Jacques Offenbach
Les Contes d’hoffmann
, 1881
Mezzo
Le 7 juin 2009 à 17h
Le 22 juin 2009 à 10h
Nouveauté dvd de mai 2009
(2 dvd Bel Air classiques)
Contes fantastiques et féeriques
En 2008, le directeur de l’Opéra de Genève fait appel à son metteur en scène fétiche et pour sa dernière saison, offre une trilogie noire (cycle final intitulé « la trilogie du diable »): soit les 3 opéras qu’Olivier Py a mis en scène sur le thème tragique et fantastique du héros romantique en procès avec le diable: cela donne La Damnation de Faust de Berlioz, Max dans Der Freischütz de Carl Maria von Weber et enfin, l’opéra qui nous occupe aujourd’hui dans une mise en scène qui sort au dvd en juin 2009, chez Bel Air classiques: Les Contes d’Hoffmann de Jacques Offenbach, partition hélas laissée incomplète par l’auteur et dans laquelle la figure démoniaque revient cycliquement dans plusieurs histoires distinctes où la possession et les tromperies illusoires se referment sur leur proie comme un piège sans issue.
Dans ses Contes machiavéliques, le démon revêt plusieurs masques fascinants: Lindorf (dans le prologue et l’épilogue), Coppélius le physicien (I), le Docteur Miracle – le faussement nommé: encore une illusion trompeuse, au II-; enfin, Dapertuto, esprit crapuleux des tripots de Venise (III). A ces 4 visages des ténèbres, répondent dans le coeur du poète maudit Hoffmann, assez amoché par l’alcool (pour mieux se consoler de ses échecs amoureux,), 4 visages de femmes « douloureuses » qui hélas ne succombent pas à ses espoirs: la cantatrice Stella, la poupée mécanique à forme humaine (androïde surnaturel), Olympia; Antonia, trop fragile chanteuse qui meurt bien vite, enfin Giuletta, courtisane sans états d’âme. Aucune réalisation tendre ici mais le constat répété d’une impuissance. Hoffmann fait l’expérience du cynisme, de l’amertume, de la frustration. Or la musique d’Offenbach ambitionne un grand et véritable opéra romantique (le pur chef-d’oeuvre français avec le Faust de Berlioz?): langueur impatiente, fusion vocale, élans lyriques d’une éclatante invention mélodique… Olivier Py voit le sombre, le profond languide, la pâleur gothique et fantastique de ce paysage sans retour. Accablant, terrifiant mais quelle poésie!
Ses Contes referment en apothéose le cycle des 3 opéras présentés à Genève en octobre et novembre 2008. Si son Freischütz assez fade mais critique, puis sa Damnation de Faust, très visuelle là encore, étaient d’un assez bon niveau, il semble que Py se soit révélé davantage inspiré par la silhouette d’Hoffmann. Le metteur en scène choisit un parfum diffus d’érotisme langoureux (Olympia dénudé coiffé à la Louise Brooks, offerte au voyeurisme des bourgeois bien pensant; corps lascifs et dansant de l’acte Vénitien, changé en vaste bordel fin de siècle…). Malgré la disparité des Contes, Py réussit à maintenir l’unité poétique du propos, en proposant par exemple que chaque héroïnes, ayant la même apparence, incarnent chacune cet idéal féminin qui porte la quête vénéneuse, frustrante du héros maladif et obsessionnel. Ce visage obsédant colore même l’apparition fantomatique de la mère d’Antonia… Comme Berlioz dans son Episode de la vie d’un artiste, la femme aimée, convoitée est d’autant plus marquante et fascinante qu’elle demeure inaccessible et mystérieuse, plus icône que soeur charnelle.
A la lisibilité mesuré de la mise en scène qui sait aussi doser seria et buffa en soulignant combien, in fine, Hoffmann est bien un opéra, moins une opérette (et l’on sait qu’Offenbach a su s’imposer dans le genre léger et bouffon), correspond l’excellence d’une distribution, véritable galerie de caractères, qui en outre, articulant de façon exemplaire, éclaire les perles du livret. De l’éloquence et de l’expression, acteurs autant que chanteurs: René Schirrer (Bacchus ventripotent), Bernard Deletré (Schlémil), Francisco Vas (Spalanzani), Gilles Cachemaille (Crespel), Nadine Denize (stupéfiante mère d’Antonia), la palette distincte des divers valets, tous incarnés par le ténor Eric Huchet que l’on a pu aussi apprécier en Melot dans le Tristan de Py également à Angers et à Nantes. Mêmes éloges pour les protagonistes: Nicolas Cavallier (les 4 figures démoniaques); Maria Riccarda Wesseling (Giuletta); Stella Doufexis (La muse et Nicklausse), entre autres, sans omettre, évidemment Patricia Petibon en Olympia et l’impeccable style du ténor belge Marc Laho (Hoffmann de grande classe).