Grâce à Zampa (1831) récemment ressuscité ou La fille mal gardée, Hérold (1791-1833), premier génie romantique français reste à l’affiche même si l’ensemble de son oeuvre demeure toujours une terra incognita. Grâce au Palazzetto Bru Zane Centre de musique romanique française, une biographie incontournable signée Alexandre Dratwicki a pu voir le jour, fixant pour longtemps les apports du compositeur et déterminant les qualités d’une écriture habile et virtuose taillée pour la scène, l’opéra comique, l’opéra et bien sûr le ballet… Les 4 Concertos pour piano écrits autour de son séjour à Rome après l’obtention du Prix de Rome témoignent de cette facilité mozartienne et mendelssohnienne de l’inspiration: tendresse lumineuse, suavité mélodique font les délices de la musique d’Hérold aujourd’hui et la rendent toujours aussi attractive auprès du public.
L’aisance d’Hérold se déploie en particulier sur le pan chorégraphique: Astolphe et Joconde (1827), Lydie , et la même année La Fille mal gardée (1828), puis La Somnambule enfin La noce de village (1830) jalonnent une inspiration dramatique qui sait épouser avec naturel toutes les particularités d’une action dansée. Le choix de La Somnambule n’est pas neutre: la partition éblouit littéralement par sa haute tenue musicale, sans temps morts ni redite; la finesse de l’orchestration, ce goût pour la fluidité mélodique et la transparence qui met en valeur des couleurs spécifiques (cordes et flûtes, cors…). Hérold caractérise chacun des épisodes clés comme il développe un même air lié à un personnage, selon ses apparitions et les développements de sa chorégraphie. Créé le 19 septembre 1827 sur la scène de l’Académie royale de musique, La Somnambule (action de Scribe, ballet de Aumer) d’Hérold, devance celle de Bellini, créée en 1831. De fait, il est légitime de penser que Bellini lui-même connaissait la musique précédente d’Hérold, reprenant certaines combinaisons de timbres et caractérisations musico-dramatiques;
Tout le travail de Richard Bonynge vise à la continuité dramatique de la partition et surtout sa flamboyante instrumentation; le chef recherche à éclaircir, alléger, sans jamais épaissir ou surligner les accents expressifs; il en ressort une sonorité limpide (cordes), détachée et lumineuse (apports particulier de la flûte, des clarinettes et des cors…). Hérold se distingue nettement tel le pionnier des créateurs de ballets romantiques, les grands cycles à venir: Coppelia, Gisèle…
Castagnettes, ou raffinement sonore du piccolo dès l’introduction, tendresse souple des cordes… tout une palette de couleurs se déploie avec un tact permanent.
Avisé, en liaison avec les « tubes » qui font le succès sur les scènes, notons dans le Finale de l’acte II: l’air de Monsieur triquet provenant de l’opéra Eugène Onéguine de Tchaïkovski (énoncé aux cors). D’ailleurs, tout ce finale, est une magnifique dramaturgie musicale qui semble récapituler tout le génie d’un Hérold maître de la scène. C’est le sommet du programme et la meilleure combinaison inteprétative de Richard Bonynge.
Hérold: La Somnambule (ballet, 1827). Orchestra Victoria. Richard Bonynge, direction. 2004. Richard Bonynge Edition. 1 cd Melba Foundation.