vendredi 19 avril 2024

François Couperin: Ténèbres du premier jour (Mandrin, 2008) 1 cd Ambronay

A lire aussi
Grand retour (réussi),
le temps du festival d’Ambronay (octobre 2008), des Demoiselles de
Saint-Cyr, dirigées par l’organiste Emmanuel Mandrin (aux commandes
depuis l’orgue de Saint-Antoine l’Abbaye, dans l’Isère). Le collectif
féminin s’entend à merveille à ciseler les divines arabesques écrites
par François Couperin, auteur génial du Grand Siècle.

Ferventes arabesques

…, Portant le nom de l’institution fondée pour les jeunes filles à
Saint-Cyr (non loin de Versailles) par la dernière épouse de Louis XIV,
Madame de Maintenon, à la dévotion triomphante, les 9 interprètes
ourlent et caressent chacun des épisodes avec cette angélisme fervent,
ce sens du texte et du verbe incarné qui les distinguent depuis leurs
premiers enregistrements, il y a une décennie. Nous nous réjouissons de
mesurer la plénitude et la maturité du geste vocal, fait
accomplissement spirituel (palmes dans la Première Leçon au timbre embrasé, clair et puissant, d’une fine architecture communicative de la soprano Dorothée Leclair, plage 5). La pureté et la justesse de la lecture rend pleinement justice aux Leçons de ténèbres de
François Couperin, vitrail majeur de 1713 dans l’histoire de la ferveur
française du plein baroque. En sortant pour la Semaine Sainte, l’album
remplit idéalement son office liturgique.

L’ampleur de la déclamation vocale, son incise mesurée et nuancée
restitue ce qui au moment du Carême Pascal, était couru par tous les
publics de la Capitale et à Versailles, lors des 3 dernières nuits de
la Semaine Sainte. Chaque Leçon (lecture) était chantée ainsi par les
religieuses, et l’on éteignait simultanément les cierges de l’église,
temps d’extase et de méditation, où la nuit des Ténèbres signifiait
l’acmé de la Passion du Christ, et dans le parcours de la Semaine
Sainte, le point ultime de la ferveur. L’album ne peut offrir que les Leçons du Premier Jour (Mercredi
Saint) car les deux autres sont hélas perdus: perte inestimable car
François Couperin lègue ici ce qu’il a réussi de mieux, de plus
inspiré. En complément à cet acte orant d’un intense expressivité qui
s’appuie sur la résonance de la voix soliste toute auréolée des vagues
de l’orgue, le programme met en perspective les oeuvres de Couperin,
avec celles de Charpentier (In Monte Oliveti, tristis est anima mea) et de Michel Lambert (Miserere, psaume 50).
Déploration, contrition, humilité compatissante des âmes pieuses:
comment n’être pas saisi par l’admirable éloquence des voix, de
surcroît très bien enregistrées dans l’espace réverbéré de
Saint-Antoine l’Abbaye (38)?

Gravure éblouissante par la sûreté de l’approche et la finesse des
voix, solistiques (somptueux mélismes sur chaque première lettre de
l’alphabet hébraïque) ou chorales (vertiges lacrymaux du Miserere de
Lambert, d’une architecture simple, directe sans être austère).
L’enregistrement est d’autant plus opportun qu’il souligne le geste
superlatif des interprètes. Il met en lumière la perte musicale si Les
Demoiselles de Saint-Cyr et Emmanuel Mandrin décidaient de ne pas
poursuivre leur démarche. Souhaitons leur de nouvelles réalisations
aussi stimulantes.

« Ténèbres du premier jour« :
oeuvres de François Couperin, Marc-Antoine Charpentier, Michel Lambert.
Les Demoiselles de Saint-Cyr. Emmanuel Mandrin, direction

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