vendredi 29 mars 2024

Erwin Schrott, nouvelle icône lyrique ?

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Erwin Schrott,
nouvelle icône lyrique?

Une basse qui barytone avec un magnétisme dramatique et coloré comme peu autour de lui… une diction amusée, hédoniste, sanguine et palpitante offrant une incarnation nerveuse chez Mozart (Figaro, Les noces), mais aussi cette gravité sombre du timbre qui lui permet de jouer sur les registres du chant viril Don Giovanni, Méphistophélès… : l’art vocal de l’uruguyen Erwin Schrott (36 ans en 2008, né à Montevideo en 1972) se taille une part majeure parmi les jeunes tempéraments de la scène lyrique actuelle.


Acteur-chanteur
Le chanteur est déjà un acteur aguerri. Sur les 8 personnages abordés dans son premier disque chez Decca, de Mozart, Verdi et Gounod à Meyerbeer et Berlioz, l’interprète a incarné sur scène… 5 rôles. Pas si mal, pour un talent récent de plus en plus indiscutable… Avant de chanter, le jeune homme lava des voitures et aida ses parents dans le restaurant familial, à l’époque où l’Uruguay traversait l’une de ses crises économiques les plus difficiles. Du métier de chanteur et de l’opéra en général, le baryton-basse avoue avoir tout appris de la pianiste et metteuse en scène, Emilia Rosa, aujourd’hui décédée. Quittant l’Amérique du Sud, le jeune interprète rejoint l’Italie pour parfaire son apprentissage vocal: Leo Nucci lui prodigue de précieux conseils. A Montevideo, Erwin Schrott se distingue à 22 ans, en 1994, dans le rôle de Roucher, d’Andrea Chénier, un rôle qui lui offre une première incarnation ample et dramatique. Suivant le conseil de Mirella Freni, le jeune artiste sait préserver son talent en choisissant des rôles expressifs « confortables », au risque mesuré: Colline (La Bohème), Masetto (Don Giovanni), Timur (Turandot), Ramfis (Aïda), … un apprentissage de longue haleine, à l’implication progressive et constante qui lui permet de fouiller son approche psychologique des caractères sans porter atteinte à son timbre.

Leporello et Don Giovanni
En 1998, le baryton (26 ans) remporte le premier prix du Concours Operalia de Placido Domingo. L’ascension ne tarde comme l’exposition dans des rôles plus audacieux: Pharaon (Moïse et Pharaon de Rossini) sous la baguette de Muti, surtout Leporello et Don Giovanni (chanté pour la premièr fois en 2004 à Whashington), comme Figaro, font de lui un mozartien à la sanguinité extravertie, non dénué d’une exigence linguistique. Il ne s’agit pas de déployer une palette vocale riche et ample, il faut aussi incarner les états émotionnels de la musique. Un défi que le chanteur souhaite relever avec assiduité. Ainsi, trouvant son Figaro de 2006, un rien trop « volcanique », l’interprète veille à ciseler davantage la vérité de son approche scénique et vocale.

Aujourd’hui, l’artiste recherche à raffiner davantage chacun des rôles qu’il a abordés sur scène: Narbal (Les Troyens de Berlioz), Macbeth (Verdi), Onéguine (Tchaïkovski), comme il recherche à élargir sa palette émotionnelle grâce à de nouveaux rôles, dont quelques Belliniens: Rodolfo (La Sonnambula), Giorgio (I Puritani)…

A l’été 2008, Erwin Schrott chante Leporello à Salzbourg (dans la mise en scène de Claus Guth sous la direction de Bertrand de Billy), avant d’aborder Don Giovanni au Metropolitan de New York, Escamillo (Carmen) à la Scala sous la baguette de Barenboim, et Figaro, dans Les Noces de Figaro, à Vienne, la capitale autrichienne où, il y a quelques années, il désespérait de ne jamais trouver d’engagement après avoir échoué au Concours Hans Gabor Belvedere. A force de ténacité, l’artiste a su démontré son immense talent… un talent qui pourrait devenir art majeur s’il travaille encore sa diction et la finesse de ses rôles. Promis à une belle carrière, Erwin Schrott, compagnon à la ville de la soprano autrichienne et russe, Anna Netrebko, nous offrira un prochain accomplissement en chantant avec sa compagne. En attendant ce duo miraculeux, le baryton pourrait bien devenir la nouvelle icône lyrique des années à venir.

CD

Erwin Schrott fait paraître son premier disque chez Decca, un récital lyrique qui mêle Mozart (6 airs sur les 12 au total), Verdi (Don Carlos, Les Vêpres Siciliennes, chantés en Français), Berlioz (La Damnation de Faust), Gounod (Faust), Meyerbeer (Robert le diable)… Mozartien, Verdien, mais aussi Méphistophélès au rire sardonique, le baryton-basse nous offre une palette dramatique particulièrement riche et convaincante. Erwin Schrott: Arias 1 cd Decca. Avec l’Orquestra de la Comunitat Valenciana. Riccardo Frizza, direction

DVD

« Trop volcanique »? selon les termes rétrospectifs de l’artiste, son Figaro brûle pourtant la scène et tire la couverture à lui: présence et tempérament vocal autant que scénique imposent ici un chanteur qui est une formidable « nature »… Valet épidermique, Figaro retrouve ainsi sa vérité émotionnelle. Mozart, Les Nozze di Figaro, les noces de Figaro, production du Royal opera house Covent Garden, 2006, 1 dvd Opus Arte. Mise en scène: David McVicar.

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