Festival d’Aix, 1948-2008:
« 60 ans »
1948-2008: le Festival souffle ses 60 ans. Cet ouvrage équilibré, parfaitement accessible, dosé dans le choix des photos et dans le déploiement des textes (1/4 du livre), ne faillit pas à son objet: la commémoration y est magistralement développée. Comment raconter l’histoire de l’un des plus anciens (et des plus prestigieux) festivals de musique français? Par l’image et le témoigne. Les images sont celles du fonds photographique parmi l’un des plus riches qui soient (où l’on voit entre autres Hans Rosbaud, baguette en l’air, dans un flou artistique magistral et depuis, légendaire…), par le témoignage ensuite, celui d’Edmonde Charles Roux (interviewée par Laure Adler) qui fut à Aix, parmi les premières « abeilles »: active, communicante, diffusant la « révolution Aix », dès son origine, en 1948. Trois mots peuvent ainsi dans son évocation très précise et aussi synthétique, caractériser le festival mozartien à ses débuts: liberté, création, féerie…
La France de l’Après -Guerre a besoin de recréer ses modèles et ses sources d’enchantement: le Festival d’Aix y pourvoira, sous la conduite de deux autres fondateurs éclairés, Gabriel Dussurget et Lily Pastrée… Edmonde Charles Roux détaille, analyse, restitue… la place de Mozart (chanté en italien, et non plus en français ou en allemand), l’esprit tréteaux, et la magie des premières représentations de Cosi, des Noces, de Don Giovanni, dans la cour de l’Archevêché. Déjà, la féerie y tient place… ce que les spectateurs viennent toujours rechercher aujourd’hui. On y décèle la place et l’oeuvre majeure des plasticiens décorateurs tels Clavé (espagnol ayant fui la tyrannie de Franco), Derain, Balthus, Cassandre… L’évocatrice brosse aussi un portrait de la Comtesse Pastrée (qui protégea nombre d’artistes et de réfugiés juifs pendant l’Occupation…), femme tchékovienne, douée d’un goût unique pour la poésie…
Dans un texte complémentaire, Bruno Ely, conservateur en chef du Musé Granet, évoque de son côté l’oeuvre de ses ancêtres, photographes du Festival, dévoilant dès les origines, l’activité des artistes, et aussi l’évolution d’un festival devenu une machine entreprenariale. En conclusion (« déployer le festival, partir de ses racines« ), le nouveau directeur, Bernard Foccroulle, dresse un bilan historique et artistique sur l’apport de ses prédécesseurs: Dussurget, Erlo, Lefort, Lissner… à leur successeur revient aussi, en un réquisitoire humaniste et politique, l’avantage des perspectives actuelles, des métamorphoses et des défis de demain, plaçant le festival d’Aix dans sa trajectoire active et pertinente au sein d’un monde globalisé qui ne doit rien sacrifier des bénéfices et des enjeux de la culture. En couverture, le décor de L’Affaire Makropoulos de Janacek (Rattle/Braunschweig, Aix, 2000), avec son foisonnement de rayonnage de livres, confirme cette accumulation de strates vivantes, qui compose aujourd’hui la mémoire et la richesse du festival d’Aix en Provence.
La partie photographique qui est de loin la plus importante (3/4 des 160 pages), immerge le lecteur dans l’histoire des productions et des mises en scène qui ont fait et font aujourd’hui, le Salzbourg français. En un raccourci ensorcelant, l’oeil y reconnaît entre autres, le premier Cosi mozartien dans les décors de Wakhéwitch (1948), la silhouette agile et affûtée de l’autrichien Hans Rosbaud, la photogénie de la soprano Graziella Sciutti (1953), Michel Sénéchal incarnant Platée, (la Reine des grenouilles dans l’opéra de Rameau. 1956, décors de Maclès), Teresa Berganza dans le rôle de Didon (Didon et Enée de Purcell, 1960, décors de Cassandre), le Cosi légendaire de 1965 avec Teresa Berganza et Teresa Stich Randall, Joan Baez (1977), Montserrat Cabbalé et Marylin Horne dans Semiramis de Rossini (1980), Le Don Giovanni de Peter Mattei (dans la mise en scène de Peter Brook, 1998), Mireille Delunsch dans le rôle de la gouvernante du Tour d’Ecrou de Benjamin Britten (2005), le premier Ring à Aix, celui de Rattle et Braunschweig, amorcé avec L’or du Rhin, en 2006… Inauguration du Grand Théâtre de Provence avec le second volet de la Tétralogie, La Walkyrie en 2007. Enfin, le cahier portfolio s’achève avec De la maison des morts de Janacek, présenté en 2007, ultime collaboration autour d’un opéra, entre Chéreau et Boulez.
Cette édition anniversaire est un must. A lire et relire, voir et revoir, pendant l’été et après. En complément, l’ouvrage recense à la fin de la publication, touts les opéras représentés à Aix, de 1948 à 2008: plus de 230 spectacles !
Festival d’Aix, 1948-2008. 60 ans. 160 pages. Parution: 4 juillet 2008