vendredi 19 avril 2024

Festival de Sablé. Sablé, centre culturel, le 22 août 2007. Luigi Rossi, extraits d’opéra. Véronique Gens, soprano. L’Arpeggiata, Christina Pluhar.

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Depuis sa création, il y a 29 ans, le festival de Sablé affirme sa voix spécifique sur la scène baroque française. Danse, académie, concerts…, le festival veille à élargir chaque année son offre musicale, tout en commandant aux meilleurs interprètes, de nouvelles pistes de recherche. Pour preuve, ce nouveau concert de L’Arpeggiata dont le programme est dévoilé pour la première fois.

L’Arpeggiata : liberté d’une virtuosité improvisée
Depuis quelques années, pour rompre avec une certaine asthénie interprétative, les ensembles baroques de la « troisième génération », relancent de nouvelles pratiques, glissant subtilement du baroque le plus orthodoxe vers des champs plus éloignés de la musique dite « savante ». Musique traditionnelle mais sur instruments anciens, vocalité ou jeu libérés des indications écrites donnent un nouveau souffle aux baroqueux, de plus en plus séduits par une recréation d’autant plus experte dans la récréation improvisée que les capacités techniques sont aujourd’hui supérieures à ce qu’elles étaient il y a vingt ans. La liberté du geste et le sens de la performance, en phase avec les attentes du public actuel, distingue depuis sa création, chaque concert de L’Arpeggiata.
Christina Pluhar qui dirige de son théorbe, l’ensemble qu’elle a fondé, sait concocter des alliances de timbres comme sélectionner les parties de ses programmes, tel un chef cuisinier « réinvente » sa carte pour chaque saison. La musicienne est une habituée du Festival de Sablé, comme nous l’avions remarqué, lors de notre précédent séjour, en août 2006. Lire notre compte rendu du concert Monteverdi par Christina Pluhar. La palette des cordes, frottées, pincées, frappées, continue d’être le cœur de « sa » sonorité. En particulier, le jeu fusionné, exemplaire à ce tire, du psaltérion et du théorbe, qui même s’il reste peu avéré à l’époque de Rossi, atteste de la proposition récréative de l’interprète. Lui donnent la réplique, les joutes solistisantes des deux violonistes comme l’urgence enfiévrée des guitaristes. Curieusement aussi lisse et « classique », voire marmoréenne, que les instrumentistes redoublent de vitalité éruptive, Véronique Gens aborde le canto romain du Seicento avec un détachement olympien qui paraît en première écoute, décalé avec ses partenaires. Mais l’engagement se renforce peu à peu, la voix gagne en registre et en relief, et la chanteuse fait valoir, en particulier dans la dernière partie du programme (Lamentos d’Arion et d’Orfeo), une subtilité rageuse, articulée et dramatique, plus en phase avec le jeu sensuel et nerveux des instruments.
Le choix des partitions met en lumière la place de la Rome du premier baroque, qui vers 1640, sous le mécénat des Barberini (le pape Urbain VIII, et ses neveux, les cardinaux Francesco et Antonio Barberini), au Palazzo familial, est le centre de l’opéra romain et de la musique instrumentale. Ainsi Luigi Rossi (1598-1653) occupe-t-il une place première au sein de la colonie des musiciens favorisés. Son art, culminant avec Il Palazzo Incantato (1642), à l’affiche de la prochaine saison du Théâtre de Poissy, illustre le raffinement de la scène musicale italienne, qui se prologne encore avec L’Orfeo de 1647, commandé par Mazarin, pour être joué à Paris. Avant Lully et Cavalli, Rossi a donc joué un rôle déterminant dans l’évolution culturelle française au XVII ème siècle. Cette première est donc un juste retour des choses… L’engagement des interprètes à servir un répertoire qui devrait nous être familier est indicutable. Dommage cependant que l’acoustique de la salle du centre culturel de Sablé, pourtant reaménagé, ne nous permette pas de détailler comme il conviendrait la riche palette des timbres instrumentaux, associés à la voix de Véronique Gens. Lire notre entretien avec Christina Pluhar.

Festival de Sablé. Sablé, Centre culturel, le 22 août 2007. Luigi Rossi: « La lira d’Orfeo ». Véronique Gens, soprano. L’Arpeggiata, direction: Christina Pluhar. Cantates et airs d’opéras de Luigi Rossi (1598-1653). Il Palazzo Incantato: aria di Pittura (Vaghi rivi), Begl’occhi te dite, aria di Bradamante (Dove mi spingi, Amor), Gelosia. Orfeo: lamento d’Euridice, Lamento d’Orfeo. Lamento d’Arione. Margit Übellacker, psaltérion. Eero Palviainen, archiluth et guitare baroque. Veronika Skupik et Alessandro Tampieri, violons baroques. Paulina van Laarhoven, lirone et violetta. Christine Plubeau et Josh Cheatham, violes de gambes. Richard Myron, violone. Haru Kitamika, orgue. Francesco Turrisi, clavecin. Direction: Christina Pluhar, théorbe.

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