin du dernier siècle, à feu et à sang. Engagé, dénonciateur : l’opéra l’a toujours été. Mais ici à la tension parfois incantatoire et même hypnotique du livret, s’associe la magie de la musique. Avec Adriana Mater, Kaija Saariaho dénonce l’horreur des violences contemporaines, la guerre animale, le viol et la barbarie.

Cependant comme L’Amour de Loin, Adriana mater met en lumière des thèmes universels qui dépassent l’anecdote historique. En cela, les personnages doivent être compris comme des archétypes porteurs de leur propre espérance. Au cœur de l’ouvrage, il y a cette apologie tendre de la maternité, qui permet au comble de l’horreur, ce basculement inespéré où l’homme reprend raison, respect, dignité. De la barbarie à l’humanité. La compositrice dont l’idée de la maternité s’est présentée aussitôt pour son nouvel ouvrage, précise aussi avoir été frappée par une image lorsqu’elle était enceinte : l’idée des deux cœurs réunis, celui de son enfant et le sien, battant chacun à leur propre rythme. Cette image s’est inscrite dans l’œuvre, à la source même de l’inspiration : le battement parallèle, décalé ou à l’unisson des deux cœurs renvoie à la pulsion et au rythme musical, à la vie elle-même avec d’autant plus de force dans un contexte de guerre et de cruauté où l’anéantissement menace.

Opéra Bastille, depuis le 30 mars et jusqu’au 18 avril. Avec Patricia Bardon, Solveig Kringelborn, Stephen Milling/Jouni Kokora, Gordon Gietz, chœur et orchestre de l’Opéra de Paris, direction : Esa-Pekka Salonen. Mise en scène : Peter Sellars.

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